mercredi 28 septembre 2022

L'Effet Titanic de Lili Nyssen

C’est rien tout ça, les douleurs s’enrayent dans l’euphorie. Parfois ça affleure dans un soupir, tu sais j’ai peur d’aimer, et moi, j’ai peur des autres. 

C’est vrai que rien ne destinait Flora à rencontrer Zak. Chacun vit au Havre, la première du côté de la mer, le second dans une cité où le béton est un paysage à lui tout seul, unique ligne d'horizon. 

Les mots se rentrent dedans, le vide pourrait enfler encore mais il se peuple ; regard, sourire, gêne opportune.



Les deux adolescents n’évoluent pas dans le même monde mais ils vont vivre ensemble leurs premiers émois, leurs premières carasses, leur premier amour. 

Un amour d’enfant, un amour qui rime avec toujours. 

Il a remarqué que les mots donnent corps et il a peur du vrai. Ça vous engage le vrai. C’est un premier battement d’ailes et ça devient ce vent dans la tronche qui vous renverse. 

L’écrivain est tantôt maître tantôt esclave de son histoire. Flora et Zak sont sa création, la remontée des profondeurs de sentiments ressentis, de moments vécus. C’est Lili Nyssen ou bien un double fictionnel qui remonte la chaîne des souvenirs, qui se remémore une histoire passée, histoire blessée, pas encore cicatrisée.

Tu l’aurais rangé dans la bibliothèque alors que j’aime que les livres vagabondent. Je disais laisse, ça fait de la vie. Tu disais non, ça fait du bordel.

Une histoire différente mais avec là aussi un retour à l’adolescence et au premier amour.  

Mon adolescence, je l’ai passée à fondre dans les nuques, à laisser les parfums se déposer sur la mémoire pour les réminiscences : qu’elles arrivent n’importe où, dans un bus, dans une fête, tiens ça sent comme ; qu’elles compriment le coeur. J’avais envie d’écrire cela, ces vapeurs de rien, même pas des bulles, juste des effluves.

Lors de la lecture de L'Effet Titanic j’ai préféré la relation entre Zak et Flora, le trouble né de l’inconnue, la peur de ne pas être à la hauteur, la difficulté à évoluer dans des mondes différents. L’insouciance de Flora, l’angoisse de Zak laissé seul suite aux lourdes révélations de son frère ; pourtant avec du recul, j’ai adoré les passages du point de vue de l’écrivain, ce sont ceux dont la poésie m’a le plus touché. 

Moi j’ai dans la tête une voix inaperçue qui commente tout. Je ne me figure pas une pensée sans bruit.


Je m’en veux d’avoir peur des mots — le comble quand on veut écrire. Peur qu’ils sortent sans retour ou soient trop murmurés. 


Un premier roman remarquable par sa délicate mélodie. 











mercredi 21 septembre 2022

Euphorie d'Elin Cullhed

 La vie est si à vif, ai-je pensé, si crue, si écorchée. Si… rétrécie. Personne n’écoute mon bonheur, personne ne veut de mes intentions grandioses par rapport à la vie. Personne ne veut me suivre dans mes projets. 

J’appelais en criant, mais personne pour m’entendre, dans toute cette folie.


Sylvia est mère d’une fille, Frieda, un autre enfant, Nicholas, est en route. Mariée à Ted Hughes, un poète anglais rencontré sur les bancs d’une université à Cambridge ils ont vécu une parfaite petite vie à Londres avant de partir pour la campagne anglaise. Ted qui travaille à la BBC s’y rend de temps à autre. 

Bien vite le charme disparaît, l’homme se détourne, la femme se cogne à son désir inassouvi. 

L’espace d’un instant, pendant que nos yeux d’un brun différent reposaient dans le regard de l’autre, il a vu à quel point l’édifice était fragile. Sa tiédeur et mon feu brûlant, comment pourrions-nous jamais les concilier ?


Avec EuphorieElin Cullhed créer une espèce de suffocation, elle nous abreuve de remarques, de réactions, d’actes excessifs et de plaintes désespérées. 

Je me suis inquiétée de ce qu’il pensait, lui, de mon choix de coloris, que tout ce rouge était un appel à l’aide, comme si je nous avais crée une caverne de sang, l’intérieur d’un coeur ; comme si j’avais désespérément besoin de nous fourrer dans quelque chose qui pulsait un sang chaud, faute de quoi je passerais l’hiver à me perdre en panique et en crises d’angoisse.


Emprisonnée dans un bocal Sylvia tourne en rond. La litanie de l’écriture elle-même tourbillonne, elle ne se fixe que dans des moments bien trop aléatoires, ponctuels, indépendants d’elle. 


Il n’y avait qu’une réponse, il n’y avait qu’une seule réponse à tout : des mots, des mots avec lesquels écrire, des mots avec lesquels reboucher le silence, des mots à sculpter dans le silence, des mots pour tout faire brûler en flammes pleines de remords.


Ted était un homme ; il pouvait disparaître dans la petite pièce sous les combles et écrire comme bon lui semblait. Moi, j’étais propriété publique, j’étais matériau. J’étais femme.


Sylvia est écrivain mais comment l’être quand on n’a pas une minute à soi ? quand on voit son mari monter au grenier écrire pendant qu’on en est réduit à s’occuper des enfants, seule ? Comment trouver un moment entre une couche et un cri, entre un corps dodu posé sur son épaule et une main d’enfant tirant sa robe ? Quand sa mère qui rend dingue vient passer l’été et qu’il faut endurer des connaissances qu’on a invités ? 


Et encore, s’il n’y avait que ça… 


Elin Culhed imagine à quoi ont pu ressembler les dernières années de celle que l’on considère comme l’une des plus grandes poétesses américaines. Elle aborde des thématiques fortes, entre autres : la création, l’émancipation, le désir, l’exil, la maternité, l’adultère. 

Elle mentionne en filigrane la dépression que Sylvia Plath a connue, la peur de la publication, la certitude face à l’écriture, seul rempart contre le tourment et la tristesse d’un présent qui écrase, la femme trompée, abandonnée, lessivée ; au bord de l’implosion. 

Je voulais revenir en arrière, si j’avais pu, je serais revenue sur tout ce que j’étais, mes paroles, mes actes, la façon dont j’apparaissais aux yeux du monde.

J’avais de grandes attentes envers ce roman, les éditions de l’Observatoire m’ont habitué à du très haut niveau (surtout en terme de romans étrangers) et un roman qui se targue de raconter les dernières années de Sylvia Plath, je dis oui (!!) et je n’ai pas été déçue. 

Les obsessions sont là tout au long du texte, de même que la montée en puissance qui nous rappelle que le gouffre de la destruction n’est qu’à un pas. 

L’inexorable est là mais nous ne le voyons pas encore. 

Était-ce encore une de mes méthodes ? Était-ce le moment, une fois de plus ? De me rendre vulnérable pour ensuite être rejetée pour ensuite ouvrir en moi cette béance affamée, celle qui se nourrissait du rejet ?


Traduit par Anna Gibson. 

mercredi 14 septembre 2022

Évidemment Martha de Meg Mason

Lors d’une séance Martha déclare : «  Je ne suis pas douée pour la vie. Apparemment, c’est plus difficile pour moi que pour les autres »,

mais à ce moment là le bouquin est bien avancé et le lecteur s’est rendu compte qu’un truc cloche chez Martha, évidemment qu’un truc cloche depuis l’explosion de la petite bombe dans sa tête. 


Un truc cloche c’est tout ce qui explique ses peurs et ses joies ; les bifurcations et la destination. 




Parler de Martha c’est évoquer la folie (l’hystérie, la dépression, la bipolarité ? non, c’est parler de — — maladie mentale inqualifiable) la guérison l’hérédité l’envie la détresse la colère la solitude le rejet la fragilité l’amour l’espoir. 


Un roman qui commence quasi in ultima res mais qui arrive malgré tout à étonner par la profondeur des personnages (beaucoup de love pour Patrick) et les répliques amusantes, parfois cruelles plus rarement généreuses, de Martha. 


Ça va, Patrick. J’ai juste passé la journée avec des hommes qui m’ont aimée, mais qui ne m’aiment plus, ou qui ont cru m’aimer, mais se sont rendu compte qu’ils avaient juste faim ou un truc du genre.


Oui, un truc cloche. Un truc qui dépeint la vie avec une douce cruauté et une tendresse ironique. 


Je meurs d'envie de lire Evidemment Martha en VO (rien que son titre me plaît : Sorrow and Bliss) moi qui ne lis quasiment pas en anglais, mais là, c'est dire si Meg Masontouché juste ! 


Ce roman brillant a été traduit par Anne Le Bot. 


Tu peux éviter de dire des choses que je suis incapable de comprendre, parce que mon cerveau est devenu un énorme paquet de lingettes mouillées ? 

- Deux choses qui, mises côte à côte dans un poème, conduisent le lecteur à éprouver l’émotion voulue, afin de ne pas avoir à la nommer expressément. Par exemple, si tu écris terril ou crassier, ça t’évite de taper « désespoir existentiel morbide ».






 


mercredi 15 juin 2022

Le Bon Père de Santiago Díaz

Imaginez, vous êtes père de famille et votre fils unique est accusé et condamné pour le meurtre de son épouse, que faites-vous ? 



Ramon Fonseca a la solution : enlever les personnes qu’il juge responsable de l’erreur judiciaire dont son fils est victime. Pour mener son plan à bien il va revendiquer les kidnapping et menacer les forces de l’ordre : chaque personne est séquestrée dans un lieu différent et chaque semaine l’un d’eux meurt tant que son fils n’est pas relâché. 


Gonzalo, le fils, ne peut être coupable malgré les preuves accablantes, c’est tout bonnement impossible qu’il ait tué sa femme à coup de couteau. Pourquoi l’aurait-il fait ? ils s’aimaient si fort. Le père ne croit pas à la culpabilité, il n’accepte pas que son fils prenne perpète c’est pourquoi il va exiger qu’une personne en particulier enquête. Cette personne c’est Indira Ramos, capitaine de police talentueuse et paria depuis qu’elle a balancé un collègue qui a falsifié des preuves pour faire tomber un baron de la drogue. Indira est toquée, elle ne supporte pas la saleté à tel point que franchir les portes d'un restaurant est tout un périple. Son obsession s‘est aggravée à cause d’une enquête et depuis, elle est invivable. Invivable au point qu’Indira ne supporte pas le contact des autres, à tel point que son couple s’est brisé et que son quotidien se résume à une journée aseptisée. Du coup aux yeux des autres elle est bizarre et pas très loquace alors ce n’est pas simple avec les collègues.

 

Indira croit Ramon, les preuves sont là, les empreintes, la présence, tout est là, mais quelque chose cloche à ses yeux.

L’enquête démarre sur les chapeaux de roue avec toujours cette date butoir : chaque semaine un mort. Tant que Gonzalo ne sera pas libéré, Ramon ne révélera pas l’emplacement des trois personnes enlevées.

 

Dans des chapitres percutants, Santiago Diaz nous emmène en prison aux côtés de Gonzalo où on le  découvre dans une situation délicate, il nous emmène auprès des victimes qui ne se rangent pas sous ce seul étendard. Tour à tour un avocat, une juge et une étudiante. ; les trois ont leur part de responsabilité dans la condamnation, les trois doivent mourir à défaut de voir Gonzalo libéré, il nous emmène évidemment aux côtés de la police, au plus près de l’enquête.

 

L’ancrage au présent renforce l’urgence de l’entreprise, l’heure tourne et c’est ce côté haletant qui ressort de ce roman difficile à lâcher avant la fin. Indira et ses troubles sont passionnants.

 

La brutalité est de mise, l’immoralité aussi, entre les passages en prison, les passages où Ivan, le collègue et ami de l’ancien flic dénoncé pour falsification de preuves, retrouve justement cet ami… Et puis il y a la fin, la fin où évidemment l’on s’attend à un twist, un petit quelque chose que l’on n’a pas vu et qui était bien là. La fin est particulièrement ingénieuse, elle nous interroge plus encore sur la notion de culpabilité et de féminicide, sur les erreurs judiciaires et les preuves matérielles irréfutables.

 

J’avais bien accroché avec le premier roman de Santiago Diaz, Talion, où on retrouvait déjà l’omniprésence du questionnement autour de la justice puisque le personnage de Ramon m’a rappelé celui de Marta, la protagoniste de Talion qui décide de faire justice elle-même à défaut de pouvoir compter sur la justice d’Etat.

 

Une lecture frénétique où Santiago Diaz confirme son talent pour tisser des toiles qui forme un motif des plus étonnants !

 

Traduit par Thomas Dangoumau.





dimanche 22 mai 2022

Un fils perdu de Sasha Filipenko

La mère de Francysk aimait à répéter que dans le monde, il ne restait que deux peuples nomades : « Les Tsiganes et nous. Nous sommes un concept géographique, pas une nation ! » 

Francysk est étudiant en école de musique. La fin de l’année approche et un conseil de classe a lieu pour départager le bon grain de l’ivraie. Un ancien soldat vient prendre la parole. Ses propos étonnants bousculent les élèves : il n’est pas un militaire, il n’a pas de médailles. 

En gros, voilà comment ça se passait : le matin on se battait contre les collabos, et le soir contre les rouges. Oui, oui, contre tout le monde. Nous n’avons pas connu de sainte guerre de libération. Nous n’avons pas marché d’est en ouest ni inversement. Non. On est restés là. Sur place. Sur notre terre. On n’a pas bougé. Vous comprenez, les gars ? On ne s’est pas jetés sur les blockhaus. On ne s’est pas sacrifiés au nom du chef suprême. Non, les gars, il n’y a rien eu de tout ça chez nous ! Je ne peux rien vous raconter de ce qu’on montre dans les films de guerre, car notre guerre à nous n’avait rien à voir. C’était une guerre sale, abjecte, obscène, parce qu’en réalité, les gars, c’était une guerre civile.


Le conseil de classe, lui, met en lumière un élément révoltant et inconcevable : la réécriture de l’Histoire dans les manuels : 

Je rapporte les faits et non les fables remâchées par vos auteurs ! Les Allemands ont brûlé des villages. C’est un fait. Je ne les justifie pas, mais je suis pour la véracité historique ! Peut-être ont-ils incendié d’autres villages, mais pas celui-là ! Celui-là, ce sont des Ukrainiens qui l’ont réduit en cendres ! Ce n’est pas ma faute si on a construit un mémorial à sa place et si c’est compliqué aujourd’hui de creuser pour trouver la vérité !

- Votre devoir, mon cher, c’est de faire comprendre ce qui est écrit dans le manuel ! Vous êtes enseignant ! Vous devez expliquer ! On vous paie pour aider les élèves à assimiler le programme ! Et c’est tout ! […] Et dans le manuel, comme d’ailleurs dans toutes les autres sources, il est écrit que ce sont les Allemands qui ont mis le feu ! C’est une des pages essentielles de l’histoire de notre pays ! Vous comprenez ? C’est un pan sacré de notre histoire ! C’est comme notre blason, notre drapeau, sous lequel se sont battus nos aïeux ! C’est presque tout pour nous !

- Mais enfin, il y a des témoignages précis !

- L’État sait de quoi il parle !


Francysk qui n’est pas excellent comme élève risque de prendre la porte, peu importe la renommée de sa grand-mère traductrice. 

Un concert est organisé, un orage éclate et une marée humaine se piétine pour éviter la pluie. 

Résultat des courses des dizaines de personnes se font marcher dessus. L’événement est sanglant et le jeune Francyzk, venu pour rejoindre sa copine, n’est pas épargné. 

Il tombe inconscient. 

Dans le coma on dit à sa grand-mère que c’est fini maintenant, qu’il ne reviendra pas et qu’il faut se faire une raison, qu’il faut le débrancher et laisser la place à quelqu’un qui a besoin d’un lit… 

La grand-mère qui a élevé Francysk comme son propre fils est seule contre tous et elle s’en moque, même quand le médecin s'emporte contre elle..

Elle se bat. Pendant des années elle espère, elle lui parle quotidiennement, elle y croit.

La suite est déchirante de fatalité… 



J’ai pas mal pensé à Wunderkind de Nikolai Grozni en lisant Un fils perdu. Il y est question d’un protagoniste adolescent et musicien et de la situation dans le pays - j'ai largement préféré Un fils perdu

En Hongrie c’est les ravages du communisme, l’héritage du grand-frère là encore. 

En Biélorussie c’est l’aliénation du pays entier, sa dépendance envers la Russie ("Pour nos grands frères, en fait, nous ne sommes pas un peuple, mais une fosse à purin entre eux et leurs voisins."et un gouvernement fantoche : 


Le président a déclaré qu’il fallait mettre un terme à ça. Et lutter contre le culte de la personnalité. Lui-même en a assez de voir partout placardés des portraits géants de lui. Il a ordonné de les faire tous disparaître immédiatement.

- Vous êtes sérieux, là ? Il a donné cet ordre lui-même ? 

- Oui ! Il a dit comme ça : pourquoi voit-on partout ces portraits géants de moi ? Pourquoi partout ce culte de la personnalité ? Qu’on m’enlève tout ça sur-le-champ ! Une petite photo sur la table suffit… 

[…] 

- Par conséquent, une petite suffit ? 

- Tout à fait…

- Eh bien, tu vois, Francysk. Et on dit que le président ne fait rien ! 


Avant d'entrer dans l'histoire Sasha Filipenko a pris la peine de mentionner la renommée de son livre en Biélorussie tout en soulignant sa tristesse de voir son pays inchangé malgré les critiques qui jalonnent le roman. Un fils perdu mêle la gravité des événements et de la vie en Biélorussie à un humour succulent mais grinçant. 


Une excellente lecture !


Traduit par Paul Lequesne & Philie Arnoux.  










mercredi 11 mai 2022

Patrick Procktor, le secret de David Hockney de Fabrice Gaignault

« j’aime bien l’idée que l’art soit vu comme une façon de divertir le regard ». 


« Il est impossible de représenter vraiment la réalité. […] Je voulais de mon côté divertir le spectateur, avec des pointes d’intensité et d’humour, pour que le spectateur me suive dans cette tentative et cet échec, à la fois inévitable et comique, de représenter parfaitement le monde. Malgré tous les efforts que vous pouvez fournir, la seule chose à laquelle on ne peut échapper est le désir que cette image soit parfaite, mais dès le premier coup de pinceau, vous êtes déjà dans l’erreur. » 

 Patrick Procktor, le secret de David Hockney est une biographie passionnante sur le peintre et aquarelliste du 20e siècle, grand ami du spécialiste des Pool Paintings (il fut un temps). 


L’auteur, Fabrice Gaignault, retrace cette amitié vieille de plusieurs décennies.

Comment se sont-ils rencontrés ? Qui a influencé qui ? Pourquoi une amitié en apparence si fusionnelle a-t-elle volé en éclats ? 


Contrairement au peintre vivant vendu le plus cher, Procktor aimait l’extravagance, il aimait les soirées. Il aimait l’alcool. 

Interrogé à deux reprises, notamment lors d’une rencontre dans sa maison en Normandie, Hockney se remémore. C’était surtout un problème d’alcool, de manque de travail. Hockney a quitté l’Europe pour qu’on le laisse travailler en paix, Procktor est rester s’enivrer. 

Ce dernier a délaissé la peinture pour l’aquarelle, considéré comme un art mineur. 

Hockney ne manque pas de lui mettre cher en disant qu’il aimait plus trop ses oeuvres - comment rester ami avec une personne dont tu n’admires plus le talent du coup ? 


D’anciennes fréquentations de Procktor donnent aussi leur avis. Certains le voient comme un grand artiste qu’il faut redécouvrir. 

Ses derniers moments d’errance et de désespérance sont tellement tristes… C’était au fond un garçon très spécial qui n’a jamais su apprivoiser le bonheur. J’ai longtemps craint qu’il soit oublié, ce qui serait affreux parce que c’est un superbe artiste. Je suis heureuse de constater que beaucoup de jeunes amateurs d’art le découvrent et le chérissent. Personne ne doit jamais oublier Patrick.

D’autres comme un peintre mineur, jaloux du talent de son ancien compagnon. 

Procktor a vécu une vie dissolue. Il a aimé un homme, peint des dizaines de toiles de lui pour en faire une expo temporaire aux US. - ça a été un bide. Par la suite il s’est mariée avec sa voisine. Les deux ont fini par mourir. Son appartement a brûlé (on pense qu’il a mis le feu sans faire exprès, à cause d’une cigarette probablement). Finalement il meurt pauvre et incapable de se sortir de l’emprise de l’alcool en 2003. 


Le destin malheureux de Patrick Procktor explique-t-il sa déchéance - provisoire - en tant qu’artiste important de son temps ? Ou son oeuvre s’est-elle fait l’écho peut-être trop hyperréaliste de sa descente aux enfers et éloigne-t-elle les amateurs d’art, comme un mauvais oeil, à l’image de ces poupées vaudoues de la rue des Beaux-Arts qui lui faisaient face le temps de l’accrochage chez Love&Co ? Toute oeuvre gagne en intérêt à la lumière de ses zones d’ombre et des secrets qu’elle renferme.


Hockney était présent à son enterrement. Il voulait rendre hommage à celui qui fut son acolyte, son ami de jeunesse devenu personnalité gênante. 


Gros + pour l’insertion des photographies et la qualité de l'objet livre (la souplesse est super agréable et les larges marges permettent d'annoter), il ne manque que des reproductions des oeuvres de l’artiste pour avoir une biographie complète - la note explicative au début nous indique le refus des galleristes d’autoriser la reproduction. Il est étrange de voir qu’on a refusé la comparaison avec Hockney à un artiste que l’on considère comme mineur, sans grand intérêt. 

Forcément le lecteur tique quand il apprend l’interdiction de reproduction, quel mal aurait-il pu y avoir ? quelle peut bien être la raison ? 


Patrick Procktor, le secret de David Hockney n’en reste pas moins une excellente biographie sur un artiste passionnant et laissé dans l’ombre comme tant d’autres. Fabrice Gaignault nous plonge à la fois dans l’effervescence artistique des années cinquante, soixante, soixante-dix, etc. et dans le destin tragique d’un homme qui n’a pas su garder la tête hors de l’eau. 


Chez Procktor, une grande partie du travail a été effectuée avec une économie de moyens. […] Il y a, chez lui, quelque chose de l’ordre de la tendresse qui est très beau. Il est plus affectif, je dirais même plus adolescent que Hockney et cela apporte un charme en plus. Il y a plus d’émotions dans son dessin que chez Hockney qui reste plus froid.  


Le grand homme fragile devint une montagne russe d’émotions, que le rire, l’alcool, la fête et le sarcasme enveloppaient telle une cape magique pour le protéger des ombres tristes de l’enfance et des amours enfouies qui remontaient parfois en lui comme une méchante marée. 



À lire si vous êtes curieux de découvrir un artiste oublié à la sensibilité émouvante. 









mercredi 4 mai 2022

Marilyn : ombre et lumière de Norman Rosten

Mais elle s’est évadée des faits pour entrer dans le mythe, figée dans un obscur mélange d’histoire et de souvenirs. Elle nous hante avec des questions auxquelles nous ne pourrons jamais répondre… Toute beauté est mystère. Ce qui nous revient, c’est le sourire, le coeur désespéré, l’image qui flamboie et ne s’évanouira jamais. 

De Marilyn Monroe il y a la fascination. 

Fascination pour la femme Norma devenue Marilyn symbole d’un sex appeal hollywoodien des années 50.

Fascination pour ses amants, de son mariage avec un acteur à celui avec un écrivain réputé, ses relations sentimentales tumultueuses et dont on spécule une relation avec Kennedy - mais lequel, John ou Robert ? 


Son ami l’écrivain Norman Rosten nous délivre un récit intimiste, loin de l’icône et de la diva qu’on a voulu nous dépeindre. 



Dans son intimité, Norma est poète. Elle aime la poésie, c’est d’ailleurs un des éléments qui rendra l’amitié de l’écrivain avec l’actrice pérenne. Le texte s’ouvre d’ailleurs sur un poème de celle-ci :

« À l’aide à l’aide

À l’aide je sens la vie qui se rapproche

Quand tout ce que je veux, c’est mourir. »


Le point de départ est la rencontre entre Marilyn et l’auteur. La jeune femme a  une réputation solide, un précédent mariage qui n’a pas fonctionné. 

Ils se rencontrent sept ans avant la disparition de l’actrice, en 1955. Norman Rosten nous plonge dans le couple Monroe/Miller, l’attirance, l’annonce du mariage, l’épanouissement, les difficultés. 


Rosten nous raconte les souffrances d’une fausse-couche, d’une femme qui désire farouchement un enfant et n’arrive pas à en avoir. 


Il nous raconte quelques anecdotes de cinéma, entre Clark Gable et Laurence Olivier. 


Il nous raconte l’extravagance et une forme de je m’en foutisme de façade.

Ça me fait peur. Tous ces gens que je ne connais pas ; ils sont parfois si émotifs. Je veux dire, s’ils vous aiment tant sans vous connaître, ils peuvent de la même façon vous haïr. 

Il raconte son rapport aux hommes, sa sensualité, sa relation avec les Kennedy, dont Robert, dont il en décrit les rumeurs comme « nées de potins et de conjectures absurdes ». Prendre position, en tant qu’ami de Marylin, c’est d’une certaine façon éteindre une flamme éternelle. Il souhaite mettre fin aux rumeurs, mettre les pendules à l’heure : qui était cette femme ? une croqueuse d’hommes comme la plupart le pensaient ? 


Il raconte le déséquilibre, la dépression, le psy jamais bien loin. Le psy qu’on dérange pour un rien, pour lui montrer une sculpture fraîchement achetée, qu’on fait venir sur le tournage pour la tranquilliser. 

Elle paraît être joyeuse ; nous commençons à être habitués à ses changements d’humeur. Quand elle a le moral, c’est comme si une douce musique l’entourait. Quand elle est triste, elle se retire en elle-même.

Il raconte l’internement aussi. Quelques pages pour dire la difficulté de vivre pour Marilyn, pour dire l’attirance vers le bas. Pour dire aussi comme Hollywood prend mais ne rend jamais. 

En y repensant, toutes les aventures avec Marilyn avaient ce côté imprévisible, menaçant, comme si elle se heurtait malgré elle au destin. Le destin et elle semblaient cheminer côte à côte, je pense qu’il avait un peu peur d’elle.

Dans une suite de séquences, à la manière d’un film de vignettes, Norman Rosten dépeint une femme et non une icône. Il dépeint une amie et non une actrice. Marilyn était tout ça à la fois… mais c’est souvent derrière les plus beaux sourires que se cachent les peines les plus profondes. 






mercredi 13 avril 2022

Pharmakon d'Olivier Bruneau

Dans un livre ça devrait marquer le début d’un nouveau chapitre, mais pour moi, y a pas de pause, pas de transition ici. Entre le jour et la nuit, c’est juste une simple histoire de luminosité. 

Imaginez ne plus avoir besoin de dormir, ne plus ressentir la fatigue, vivre chaque minute de chaque heure d’une journée. 

Ça vous dirait ? 


Olivier Bruneau s’intéresse au sommeil dans son nouveau roman paru début avril chez Le Tripode : Pharmakon




La définition de ce mot devenu l’éponyme du roman amène le lecteur dans une histoire en demi-teinte, ni salvatrice ni destructrice. 


Un homme, tireur d’élite, est membre d’une entreprise privée de mercenaires : 


C’est dur à croire, mais j’ai beau être un tireur d’élite, je suis même pas sûr d’aimer tirer. Y se trouve juste que je suis trop bon à ça, et je peux pas me permettre de rien en faire. Avoir un don pareil et le laisser pourrir, c’est comme déchirer un ticket de loterie gagnant, celui qui t’assure de pas perdre ta vie à essayer de la gagner.


Le narrateur va être notre cobaye, celui qui teste pour nous le cachet miracle qui bloque le sommeil, l’annihile, l’éradique. 

Le traitement expérimental est délivré sous étroite surveillance et c’est entre les rencontres avec le médecin et les missions sur le terrain que les jours et les nuits vont s’enchaîner. 


La situation s’envenime et le personnage s’enlise.


Le roman, très court, est anxiogène du début à la fin. On sent une catastrophe arriver sans savoir d’où elle pourrait bien venir. 


En Grèce antique le terme pharmakon désigne autant un poison, un remède qu’un bouc émissaire. Le sommeil apparaît tour à tour sous ces trois facettes, à la fois allié et ennemi. 

On sort du roman sonné, dégoûté par certains passages (lors de l’intrusion dans le village par exemple), mais certain d’avoir découvert un personnage qui n’est ni héros ni anti-héros. Un homme paumé, tout simplement.


Pharmakon est un court roman d’anticipation. En concentrant son livre sur un peu plus de 120 pages, Olivier Bruneau n’épargne rien au lecteur : les effrayants progrès de la médecine, l’insensibilité et la mégalomanie des occidentaux face aux villageois, un homme-narrateur un peu à côté de la plaque qui doit rester sur le qui-vive. 

L’oralité m’a semblé en accord avec ce que l’on voulait nous faire ressentir, le narrateur, personnage nébuleux nuancé de gris, n’a pas la clé de la compréhension, comme le lecteur il est perdu, il est un rat de laboratoire qui n’a pas les tenants et les aboutissants. L’oralité renforce l’incertitude directement liée au personnage central et qui, de ce fait, contamine le lecteur. 


Je vous laisse avec cet extrait percutant : 

Mais au fil des ans je n’ai plus supporté cette espèce d’intranquillité permanente. La garde ne doit jamais baisser, l’esprit doit rester toujours en éveil, et jamais il ne trouve le repos véritable. Quelle que soit l’heure de la nuit, il y a toujours quelqu’un d’éveillé quelque part dans le monde qui peut avoir besoin de vous. Les lumières de ce monde-là ne s’éteignent jamais, jamais il ne nous laisse dormir d’un sommeil noir. Le continuum existe sur les réseaux de vie dématérialisée, et ce n’est qu’une question d’années pour qu’il finisse de contaminer tout le reste. […] Quand j’ai essayé d’expliquer ça à mon supérieur, il m’a d’abord ri au nez, et puis il m’a dit que le sommeil n’était plus qu’un luxe réservé à la classe des feignants, cette classe improductive, inférieure, inutile.


Un grand merci à Babelio et au Tripode pour l’envoi de ce titre ! 







mercredi 30 mars 2022

America[s] de Ludovic Manchette & Christian Niemiec

« Et toi ? Tu fuis ou tu vas quelque part ? 

[…] 

Je vais là où je suis aimée. »

Du haut de ses treize ans, Amy décide de quitter le domicile familial pour rejoindre sa soeur aînée partie à Hollywood pour devenir playmate. Cela fait désormais un an que la cadette est sans nouvelle. 

Amy prend son destin à bras le corps et décide de traverser les États-Unis en partant de Philadelphie, à l’extrême pointe est, pour arriver à Los Angeles, à l’extrême ouest. 

Dis comme ça, la jeune Amy apparaît bien inconsciente : qui traverse le pays du haut de ses treize ans en stop et sans un pécule ? 




Le postulat de départ peut faire penser à un thriller, on se dit qu’il paraît très étonnant qu’Amy ne tombe pas sur quelqu’un et pouf…

Pareil pour la soeur. Rien ne nous garantit qu’il ne lui ait pas arrivé quelque chose. Un an sans nouvelle, c’est long. 


Oui mais non. 


Le parti pris est radicalement différent. 

Ludovic Manchette et Christian Niemiec misent sur un roman d’apprentissage, un road trip en plein coeur des seventies. 


Les rencontres s’enchaînent et Amy avancent aux côtés de personnages très différents et parfois très attachants. Certains sont fictionnels, d’autres sont de futures célébrités. 

À mes yeux la force du livre est dans l’insertion de l’Histoire des États-Unis. C’est la mention d’un tueur en série charmant, considéré comme sympathique et qui deviendra mondialement connu pour avoir tué (au moins) trente fois, c’est la rencontre hautes en couleurs avec « The Boss » et toute sa clique. C’est aussi l’invention de personnages réconfortants et aimants. On a une belle galerie de personnages et chacun apporte quelque chose. 


J’étais quand même très hésitante je dois l’avouer. J’ai adoré l’histoire d’Alabama 1963 et j’avais peur de ne pas retrouver la même tension, la même affection pour les personnages peuplant America[s].

Dans Alabama 1963 il y a tout un contexte social et historique, sur quoi allez bien pouvoir se pencher les deux auteurs ? 


En situant leur intrigue pile dix ans après Alabama 1963, Christian Niemiec et Ludovic Manchette s’intéresse à des événements survenus dans tout le pays. 

Ils usent d’anecdotes ou de faits divers pour renforcer le rapport à la réalité. On nous explique par exemple pourquoi la ville de Budville a été surnommée Bloodyville. On découvre le fabuleux manoir Playboy et le quotidien des playmates. On baigne dans l’ambiance des années 70 et on suit Amy avec délectation. 

À la fois adolescente de treize, quatorze, parfois quinze ans, elle use de multiples prénoms pour se protéger. Elle n’est pas naïve malgré sa jeunesse, elle est pleine de fougue et de détermination. 


America[s] est une super histoire sur la famille, l’amitié, et la quête de soi. 

Le roman, au final, nous donne à voir la difficulté de trouver sa place, mais aussi l’effervescence, l’espoir et les déceptions de la douce America.  


Une lecture formidable ! 


« On passe tous par là. Je veux dire, toute notre vie, on perd des gens autour de nous. Des fois, on les perd juste de vue… » […]

« … et des fois, on les perd tout court. Ouais; la vie est une suite de… (Il réfléchit)… de deuils. Toutes sortes de deuils : de notre innocence, d’endroits qu’on doit quitter, de certains rêves, certains espoirs. Parce qu’il faut pas seulement renoncer à ce qu’on a perdu, il faut aussi apprendre à renoncer à ce qu’on n’aura jamais… » 








dimanche 20 mars 2022

Voyage au Liberland de Timothée Demeillers et Grégoire Osoha

Tout commence à Prague, lorsqu’un un homme, Jirí Kreibich, décide d’ouvrir un site internet intitulé Liberland. L’homme est un libertarien convaincu et il est tout sauf ravi du résultat des élections (un libertarien défend l’idée selon laquelle la liberté individuelle ne peut avoir de restrictions que par l’individu lui-même). 

Avec cette idée de site, Jirí entend bien mettre en avant ses idées politiques dont la plus centrale reste le rejet du contrôle de l’état.  

Deux ans après, le projet existe toujours mais aucune expansion n’est visible. Jirí entend parler de terres non revendiquées, il en existe une en Europe, entre la Croatie et la Serbie. Les 7 km non revendiquées deviendront la terre promise pour ce col blanc, la terre du Liberland. 

Jirí partage ses idées avec un ami, Vit Jedlička qui est tout de suite conquis. Lui aussi trouve que l’état a la main mise sur la propriété individuelle, les taxes n’en finissent plus… bref leur idée c’est que chacun ait son propre bout de terre qui lui appartiens, c’est-à-dire qu’on peut faire ce qu’on veut sur sa terre du moment qu’elle est à nous - donc en gros si t’es un bon vieux raciste, tu devrais pouvoir canarder les étrangers qui entrent sur ton terrain à coup d’AK-47, au Liberland, ça posera pas de problème ! 


En 2015 ils se décident à aller découvrir cette Terra nullius mais tout prend une direction déjà moins joyeuse. 

Face à la rumeur d’un terrain truffé de mines, Jirí renonce à son projet et passe le flambeau à Vit. Le périple pour arriver à bon port et planter le drapeau des libertariens est semé d’embuches et leur arrivée ne passe pas inaperçue. 


Par la suite les problèmes vont s’enchaîner. 

Qui voudrait vivre dans un État de 7km dans lequel on ne peut entrer ? 

L’armée serbe et et l’armée croate empêchent toute effraction. La zone du Liberland est une ancienne zone de conflit, elle se trouve à la frontière et l’installation des libertariens ne fait qu’ajouter de l’huile sur le feu. 


L’enquête menée par Timothée Demeillers et Grégoire Osoha interrogent tous les aspects du fantasme libertarien de Vit et des autres. Elle s’intéresse aux tensions déjà prégnantes dans cette zone entre la Croatie et la Serbie, elle nous montre à quel point personne ne prend au sérieux Vit et ses petits camarades.


Le Liberland veut devenir un pays sans État, un paradis fiscal puisqu’il rejète justement les impôts. Tout part d’une conviction selon laquelle l’État profite des contribuables. Quand on s’interroge notamment sur le système de santé, c’est plutôt évasif : pas d’impôt donc pas d’argent, mais ce sera apparemment selon le bon vouloir de chacun. 

Mais nous n’en sommes pas là puisqu’aucun pays n’a reconnu le Liberland comme étant un État et personne ne peut accéder au territoire puisque la police croate veille à ne laisser entrer personne. 


Les deux auteurs remontent aux origines de l’enquête, témoignant ainsi de la complexité déjà présente dans cette zone bien avant l’arrivée de ces fous de libertariens.

Les journalistes sont venus dans la région pour un documentaire sur la guerre entre la Serbie et la Croatie. Ils se rendent à Vukovar où les deux nationalités se côtoient mais vivent largement séparées (jusqu’en maternelle où il y avait avant un grillage pour empêcher les enfants serbes de jouer avec les croates et vice versa), et entendent parler du Liberland qui va fêter ses un an et qui se trouve à à peine à une centaine de kilomètres. 

La folle aventure commence mais rien ne se passe comme prévu et ce qui passait pour une vaste blague reste quelque chose d’abstrait.

Le « Président » Vit passe plus de temps à se montrer lors de conférences, etc. qu’à faire autre chose. 

Beaucoup se sont portés volontaires et ont vite déchanté face à l’ampleur des travaux mais aussi face à la difficulté de la tâche. Attirés par un fantasme sur le papier, des témoignages montrent comme l’idée est vaine, comme le projet du Liberland n’est finalement qu’une illusion. 

Car comment vivre là où on ne peut se rendre ? 



Voyage au Liberland est une enquête passionnante ancrée dans le temps. C’est l’époque qui permet de telles réflexions. De même l’épidémie de Covid qui s’insère dans les derniers chapitres (évidemment Vit et ses petits copains ne croient pas au virus…) nous rappelle comme cette histoire est une histoire d’aujourd’hui, avec des préoccupations d’aujourd’hui.

Dans une zone déchirée par les conflits, des hommes ont cru pouvoir s’emparer de ce qui est à personne, eux qui ne veulent aucune limite si ce n’est celle de la propriété se retrouvent au coeur d’une zone de tension entre deux pays vivant dans une paix toute relative. 


Certains passages font froid dans le dos, certains font lever les sourcils (impossible de m’empêcher de me dire que parfois, c’était vraiment une belle brochette de débiles, mais ça reste un jugement purement personnel…), certains amusent, mais quoi qu’il en soit, les journalistes ont écrit un livre ultra complet sur la question. Ils ont abordé chaque thème, chaque situation dans une écriture concise, mise au service de l’enquête.


Je ne connaissais pas les subtilités autour des libertariens, des anarco-capitalistes et j’en passe, je ne connaissais pas l’existence complètement folle de ce pays non reconnu, le Liberland. 


Un ouvrage ultra documenté et intéressant pour en apprendre un peu plus sur la réalité des folies de notre monde ! 







Le ciel en sa fureur d'Adeline Fleury

Quand le varou m'emportera je m'endormirai dans le ciel de tes yeux. Sous les auspices de Jean de La Fontaine, Adeline Fleury nous ...