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dimanche 12 septembre 2021

Apprendre à se noyer de Jeremy Robert Johnson

« Quelle conception erronée du monde est la tienne pour considérer que les humains portent les seuls enfants ? Que seul l’homme peut être accablé de chagrin ou gémir dans la nuit ? »

Étrangeté : le mot qui me vient directement lorsque je pense à ma lecture d’Apprendre à se noyer. 


Jeremy Robert Johnson nous entraîne au coeur d’une histoire atypique où l’amour d’un père pour son fils dépasse tout. 


Le début est assez anodin : un père emmène son fils pêcher dans un coin inconnu de l’Amérique du Sud. 

Pas de lieu précis, pas d’époque, pas de nom. Cet homme peut être n’importe quel homme, sa femme, figure fantomatique du roman, peut être n’importe quelle mère. Cet enfant enfin, ce petit être fragile et innocent, peut être n’importe quel enfant. 


Malgré le commun des premiers mots, l’étrangeté arrive au galop et s’immisce au travers des lignes. 

Ce que l’on pensait être une histoire familiale est en réalité une sorte de nature writing. Une fable naturelle. 


Le cauchemar s’installe aussi vite que la joie disparaît. Et la gloire de la nature est remplacée par sa dangerosité. La nature respire, vit. Douceur et férocité. C’est dans cette ambiance de crise que le protagoniste survit tant bien que mal et essaie par tous les moyens de réparer l’irréparable.  


L’auteur nous entraîne dans une quête, le protagoniste doit suivre son parcours initiatique autant extérieur qu’intérieur. 

Le danger ne vient pas (seulement) de la nature, le danger vient surtout de nous-mêmes ; des chasseurs sachant chasser… 


Jeremy Robert Johnson dévoile un roman très fort dans sa brièveté. À peine quelques pages lus et vous serez pris d’empathie pour cet homme dont on ne connait le nom. Invitation à la réflexion sur notre place dans la nature et sur la nature elle-même, Apprendre à se noyer raconte bien son titre… 


Traduit par Jean-Yves Cotté. 








dimanche 7 février 2021

Mind MGMT - Rapport d'opérations 1 & 2 de Matt Kindt

Mind MGMT - Rapport d'opérations 1/3 : Guerres psychiques et leurs influences invisibles 


!! Ceci est un message envoyé par le Mind MGMT, seul les agents dormants sont habilités à le comprendre !!

Les nouvelles parutions de Monsieur Toussaint Louverture sont toujours à regarder avec attention, elles promettent souvent de beaux moments d’évasion. Il n’est pas étonnant alors si après avoir reçu la brochure j’ai été très intriguée par ce roman graphique, premier tome d’une trilogie dont le dernier paraîtra en janvier 2021. 
Intitulé "Guerres psychiques", ce tome introductif nous entraîne au coeur de machinations à l’échelle planétaire. 


Sans entrer dans les détails (mieux vaut garder tout le mystère avec ce genre d’histoire), on rencontre Meru, auteure d’un livre d’enquête paru deux ans plus tôt. Voilà que son livre a été un best-seller complet mais depuis, bah la Meru elle se tourne un peu les pouces. 

Désespérant de trouver un sujet à sa mesure elle commence à s’intéresser au vol 815 dont les passagers ont mystérieusement perdu la mémoire (à l’exception d’un petit garçon). 
En voilà un sujet passionnant et qui promet une bonne histoire, mais Meru ne se rend pas bien compte d’où elle met les pieds et va se retrouver au centre d’une affaire absolument dingue. 

Car le Mind Management, organisation secrète centenaire a bien des secrets. 

Même si je ne suis pas hyper fan du dessin des visages j’ai adoré le travail de colorisation. L’utilisation de l’aquarelle et son détournement en quelque sorte — les couleurs traduisent de la violence notamment, tandis qu’on a l’habitude de voir l’aquarelle comme quelque chose de doux, avec des couleurs vives, gaies… 

Véritable OVNI, Mind MGMT est un livre qui part dans tous les sens. Les pages sont truffées de texte, d’informations, de récit dans le récit comme avec l’utilisation des marges. 
J’ai adoré cette la mise en abîme ainsi que les différents points de vue. On suit principalement Meru, mais pas seulement et c’est ce qui permet la création d’un suspense qui véritablement te donne envie d’aller plus loin, de toujours tourner la page suivante pour comprendre tout. 

Et surtout, surtout, ce que j’ai préféré, c’est l’ajout d’une page (ou une double page) à chaque début de chapitre pour nous présenter un des agents du Mind MGMT. 
Matt Kindt ce n’est clairement pas n’importe qui (il est très connu pour avoir contribué à l’écriture de comics notamment) et effectivement son travail vaut le détour ! 
La création de son monde, la facilité pour le lecteur de se perdre mais aussi de se retrouver… Mind MGMT est une oeuvre de qualité, une oeuvre prenante et dans laquelle on entre pour ne plus sortir. 

Apprenez-en le moins possible dessus. Jetez-vous à corps perdu dedans et laissez-vous entraîner par cette histoire de dingue, c’est tout ce que je peux vous conseiller. 



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Mind MGMT - Rapport d’opérations 1/3 de Matt Kindt 
(publication originale : 2012, publication fr. chez Monsieur Toussaint Louverture, 2020). 
Traduit de l'anglais (États-Unis) par Thomas de Châteaubourg 
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Mind MGMT - Rapport d'opérations 2/3 : Espionnage mental et son incidence collective


Et on continue dans la découverte du roman graphique Mind MGMT de Matt Kindt avec la sortie du deuxième tome.


Souvenez-vous, tous les éloges pour le premier tome : la puissance des couleurs, le détournement de l’aquarelle, présente pour illustrer des scènes violentes, la sur-présence du texte… 


Tous ces compliments valent pour le deuxième tome intitulé « Espionnage mental et son incidence collective ». 





Si j’ai retrouvé tout ce qui me plaisait esthétiquement parlant dans le premier tome, il en a été de même pour le fond. 


En s’enfonçant encore plus dans les méandres du Mind Managment, l’intérêt grandit plus encore que dans le premier. 

Là on a une idée précise des choses et on veut savoir ce qu’il va bien pouvoir se passer pour tous ces personnages, Meru en tête. 


Il est impossible d’aborder ce deuxième tome sans raconter le premier alors je ne m’y essaierai pas. 


Dans le premier je vous avais parlé de mon enthousiasme concernant la double-page à chaque début de chapitre. Pages consacrées à la présentation d’un espion du Mind MGMT. On retrouve toujours le même principe mais cette fois pour atteindre les « étages supérieurs », ceux qui sont vraiment badass. Ou alors pour nous présenter les ennemis du Mind… 

Je crois que c’est ce que je préfère dans cette histoire, la présentation de nouveaux personnages ayant de nouveaux pouvoirs. Ça montre la richesse créative de l’auteur et ça s’emboîte parfaitement dans l’histoire qu’il souhaite raconter ! 


Enfin, j’ai adoré les dernières pages, consacrées aux mémoires d’Henry Lyme. Les couleurs, les dessins… je suis fan. 


Un deuxième tome encore meilleur que le premier où le lecteur est de nouveau baladé d’un coin à l’autre sans possibilité de souffler. 

La création de nouveaux personnages apporte un souffle d’air frais et la multiplication de récits au coeur du récit est sans doute l’un des plus grands tours de force de cette saga ! 


Mind MGMT 2 de Matt Kindt, traduit par Thomas de Châteaubourg aux éditions Monsieur Toussaint Louverture.






dimanche 24 janvier 2021

À l'autre bout de la mer de Giulio Cavalli

 « Traiter ces morts comme des marchandises est une infamie qui restera dans l’histoire. »


DF, petite ville portuaire italienne. Tout s’y déroule sans accro. Village de pêcheur tout d’un coup envahit par l’étranger. 

Tout commence lors de la découverte d’un corps par Giovanni Ventimiglia. Un homme, un étranger, un mort. 

C’est par la suite la découverte d’un deuxième corps.


Peu à peu la ville est envahie, une véritable marée humaine investit le village, le recouvre, l’abîme. 



Les habitants, le maire, même Rome, tout le monde est dépassé. 

Qui sont ces morts qui se ressemblent tous ? D’où viennent-ils ? Que viennent-ils faire ici ? 


Avec un fléau digne des meilleurs passages bibliques, DF doit compiler avec l’urgence de la situation. Seule face à tous ces corps anonymes mais en même temps identiques, il faut trouver une solution. 

Et le moins qu’on puisse dire c’est que les solutions sont vite trouvées. Elles débordent d’ingéniosité. Mais elles sont d’une glaçante barbarie. 


Avec À l’autre bout de la mer Giulio Cavalli s’intéresse à la question des migrants bien sûr, mais aussi à celle de l’économie, parfaitement indissociables. 

Et effectivement l’économie tient une place importante dans la perception que l’on a des migrants, ceux qui « volent notre travail »… 


À l’autre bout de la mer est un roman d’une grande force. En conjuguant différents points de vue, du plus abject au plus acceptable, le lecteur ne peut rester de marbre face aux exactions commises par certains personnages au nom de la préservation de DF ou du bénéfice. 


La lecture se fait de plus en plus difficile à mesure que les solutions inhumaines sont trouvées. Et c’est dans la normalité, la légèreté avec laquelle parlent certains personnages que les scènes sont les plus abominables. 


Quelque chose s’est brisé, a-t-elle sangloté. Oui, tu me les brises, lui ai-je rétorqué. Elle a fait semblant de chercher un objet dans un tiroir vide, pour éviter de me regarder. Je ne veux pas rester ici, vous êtes en train de devenir des bêtes, murmurait-elle le nez dans le tiroir. Tu parles au tiroir ? lui ai-je demandé.


La préservation passe avant tout, avant l’explication, avant l’aide. Il ne s’agit pas de comprendre d’où viennent ces hommes, comment ils ont pu débarquer ici, comment ils sont morts. Il s’agit de se protéger, de protéger DF et ses habitants, d’enterrer les morts le plus rapidement possible et à défaut, de les utiliser pour prospérer. 


Finalement DF devient une ville cauchemar. Une ville où les journalistes sont bannis, une ville, que dis-je un « état indépendant » puisqu’autosuffisant où les étrangers ne sont que du bétail. 

Une ville dystopique. Une dictature. 


De nouveau les éditions de l’Observatoire m’éblouissent avec leur littérature étrangère. 

J’ai adoré ce roman parce que comme toute bonne dystopie, il nous révèle quelque chose de notre monde, il dénonce une réalité connue mais évidemment largement exacerbée. 


Dans une langue simple mais diablement efficace, Giulio Cavalli (et donc aussi sa traductrice Lise Caillat) touche dans le mille, il bouscule, il dérange le lecteur. 

Il dénonce surtout ; l’égoïsme humain et sa cupidité, voilà deux éléments parmi bien d’autres auxquels vous serez confrontés à la lecture de ce roman. 












mercredi 2 décembre 2020

Un jour d'été que rien ne distinguait de Stéphanie Chaillou

Il me tardait de découvrir ce dernier roman de Stéphanie Chaillou après avoir beaucoup aimé, avec Le bruit du monde, l’histoire de Marilène. 

Ce deuxième roman que je lis m’a beaucoup fait penser au premier. On retrouve les mêmes thèmes : une enfance vécue dans la pauvreté, le sentiment d’être différent des autres à cause de cette pauvreté, le regard infantile porté sur des parents désemparés, étranglés par les dettes et les soucis. 




J’ai retrouvé ces éléments qui m’avaient tant plu dans Le bruit du monde. Ce besoin vorace de liberté, de se trouver quoi qu’il arrive. 

La quête identitaire est primordiale pour Louise comme elle l’était pour Marie-Hélène. 

Louise aussi est « fille de pauvres », elle aussi refuse de suivre un chemin qui serait tout tracé pour elle. 


Je me souviens que c’était surtout ça qui se passait, quand j’étais enfant. Cette chose-là que je percevais. Leur détresse. Leur peine. Les difficultés qu’ils rencontraient et qu’ils s’efforçaient de nous cacher. Ces sentiments qui floutaient leurs yeux. Comme si une vie se passait à l’intérieur d’eux. Qu’une histoire se prolongeait en eux.


À l’instar de Marie-Hélène, Louise refuse ce carcan, la contrainte de sa classe, de ses origines, celle de la pauvreté. 

À l’instar de Marie-Hélène toujours, Louise n’a qu’un seul moyen d’en sortir, de s’élever, de devenir autre. Le seul salut possible est permis grâce aux études et rien d’autre. 


Dans mon esprit, Louise est quand même plus extrême que Marilène dans sa conception des choses. 

Comme dans son refus d’être considérée comme inférieure aux garçons, elle qui se plaît à les battre. Pas parce qu’elle aime la compétition, non parce qu’elle est une fille et qu’il y a cette gratification à battre des garçons ; elle à qui l’on a refusé le foot sous le prétexte que ce n’est pas compatible avec son sexe. 


Les années passent et Louise, pour qui l’idée de vivre une vie lambda, une vie de ménagère, est insupportable, s’interroge sur son parcours. Sur ce que son acharnement à devenir autre à fait d’elle. Sur cette apparition aussi, quand elle était enfant, d’une jeune fille près de la Garonne.


Un jour d’été que rien ne distinguait raconte le besoin d’élévation, la quête d’identité et la radicalité aussi, présente dans ce roman et absent du précédent. 

Stéphanie Chaillou ajoute le questionnement autour du sexe, et des différences que ça occasionne dès l’enfance. Mais aussi plus tard, à l’âge adulte, par le biais de la figure de la meilleure amie Myriam notamment.


La plume de l’auteure est sans aucun doute un des éléments qui me plaît le plus. Une écriture parfois saccadée, faite de répétitions, de ruptures et d’une clarté sans pareille. Ses mots me touchent à chaque fois et je ressens une certaine affinité avec ses personnages. 


Je ne vivrais pas cette tristesse, cet abandon. Je ne me laisserais pas enserrer par le désarroi. La réalité ne me ferait pas ce que je voyais qu’elle faisait aux autres, aux adultes, à mes parents. Je ne serais ni pauvre, ni triste, ni résignée.


En 140 pages Stéphanie Chaillou donne à voir un portrait d’une force inouïe où les questionnements sont plus importants les uns des autres. Dès la première page, le charme s’opère et arrivé à la dernière, on en redemande encore. 


Finalement Un jour d’été que rien ne distinguait est pour moi une manière de pousser plus loin les remarques déjà présentes dans Le bruit du monde, mais aussi de les dépasser. 

La grande différence, celle de la prise de conscience de son sexe et tout ce que cela implique, est le pivot de l’histoire. 

Avec l’histoire de Louise, Stéphanie Chaillou montre les changements ; avec l’illustration « Paprika » on comprend que les femmes, les petites filles, qu’importe, n’ont pas besoin de garçon. 


Il me semblait que le défaut majeur pour un homme ou une femme, c’était le mensonge. Mentir aux autres, mais se mentir à soi surtout. Ne pas oser se voir. S’éviter. Faire comme si l’on pouvait effacer la réalité, prétendre qu’elle n’existait pas.






dimanche 31 mai 2020

Le Coin des libraires - L'Affamée de Violette Leduc

Aimer est difficile mais l’amour est une grâce.

Je ne vous présente plus Violette Leduc, je crois que depuis le temps vous avez bien compris mon profond intérêt pour cette auteure française du XXe siècle.

Je continue ma découverte de sa bibliographie. Après avoir étudié L’Asphyxie et La Bâtarde pour un cours, j’ai décidé de me plonger dans L’Affamée, son deuxième roman paru en 1948. 

L’Affamée est consacré à l’amour de Leduc pour son amie, l’auteure du Deuxième Sexe, j’ai nommé Simone de Beauvoir. 
Après sa rencontre qui a permis la publication chez Gallimard de L’Asphyxie dans la collection Espoir d’Albert Camus, Leduc tombe amoureuse de son amie, l’indépendante, la forte, l’intelligente Simone. 

Mais rien ne se passe comme elle l’aurait souhaité. Simone, dont on remet en cause (peut-être plus facilement aujourd’hui) l’hétérosexualité, n’éprouvait aucun sentiment pour la tumultueuse Violette. Pis, elle s’est parfois moquée du « visage ingrat » de Violette dans des lettres destinées à certains de ses proches. 



Violette n’aura eu aucune chance. Simone lui a permis de s’épanouir en tant qu’écrivain en l’encourageant à poursuivre dans cette voie, en lui prêtant de l’argent, en écrivant la préface de La Bâtarde, afin de rallier ses lecteurs et de leur permettre de découvrir son poulain. 

Mais tout ça finalement, ça passe au second plan quand on comprend l’amour ressenti par Leduc, cet amour à sens unique. 
L’Affamée raconte ce sens unique. Il raconte les longues semaines, les longues heures à attendre que « Madame » revienne d’un de ses nombreux voyages. Il raconte l’attente, les divagations d’une narratrice perdue sans son amoureuse. 

J’avais un peu peur du thème initial, je savais de quoi il en retournait puisqu’elle en parle dans La Bâtarde, et l’amour à sens unique, surtout celui éprouvé pour Beauvoir, je n’avais pas hyper envie de le découvrir.

Faut dire que Simone de Beauvoir est une de mes auteures préférées, j’adore ses livres autobiographiques, mais au fur et à mesure du temps le mythe s’est un peu fissuré pour donner à voir une autre personnalité, moins clinquante, plus réelle. 
Et puis j’ai feuilleté l’essai de Marie-Jo Bonnet, Simone de Beauvoir et les femmes, et j’y ai découvert des choses pas toujours reluisantes, comme cette partie justement assez courte autour de sa relation avec Leduc, autour du fait qu’elle la critiquait dans des lettres à ses amis… 

Bref on est pas là pour parler de ça mais bien de L’Affamée
En fait, tout ce que je dis là, c’est pour justifier le fait que je n’ai pas tant accroché que ça. J'aurais jamais cru dire ça d’un livre de Violette Leduc et c’est pourtant le cas. J’y ai retrouvé la beauté de sa plume, peut-être parfois trop précieuse comme certains aiment le rappeler, mais malgré ça l’histoire n’est pas parvenue à me captiver suffisamment pour que je passe outre les digressions, pour que j’éprouve un réel intérêt pour ce qui fait la matière du livre : un amour à sens unique, une narratrice esseulée, perdue au sein d’une ville trop grande, à la fois trop peuplée et trop vide. 

L’Affamée considérée comme « la description de l’Amour », honnêtement je pense qu’on peut repasser, ses autres livres à l’instar de La Vieille fille et le mort (je sais je vous en parle tout le temps de ce livre, mais lisez-le !!) sont, à mon sens, bien plus intéressant à découvrir. Mais comme toujours, il s'agit d'un ressenti personnel. 







mercredi 6 mai 2020

Le Coin des libraires - Le bon fils de Denis Michelis

N°27 des Notabilia, et accessoirement le deuxième roman de Denis Michelis, mais le premier a être publié chez Noir sur Blanc - le deuxième, État d'ivresse est paru début janvier 2019. Le bon fils est un ouvrage qui m'a longtemps fait de l'oeil, j'ai fini par craquer et me plonger dedans. 

Je commence à en avoir lu des livres de cette collection mine de rien. J'ai mes grands favoris les romans de Gaëlle Josse, ceux de Sam Savage, À tout moment la vie de Sam Malmquist (mon premier de cette collection est véritablement l'un des meilleurs !!) et d'autres encore, et puis il y a ceux que je pensais vraiment aimer, et qui ne m'ont finalement pas vraiment touché. Dans cette catégorie, il y a trois ouvrages : La condition pavillonnaire, N'oublie pas s'il te plaît, que je t'aime et La mer de la tranquillité
Du coup maintenant quand je commence un roman de cette collection, j'essaie de partir sans à priori, il y en a que je peux aimer, d'autres, moins.




Le bon fils compte parmi les excellentes découvertes. J'ai adoré cet ouvrage si bien que je l'ai lu en deux petits jours. Dès que j'avais ne serait-ce que dix minutes de liberté, je le lisais. L'histoire, l'humour parfois grinçant de Denis Michelis, j'ai tout aimé. 

Le roman est découpé en trois parties appelées actes, comme au théâtre. On suit d'abord la relation entre Albertin et son père depuis qu'ils ont déménagé à la campagne suite au divorce des parents. De sa mère, on ne sait rien excepté qu'elle ne voulait plus de lui. Elle aussi a baissé les bras. 

Le bon fils, c'est tout bêtement l'histoire d'Albertin devenu Constant. Un adolescent qui n'est pas bon à l'école, qui n'a pas d'ami, bref qui est tout seul et qui, en plus, a la fâcheuse habitude de parler aux arbres. C'est tout naturellement que son père va décider d'inviter Hans, un de ses amis d'enfance pour s'occuper de l'éducation de son fils. Comme son ex-femme, lui aussi à tout essayé et pas moyen, Albertin est un cas désespéré, jamais il ne sera un bon fils. 


Mais voilà que Hans va faire des merveilles, il va prendre en main l'éducation du jeune Constant qui va devenir populaire grâce à son "père" trop cool qui vient le chercher en voiture, ou parce qu'il commence à obtenir de bons résultats au lycée. Miraculeusement, Constant devient un bon fils, il se voue à Hans qui possède une large part d'ombre. Détenteur des clés de la cave (on défend à Constant d'y aller) il est une sorte de gardien, mais pas un gardien très positif.

Après que le père ait donné Albertin en cadeau à Hansi (on se passe de commentaire haha !), celui-ci va prendre sa tâche très à coeur et va choisir d'éduquer Constant de la seule manière possible : avec la violence. En relisant ma phrase, je comprends à quel point c'est loufoque, comment un père peut-il donner son fils comme on donne du sel ? Le sujet est sérieux, mais il est parfois abordé de manière légère et complètement barrée. C'est ce mélange qui fait le point fort de l'ouvrage. Sur la quatrième, il est fait mention de "tragi-comédie" et en effet, je trouve qu'il n'y a pas de terme plus adéquat pour qualifier ce roman qui s'apparente quelques fois au théâtre, par exemple quand Albertin parle à son arbre, on a le sentiment qu'il se confie au lecteur dans une sorte de monologue. 
Ces monologues sont importants, il remplace en quelque sorte la mère absente, il est le confident, celui qui protège et qui empêche de devenir un bon fils.

Et il y a la fille aux boutons d'or, celle qui n'hésitera pas à le qualifier de "malade mental", qui lui dira qu'il n'y a pas de "Hans + son père", qu'il n'y a que lui, Constant, et son père. Ça nous interroge pas mal sur la place de Hans, son rôle et son existence. Sur la question du dédoublement de personnalité. D'un côté il y a le père, effacé et impuissant et de l'autre, il  y a Hans, libre, charmeur et violent. L'inaction contre l'action. Le coup de théâtre final n'en est pas vraiment un et on est forcé de s'interroger sur ce qu'est être un bon fils. 

Sans doute est-ce la base pour devenir un bon employé, un bon mari, un bon homme, base fondamental aujourd'hui pour réussir dans la vie. C'est donc en quelque sorte une critique acerbe de la pression scolaire, de l'éducation des parents qui abandonnent leurs enfants une fois que l'échec pointe le bout de son nez ou qui, au contraire, deviennent violent ou menaçant envers leurs enfants. C'est aussi l'occasion d'aborder la relation complexe qu'il y a entre un père et son fils. La nécessité d'être fier tout en s'émancipant totalement. 
Constant s'est émancipé, il a changé de nom, de père, de mère, il est désormais libre de ses choix. Capable d'être un bon fils, il sera capable d'être un bon homme. 


▣ Une lecture unique, fascinante pour son propos et sa construction, l'écriture parfois comique, parfois acerbe de Denis Michelis ajoute une perpective en plus à cette histoire déjà passionnante. 










samedi 12 janvier 2019

Le Coin des libraires - #121 Une longue impatience de Gaëlle Josse

Le voici, le dernier roman de Gaëlle Josse, paru lors de la rentrée littéraire d'hiver 2018, j'ai nommé Une longue impatience. Récit déchirant, puissant, émouvant, j'ai une nouvelle fois prit un immense plaisir à la lire.


"Je suis envahie, pénétrée, toute résistance devenue inutile, par les coups sourds, aveugles, insistants d’une souffrance qui ne me laisse aucun repos. Je vis avec une absence enfouie en moi, une absence qui me vide et me remplit à la fois. Parfois, je me dis que le chemin qui me happe chaque jour est comme une ligne de vie, un fil sinueux sur lequel je marche et tente d’avancer, de toutes les forces qui me restent."
Gaëlle Josse, Une longue impatience.


Ce soir-là, Louis, seize ans, n’est pas rentré à la maison. Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, dans un village de Bretagne, sa mère Anne voit sa vie dévorée par l’attente, par l’absence qui questionne la vie du couple et redessine celle de toute la famille.

Chaque jour, aux bords de la folie, aux limites de la douleur, Anne attend le bateau qui lui ramènera son fils. Pour survivre, elle lui écrit la fête insensée qu’elle offrira pour son retour. Telle une tragédie implacable, l’histoire se resserre sur un amour maternel infini.

Avec Une longue impatience, Gaëlle Josse signe un roman d’une grande retenue et d’une humanité rare, et un bouleversant portrait de femme, secrète, généreuse et fière. Anne incarne toutes les mères qui tiennent debout contre vents et marées.


En me remémorant ma lecture, je me rends compte que ce qui m'a le plus frappé c'est la diversité dans le propos. Gaëlle Josse s'attaque à l'absence tout d'abord et ce, par le biais de l'absence du fils. Mais cette absence m'est apparu comme un élément déclencheur, l'élément qui permet de creuser plus loin. C'est bien parce que Louis s'en va sans donner de nouvelles que l'on en apprend plus sur le passé d'Anne par exemple. 

Il y a aussi l'importance de l'époque, du fait que l'on soit dans les années 1950, soit seulement quelques années après la fin de la Seconde Guerre mondiale - l'auteure met d'ailleurs en lumière un phénomène qui m'était inconnu jusqu'alors : le fait que les Alliés (ici l'Angleterre) bombardaient les bateaux de pêche français afin d'éviter de ravitailler les soldats Allemands qui occupaient la France. 

Et puis c'est aussi l'histoire d'un tiraillement, de la difficulté de trouver sa place dans la vie, d'être prise entre deux hommes, son fils issu d'un premier mariage, et son deuxième mari. Cet écartèlement permet alors d'aborder le passé d'Anna, son enfance vécue dans la misère, sa relation avec Yvon, son premier mari, pêcheur décédé quelque temps auparavant. C'est la mort de ce dernier et avec cela, la nécessité de s'en sortir seul avec son fils, l'élever malgré la famine, malgré la Seconde Guerre mondiale qui amène avec elle des privations.




On trouve alors deux récits, le premier au présent, qui relate les événements maintenant que Louis (son premier enfant) a pris le large. Le second au passé, afin de mieux comprendre les personnages, leur donner une réelle profondeur. Anne se révèle particulièrement attachante, Etienne, plutôt pathétique.
L'auteure a entrecoupé ces deux temporalités de chapitres où Anne écrit à son fils. On ne sait si elle envoie ses lettres - en sachant qu'elle ne sait pas où Louis est parti, ça semble compromis, mais bon.
Elle lui écrit pour parler de son retour, du festin qu'elle a prévu pour le grand jour. Mais malheureusement, l'attente n'en finira pas. Louis devait partir pour quelques mois, il devait rentrer pour Noël, et finalement, seule l'absence visitera notre héroïne.

Comme je le disais, Anne est prise entre deux feux, entre sa vie passée dont Louis reste le seul élément qui la rattache à Yvon, à sa pauvreté, à cette petite maison de pécheur qu'elle visite quotidiennement et sa vie présente, celle avec Etienne. Cette vie où elle est une femme gâtée, cette vie qui ne lui correspond pas.

Enfin, j'ai aussi aimé les rares mentions de la guerre, notamment des privations, mais surtout du petit passage où il est fait mention des dénonciations, de ces trois femmes qui ont été arrêtées et tondues sur la place de la mairie. On mesure alors la peur de se retrouver faussement dénoncée à son tour.

C'est un livre de courage, un livre de force. Anne est pour moi un des personnages les plus forts et les plus humbles que j'ai eu l'occasion de découvrir en littérature. C'est une femme qui, évidemment a fait des erreurs, mais qui passe le restant de sa vie à essayer de les réparer, ou du moins, de les effacer.
Mais Anne, ce n'est pas un personnage pathétique, loin de là, on ne se complait pas dans le pathos, on n'en fait pas des tonnes, Anne souffre de l'absence de son fils, elle se détache de sa nouvelle vie pour s'enfoncer dans la solitude d'une bicoque, symbole de sa vie passée, mais pas une fois elle se complait dans son malheur.

Une fois encore, Gaëlle Josse montre son don pour des récits courts (même pas 200 pages), mais dans lesquels chaque mot a sa place. Ce sont des mots simples qui forment la poétique de l'auteure, des phrases sans fioritures qui vont droit au coeur et touchent par leur sincérité.
J'ai fermé ce roman avec une pointe au coeur, avec douleur. Le dernier chapitre m'a déchiré, je l'ai trouvé d'une cruauté sans nom pour cette mère qui ne rêve que d'une chose : retrouver son fils.


Sans être mon préféré (ça reste L'ombre de nos nuits et Les heures silencieuses), je mettrai ce livre au même niveau que Le dernier gardien d'Ellis Island, mon premier de l'auteure et par extension, celui qui m'a donné envie d'en apprendre plus. 



"Tous les jours je dois m’inventer de nouvelles résolutions, des choses pour tenir debout, pour ne pas me noyer, pour me réchauffer, pour écarter les lianes de chagrin qui menacent de m’étrangler. Je m’applique à être digne, convenable, à être parfois aimable, à me montrer comblée."
Gaëlle Josse, Une longue impatience.








samedi 8 septembre 2018

Le Coin des libraires - #110 Adoration de Jimmy Lévy

Quelle difficulté pour trouver les mots justes, ceux dont on sait qu'ils décriront à la perfection ce sentiment à la fois de joie et de tristesse face à un texte aussi beau que savoureux, aussi destructeur que salutaire. 


Souvenez-nous, l'année passée je vous parlais de mon coup de coeur pour Petites reines, premier roman de Jimmy Lévy, reçu grâce à la gentillesse et aux très bons goûts de Benoit, du Cherche midi. 


"Je ne sais pas comment naissent les passions, de quelle matière elles sont faites, si elles grandissent de ce qu’on y projette ou si elles claquent soudain dans l’air comme un arc électrique qui zèbre un espace inconstant. Je ne sais pas si je raconte une passion ou une défaite."
Jimmy Lévy, Adoration.


Toujours, on ne l’apprend que trop tard. On cherche à savoir par quoi ça commence. D’où c’est parti. Comment la vie se transforme en enfer. Un enfer d’amour. Une adoration.
Je ne sais pas situer un début. L’instant invisible où ça se noue. Où ça s’empare de toi. La flèche que décoche le Cupidon de service, le préposé à l’addiction, le sniper ailé. Curieuse, quand même, cette idée de flèche. Déjà un perce-cœur, une hémorragie. Déjà un goût de meurtre. Je ne sais pas si tout se joue là, en une poignée de secondes. Je ne sais rien de L. C’est la condition du désastre.

 
L souffre d’une perversion incurable, toxique, insoupçonnable au premier abord. Une pathologie sans nom qui ravage et dévore tout ce qui l’entoure autant qu’elle-même. Le narrateur, tombé fou amoureux de L, ne voit rien venir de la dévastation en marche. Il va jouer sa peau pour tenter de sauver l’insauvable, devenant à son corps défendant le complice, le mobile et la victime de la perdition de L.
De son récit fragmentaire, chaotique, surgit le tableau d’un naufrage, un autoportrait en ruines.


Autre registre, autre époque. On quitte le récit à double voix pour ne s'arrêter que sur une seule, sur le point de vue de cet homme qui va nous confier son adoration pour L, cette femme destructrice, dont leur relation est assimilable à un camion fou. 

C'est par le biais de chapitres très courts, mais aux noms significatifs (menottes, pharmakon,  résistance, pyramide...) que le narrateur va tenter de nous faire comprendre l'origine et l'histoire de cette adoration. Comment en est-il arrivé là ? Comment a-t-il pu devenir cet homme qui s'est fait arrêter par la police pour avoir frappé sa femme rachitique ? Comment a-t-il pu se faire avoir au point de frôler la prison par amour pour L ? 

Le narrateur va nous raconter leur rencontre, leur vie commune, vite devenue un cauchemar. Tout autant que la grossesse de L qui va être un vrai calvaire pour cette femme droguée aux médicaments. 
C'est une vraie pharmacie que leur appartement, un lieu où il ne fait pas bon vivre quand on a un enfant en bas âge, un lieu où l'amour n'a finalement pas sa place.

Ce qui m'a le plus touché, c'est la maladie de L, maladie pour laquelle le narrateur devra attendre un bon paquet de temps avant d'avoir droit de poser un mot dessus : la bipolarité.
C'est parce qu'il est emprisonné qu'il se voile la face, qu'il pardonne et oublie. 

On ne s'explique pas très bien cet autodestruction du protagoniste, pourquoi accepter tout ça ? Pourquoi cet homme plus vieux, divorcé, et ayant une vie des plus normales accepte de devenir un pantin, une victime de la méchanceté de L ? Ce n'est plus de l'amour, mais bel et bien ce terme dont use l'auteur pour titrer son roman, c'est de l'adoration. Le protagoniste voue un véritable culte à L lorsqu'il la rencontre, lorsqu'elle prononce les deux syllabes qui forment son nom. 


Adoration de Jimmy Lévy, éditions Cherche midi.


L'histoire est absolument géniale, on compatit avec le narrateur qui ne fait que subir au fil des pages, qui semble se résigner tout au long du récit et qui le conclut d'une manière aussi déroutante qu'évidente. Qu'aurait-il pu faire ? 

Adoration, c'est un tout, une histoire de destruction : celle de cet homme qui voulait la sauver, et celle de L qui est incapable de vivre. C'est la destruction de l'amour et des sentiments. 
La description du point de non retour.

J'ai aimé les idées de Jimmy Lévy, le fait d'écrire sur cette maladie et d'ajouter une véritable épaisseur novatrice aux personnages. Ici il est question de violences conjugales, mais ce n'est pas la femme la véritable victime, non, ici c'est l'homme lui-même qui se fait avoir, coupable avant d'être innocent. 
Il est fait comme un rat dans une société où il est très rare que l'on fasse mention des violences conjugales touchant les hommes - et oui, c'est pas parce que c'est moins commun qu'elles n'existent pas !! 

Il semble que L n'ait aucune qualité. Avant qu'elle devienne cette personne accro à ses médocs et aussi toxique que de l'arsenic, elle apparaît comme un personnage un peu fantomatique, du moins fantasmé, où on observe déjà le début de la fêlure. 
Qu'elle veuille se détruire, qu'elle veuille avoir le corps de la taille d'une brindille et le besoin de se droguer en permanence la regarde, mais les chapitres sur la grossesse sont révélateurs du tempérament du personnage. 

À la dernière page on s'interroge, est-il réellement la seule victime de cette histoire ? ne sont-ils pas tous des victimes à leur échelle ? après tout, bien qu'elle soit répugnante dans sa façon d'être, L n'est-elle pas carrément affligeante ? cette façon de vivre, cette nécessité de s'enfiler des médocs par dizaines, n'est-ce pas cela le plus triste ? 
Pour moi ça l'est, tout autant que ce petit garçon dont on entend finalement très peu parler, mais pour qui on est obligé de ressentir de la compassion. 
Comment pourrait-il vivre avec une mère aussi toxique ?


"Tout ce qui s’écrit de la passion est un faux en écriture, un plagiat édulcoré, un arrangement, l’enluminure épique d’un texte hermétique qui ne se donne pas à lire, dont çà et là affleurent seulement des aspérités et des leurres. La passion est imprenable, c’est elle qui prend. Toute tentative de roman est une passion. Cendres en pages. Pages en suaires."
Jimmy Lévy, Adoration.


Adoration, c'est une écriture à couper le souffle. Si l'histoire m'a énormément touchée de par son propos et ses idées, c'est l'écriture qui m'a bouleversée, qui m'a retournée l'estomac. Une écriture élégante, délicate en même temps que bourrue et tranchante. Le style de Jimmy Lévy m'hypnotise. C'est assez étrange comme émotion. 
On passe de l'amour à la haine en quelques mots. On est à la place de ce narrateur sans nom et on est charmé, charmé par cette femme séduisante bien qu'on sache qu'elle est de celle qui s'enfile des cachetons comme des bonbons, qu'elle est de celles qui vivent en noir et se lève à 15h.  

Adoration, ou l'occasion de montrer le ravage de la passion, le tragique d'une relation. C'est une fin nécessairement atroce après la découverte d'une histoire tumultueuse, mêlée de coups de folie et de coups de déprime. C'est la mort dans l'amour. Ou l'amour dans la mort ? 



Deuxième roman, deuxième coup de coeur, Jimmy Lévy est un auteur à suivre. Un auteur à l'écriture merveilleuse et magnétique. 
Décidément un de mes auteurs contemporains favoris. 












dimanche 22 juillet 2018

Le Coin des libraires - #104 L'asphyxie de Violette Leduc

Cela fait longtemps que je n'avais pas lu de livres de Violette Leduc, après avoir commencé avec La vieille fille et le mort & La femme au petit renard, j'avais un peu mis de côté l'auteure. J'ai toujours La Bâtarde chez moi, mais je ne l'ai toujours pas lu. J'aimerais lire ses livres dans leur ordre de parution, du coup, j'ai acheté L'asphyxie, son premier ouvrage paru en 1946. 

J'avais déjà été assez étonnée lors de ma lecture de La vieille fille et le mort. Je ne le qualifie pas forcément comme un roman, mais peut-être plus comme un semblant de tranche de vie. On ne connait pas franchement bien le personnage et tout ce qui est mis en avant c'est sa solitude et sa relation étrange avec cet homme mort qu'elle retrouve dans son épicerie. 

Ici, c'est un peu la même chose. Je trouve en fait assez grossier de qualifier cette oeuvre de roman, c'est plus que ça, c'est une sorte de déclaration, un mal-être jeté à la face du monde. 



L'asphyxie, c'est l'atmosphère dans laquelle grandit la Bâtarde. Sa mère ne lui donne jamais la main. Bien au contraire. Elle lui fait porter le poids d'une faute qu'elle n'a pu accepter. Quant à son regard sur sa fille, c'est à peine un regard : c'est dur et bleu.


Si j'ai décidé de suivre les publications de l'auteure dans l'ordre chronologique, c'est aussi parce que Violette Leduc puisait énormément dans sa vie pour écrire, L'asphyxie ne déroge pas à la règle. 
D'ailleurs, ce livre représente les prémisses, l'enfance de l'auteure, son sentiment de rejet. Ce rejet qui transparaît dès la première phrase. Phrase marquante, extrêmement dure de par sa simplicité et son propos : "Ma mère ne m'a jamais donné la main..." 

Avec L'asphyxie, on en apprend un peu plus sur cette femme qui se sentait sûrement honteuse d'être une bâtarde, une enfant qui, dès l'enfance a compris que sa mère n'était autre qu'une étrangère. Une femme tantôt méchante, tantôt absente. Une femme qui n'a que faire d'une petite fille sans père. 
Si la figure de la mère en prend pour son grade (jusque dans une certaine mesure, j'ai personnellement trouvé qu'elle admirait la mère dans un certain sens), celle de la grand-mère se trouve être rehaussée, presque fantasmée tellement cette vieille femme représente l'enfance en tant que telle pour la jeune fille. 

Dès ce roman on trouve le besoin d'aimer, d'être acceptée, d'être heureuse. Mais ce besoin se confronte forcément avec le mal d'aimer, cette difficulté, non, cette impossibilité même. La fillette n'aura donc jamais droit au bonheur après le décès de sa grand-mère ? 


L'asphyxie de Viollete Leduc, Imaginaire Gallimard.


Je me suis plongée dans ce livre avec beaucoup d'enthousiasme. Je me souviens à quel point j'avais aimé La vieille fille et le mort, à quel point j'ai été marquée par la solitude, par la nécessité d'être aimé  pour soi. Cette vieille femme m'avait beaucoup touché dans ses réflexions et ses façons de faire. 
À la fin de ma lecture, je suis toujours autant enthousiaste, parce que j'ai aimé, malgré le fait que des éléments m'ont un peu gêné. 

L'asphyxie est un livre de même pas 200 pages, ce n'est pas vraiment une écriture linéaire - même pas du tout - puisque l'on passe d'un événement à un autre, une époque à une autre, sans qu'il soit toujours facile (ou possible) de faire le lien entre les chapitres. Il est vrai que j'ai parfois eu un peu de mal à comprendre où l'auteure voulait nous mener. Il est vrai aussi que certains chapitres ne m'ont pas paru fondamentaux pour comprendre l'état d'esprit de la fillette et par extension celui de l'auteure. 

Néanmoins, pour un premier roman, je dis chapeau bas. Dès ce premier écrit on retrouve ce qui fera la patte de l'auteure : un récit très concentré sur la vie personnelle alternant des passages fictionnels à des passages sans doute plus autobiographiques. Aussi un leitmotiv qui est celui de la mal aimé, celle que l'on ne pourra jamais complètement aimer, qui n'aura jamais complètement sa place, qui, pour le dire grossièrement, n'est pas légitime - forcément, on retrouve une fois encore l'idée de la bâtardise. 


Même si j'ai trouvé certains passages en trop, d'autres m'ont paru extrêmement éclairant lorsqu'on veut comprendre l'environnement dans lequel a grandi la jeune Violette, entre un père inexistant, une mère insensible et une grand-mère formidable, la jeune fille va devoir se construire seule, avec cette idée de rejet, d'existence injustifiable aux yeux du monde, parce que c'est ce qu'elle semble être à ses yeux, une enfant coupable. 


Prochain ouvrage de l'auteure : L'Affamée


Vous connaissez cette auteure ? Ou certains de ses livres ? 







La promise au visage de fleurs de Roshani Chokshi

Il était une fois un homme qui croyait aux contes de fées. Il était une fois un homme qui savait que les contes révèlent ce qui demeure cach...