dimanche 8 octobre 2023

L'Ultime Testament de Giulio Cavalli

 Les citoyens de DF étaient des esprits atrophiés qui erraient là où on les envoyait. 

Retour à DF qui n'est plus DF. 

Giulio Cavalli a conservé le nom de la ville pour son deuxième roman, l'ancrant ainsi dans le même genre : la dystopie. Mais c'est à peu près tout car la DF d'A l'autre bout de la mer, un village de pécheur sans grande importance, n'a rien à voir avec la DF de L'Ultime Testament qui est une ville développée, possiblement une capitale puisque le président y réside. 

La question des migrants abordée à son paroxysme par le prisme de l'économie et de la survivance des habitants de la petite DF est close. 

Fini le cannibalisme et la survie des uns menant à la mort ou à l'inhumanité des autres. 

Bonjour la science et ses dérives. 

Dans la nouvelle DF, rares sont ceux qui demeurent tels que la nature les a faits. Les membres du gouvernement sont les seuls à ne pas avoir reçu une dose d'un vaccin supprimant les émotions. Ils sont les seuls capables d'éprouver quelque chose, de s'interroger ou de réfléchir.

 ... car les membres du gouvernement de DF, depuis toujours, étaient sensibles et n'avaient pas de plafond en matière de sentiments contrairement aux autres citoyens, ils étaient au courant du brouillard injecté dans les veines des nourrissons. Comment ? Un simple additif mélangé aux vaccins traditionnels qui permettait de faire disparaître à vie la sensibilité ou, sans la faire disparaître totalement, ce qui réduirait les personnes à l'état de cailloux improductifs, de l'atténuer disons, pour obtenir des citoyens dociles et faciles à manoeuvrer tel un troupeau en file indienne dans la pente d'une colline. 

La population lambda est condamnée à recevoir le vaccin, à dépendre du gouvernement qui prend toutes les décisions pour eux. Le système fonctionne par le biais d'un système de note (chacun reçoit un nombre de 1 à 10) permettant de leur donner une place dans la société. On ne choisit pas plus son métier que son partenaire qui n'est d'ailleurs là que pour quelques années avant d'être relevé pour laisser place à un autre. 

C'est dans ce contexte qu'évolue Fausto, un employé sans histoire qui se retrouve à l'hôpital après un léger accident. 

Les citoyens de DF étaient des esprits atrophiés qui erraient là où on les envoyait. 

Gardé en observation, il fait la connaissance d'autres hommes qui, comme lui, sont gardés en observation à l'hôpital. Aucune dérive ne doit avoir lieu, personne ne doit réfléchir, poser des questions. Personne ne doit dessiner ou, sacrilège impardonnable, lire un livre. 

De toute façon lire est une tâche ardue quand les livres sont interdits. 

... si tu lisais un livre alors tu saurais que DF n'est pas un lieu comme un autre mais une nation amputée. 

Mais rien ne peut rester tel qu'il est. De tout temps, les uns refusent de ployer le genou quand les autres acquiescent le front bas et les yeux fermés. 

La résistance se forme, elle est maigre mais elle est prête à rallier quiconque partagerait la cause. Les livres passés sous les manteaux constituent la première étape pour éveiller les consciences. 

... la contrebande était le seul moyen de se sentir vivant, de ne pas se laisser écraser par tout le reste, de prouver que nous pouvons exister aussi, putain, que nous pouvons échapper au scénario fixé par le gouvernement dans lequel nous sommes tous des numéros à engrainer, à exploiter, à multiplier puis à envoyer à la décharge, non ? 

La résistance est active et prête à tout envoyer faire valdinguer. Et quand une médecin en partie responsable de la formule du vaccin s'en mêle, il ne peut y avoir que du grabuge. 

L'Ultime Testament est un récit débordant d'un sarcasme déjà présent dans A l'autre bout de la mer. Les descriptions de la société sont aussi drôles que graves, ce qui permet de désamorcer l'horreur des événements. 

Lecture exigeante dans la mesure où les phrases sont extrêmement longues (une ou plusieurs pages pour certaines) et où les dialogues se fondent dans la narration. Le sentiment d'urgence est palpable tout du long et on se prend à espérer un avenir qui semble impossible. 

La traduction, que l'on doit encore à Lise Caillat, est excellente et nous immerge dès les premières pages dans l'ambiance saturée et pleine d'interdits qu'est la ville de DF. 

Finalement, A l'autre bout de la mer m'avait passionné en prenant comme point d'appui la question des migrants, L'Ultime Testament est tout aussi savoureux en se fondant sur les pouvoirs de la science et des politiques, en s'intéressant à un vaccin dont l'idée - on peut légitimement le croire surtout au vu de la catastrophe que cela a été pour l'Italie - a pu venir de l'épidémie de Covid qui a frappé le monde en 2020.

Pour construire des émotions il faut en maîtriser le vocabulaire, or les citoyens de DF sont analphabètes. 


Collaboration commerciale non rémunérée. 

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