mercredi 23 décembre 2020

Dans l'ombre & La Femme de l'ombre d'Arnaldur Indridason

DArnaldur Indridadson je n’ai lu que Le livre du roi il y a bien cinq ans maintenant. J’en garde un bon souvenir et je m’étais dit qu’il s’agissait sans doute d’un auteur à suivre de plus près. 


Lors de la sortie de sa Trilogie des Ombres chez Métallié, j’ai eu très envie de me replonger dans l’atmosphère de ses romans. 



Été 1941. Les nazis éprouvent un certain intérêt pour l’Islande, en grande partie pour leur « race », vue comme pure, descendant directement des vikings, c’est-à-dire en gros sans mélange avec les ennemis. Ainsi les Islandais seraient en quelque sorte des aryens parfaits. Oui mais le truc c’est que les nazis islandais ont rapidement eu l’herbe coupée sous le pied, parce qu’en mai 1940, les Britanniques ont envahi le pays, court-circuitant le peu de contacts entre l’Allemagne nazie et l’Islande, revendiquée comme neutre — le pays le restera d’ailleurs jusqu’à la fin de la guerre. 


De plus, en juin 1941 le pays n’est plus sous la coupe des britanniques mais des américains, et le moins qu’on puisse dire c’est que l’auteur illustre très bien la tension, et même la rivalité, entre les britanniques et les américains, supposés dans le même camp, mais quand même pas tout à fait. 


Au milieu de tout ce background historique, un meurtre a lieu. Un homme, un représentant est retrouvé dans un appartement. Il a été tué d’une balle dans le visage (celui-ci a éclaté) et son meurtrier a laissé un étrange message : le front de la victime est barbouillé de son sang, formant un étrange symbole. De quoi laisser les enquêteurs dubitatifs. 


Dans l’ombre nous amène à rencontrer Flovent, seul inspecteur de la criminelle encore présent dans la brigade (les autres ont été réquisitionnés, guerre oblige) et Thorson, « Islandais de l’ouest », c’est-à-dire que ses parents ont quitté l’Islande pour le Canada. Thorson a donc grandi en Amérique et il fait partie de cette armée. C’est d’ailleurs pour cette raison s’il est mis sur l’enquête aux côtés de Flovent : il connait l’islandais, et l’arme qui aurait tué la victime est une arme de l’armée américaine. 


Le démarrage est rapide, on entre dans l’histoire avec une facilité déconcertante. L’époque est toujours bien présente, notamment par l’entremise de ce qu’on appelle « la situation » (en islandais : Åstandio) qui se rapporte à l’époque de l’occupation des troupes Alliés, mais également aux femmes qui ont eu des aventures avec des soldats étrangers. 


Dans l’ombre met en perspective deux pistes possibles, la piste historique avec les nazis, leur folie liée à la génétique, à l’idée de race pure, etc. et l’enquête plus traditionnelle de jalousie amoureuse. 

Les deux s’imbriquent magnifiquement bien et du coup même s’il n’y a pas de gros retournement de situation, on a envie d’en savoir toujours plus, jusqu’à en arriver au dénouement.


Finalement avec quelques jours de recul je pense que j’aurais préféré une fin plus étoffée. On nous donne les faits et pouf, merci au revoir. 

C’est un peu dommage mais ça reste un détail en comparaison du reste. 


Et puis j’avais vu passé pas mal d’avis, des élogieux et d’autres pas. L’argument qui revenait le plus souvent c’était qu’il y a trop de longueurs. Pour le coup je ne suis pas du tout d’accord. 

Quand on regarde en comparaison un roman comme Am Stram Gram de M.J. Arlidge (lu juste avant, je vous invite à aller lire mon avis dessus !) on peut pas dire qu’il y a des longueurs ici, ça me semble inconcevable. 


Surtout quand on voit que l’auteur ne s’appesantit pas sur l’état d’esprit des personnages, qu’il n’est pas là à nous décrire leur généalogie ni même leurs habitudes. 

Les seuls éléments un peu perso qu’on nous délivre concernent la vie familiale de Flovent — ce qui permet d’introduire la grippe espagnole et la catastrophe humaine que ça a été, même en Islande ! — ou celle de Thorson, sur laquelle on nous fait comprendre des éléments à demi mot. 


Enfin si jamais vous avez trouvé qu’il y a des longueurs, discutons-en ! 


Bref Dans l’ombre c’est une bonne entrée en matière, une plongée au coeur de la Seconde Guerre mondiale où le meurtre, oscillant entre explication historique et thèse commune, entre théorie raciale d’une bêtise absolue et jalousie maladive, pose des questions d’hier et d’aujourd’hui. 


À lire pour ceux qui aiment les policiers nordiques évidemment et qui ont en plus envie d’une plongée au coeur de l’Histoire ! 


Dans l’ombre d’Arnaldur Indridadson, traduit par Éric Boury aux éditions Points.  



  • La Femme de l'ombre 

Dans l’ombre, le premier volet de la trilogie historique d’Arnaldur Indridadson se déroulait en 1941, le second, La Femme de l’ombre est consacré à l’année 1943, avec quelques retours en 1941. 


Cette date permet d’aborder une traversée de l’Esja, dont la mission consistait à rapatrié les Islandais vivant dans les pays nordiques. Cette traversée, survenue non sans accroche et apparaît comme unique : 


« Il n’avait jamais voyagé sur ce paquebot, mais il se rappelait avoir lu dans les journaux, deux ans et demi plus tôt, que l’Esja était parti de l’extrême nord de la Finlande pour ramener au pays des compatriotes domiciliés dans les pays nordiques ayant obtenu l’autorisation de rentrer en Islande. Il supposait qu’il serait impossible d’obtenir une telle autorisation maintenant que la guerre s’était étendue à travers le monde et que les combats se renforçaient de jour en jour. » 


1943 maintenant. Les américains occupent toujours le pays et survient une histoire de meurtre pour le moins sordide, une histoire qui va entraîner notre duo favori sur des terrains obscurs. 


Une histoire alternée du tonnerre où le lecteur comprend rapidement les enjeux mais où le plaisir n’en demeure pas moins présent. 

On est confrontés à la bêtise humaine, reposant largement sur l’idée selon laquelle les islandais sont une race pure, et sur les anciens partisans nazis (pas si ancien que ça !). 


La Femme de l’ombre aborde les tourbillons de la guerre, et démontre à quel point l’Islande était un point stratégique. 

On a été confrontés aux tensions entre les britanniques et les américains avec Dans l’ombre, ici nous nous retrouvons avec celle entre les américains et les islandais. 

On en profite aussi pour aborder les camps. De manière lointaine et distanciée, mais quand même. Dachau devient l’exemple de tous les camps, et avance l’idée que quelque part, sur le continent, des êtres meurent pour des raisons incohérentes : 


« […] décédé de complications cardiaques dans le camp de Dachau où il était incarcéré, près de Munich. Le corps ne nous sera pas remis. Il a déjà été enterré avec les autres prisonniers décédés le même jour. » 


Ce livre frôle le coup de coeur, à l’instar de Dans l’ombre

Pourtant ce qui ne me chiffonnait pas dans le premier, je l’ai rencontré dans le second : trop de répétitions, en grande partie sous forme interrogative.

Ces répétitions coupent la lecture et ennuient plus qu’elles n’ajoutent au suspense. 


C’est pour moi le seul point noir de cette histoire encore rondement menée. J’adore toujours autant suivre Flovent et Thorson même s’ils n’étaient pas souvent réunis dans ce volet. 

Cette trilogie est d’ores et déjà l’une de mes favorites (en espérant que le tome conclusif soit à la hauteur !), elle est addictive, intéressante et en plus de ça elle se passe pendant ma période historique préférée dans le pays où je rêve d’aller. Alors que demander de plus ? 


La Femme de l’ombre d’Arnaldur Indridadson, traduit par Éric Boury aux éditions Points. 




dimanche 20 décembre 2020

Et tu n'es pas revenu de Marceline Loridan-Ivens

 T’écrire m’a fait du bien. En te parlant, je ne me console pas. Je détends juste ce qui m’enserre le cœur. 

Marceline a 15 ans lorsqu’elle est déportée à Birkenau. Son père, Schloïme est envoyé à Auschwitz. 

Ce livre est dédié à son père, à celui qui n’est pas revenu. 

Si elle a vécu c’est pour lui, celui qui lui a prophétiquement confié qu’elle allait vivre. 



Écrit avec Judith Perrignon, journaliste et romancière, Marceline Loridan-Ivens revient sur les conditions qui ont mené à sa déportation en 44. D’abord direction Drancy puis Auschwitz-Birkenau. Ensuite c’est la course, en 45 les Alliés sont proches, bien trop proches alors comme beaucoup d’autres, Marceline a dû subir de nombreuses marches, elle a dû fouler l’entrée d’un certain nombre de camps pour finir par le camp-ghetto de Terezin, libéré en mai 45. 


Il est question de la mémoire, de son expérience en camp, de la dernière lettre de son père, de quelques mots griffonnés et passé clandestinement de main en main pour arriver entre les siennes. La dernière lettre dont elle a oublié le contenu. 


« Il fallait que la mémoire se brise, sans cela je n’aurais pas pu vivre. »


Et tu n’es pas revenu c’est 100 pages de pure sincérité, cent pages pour raconter une expérience concentrationnaire mais aussi pour raconter son lendemain. 

La solitude, le déchirement d’avoir perdu son père, l’incompréhension d’autrui. 

On parle souvent des déportations mais rarement du retour, de la perception des gens, qu’ils aient été eux-mêmes déportés ou non : 


Pourquoi une fois revenue au monde, étais-je incapable de vivre ? C’était comme une lumière aveuglante après des mois dans le noir, c’était violent, les gens voulaient que tout ressemble à un début, il voulaient m’arracher à mes souvenirs, ils se croyaient logiques, en phase avec le temps qui passe, la roue qui tourne, mais ils étaient fous, pas que les juifs, tout le monde ! La guerre terminée nous rongeait tous de l’intérieur.


La fin de la guerre qui a sonné le retour des déportés n’était pas exactement comme on peut le penser : une grande fête pour les survivants et un hommage pour les morts. Le lendemain de la guerre a vu naître un sentiment de désolidarisation, que ce soit entre ceux qui ont connu des privations mais n’ont jamais été déportés et ceux qui ont vécu les horreurs des camps et ne sont pas parvenus à partager leur expérience, à la mettre en commun : 

« Personne ne voulait de mes souvenirs. Nous n’avions pas les mêmes. nous aurions dû les additionner, mais ils nous ont éloignés. » 


Le lien avec son père jalonne tout le récit, de son annonce prophétique à Marceline — grosso modo : tu vivras mais moi pas, je suis bien trop âgé — à sa disparition, probablement survenue en février 1945 au camp de Gross-Rosen.


Le livre, extrêmement court, rejète toute forme de pathos. Loin des lamentations c’est avec brutalité et crudité que les camps sont abordés, tout comme le « retour à la vie normale » et le sentiment d’être de trop, de ne pas être à sa place, ou plutôt de n’avoir plus de place. 


Et tu n’es pas revenu est un récit unique sur une expérience concentrationnaire et sur la difficulté de vivre après. Sur la résilience dont cette femme, Marceline Loridan-Ivens, a fait preuve toute sa vie pour en venir à l’écriture de ce livre-testament. 


 + : le petit dossier écrit par Annette Wieviorka à la fin de l’ouvrage est particulièrement éclairant sur les questions soulevés par le témoignage. Elle reprend les grandes lignes de la vie de Marceline mais aussi sur le retour à la vie, le procès d’Eichmann qui ouvre ce que l’historienne a elle-même qualifié de « l’ère du témoin » (« L’essence du procès d’Eichmann est la litanie des cent onze témoignages »). Et conclut de manière assez pessimiste sur la possible ouverture d’une quatrième ère… celle de l’oubli. 







mercredi 16 décembre 2020

Fantôme (#9 Harry Hole) de Jo Nesbø

Jo Nesbø aime les va-et-vient. Comme pour beaucoup d’autres auteurs de polar, la répétition, le cycle, ça tient une place très importante dans l’oeuvre. 

Avec son personnage Harry Hole, l’auteur aime nous chahuter, nous faire replonger à l’image de son héros. 




Un jour alcoolique, le lendemain à jeun. 

Un jour policier à Oslo, le lendemain, fantôme à Hong-Kong. 


On ne sait plus très bien sur quel pied danser depuis la difficile enquête du Bonhomme de neige (t. 7), puisqu’Harry a décidé de quitter Oslo et de s’installer ailleurs. 

Oui mais voilà que déjà dans Le Léopard, il fallait bien qu’il revienne pour arrêter les méchants. 


Et puis là, il en va de même : Harry, qui a démissionné depuis plusieurs années revient à Oslo, cette fois-ci personne ne vient le chercher, pour trouver le véritable coupable de Gusto, un petit dealer de fioline, la nouvelle drogue grave addictive qui traîne partout en Norvège. 

Parce que là, pour le moment, bah le vrai coupable, et bah c’est Oleg, le fils de Rakel, le grand amour d’Harry. 


Si d’ordinaire j’ai tendance à dire qu’on peut lire les livres indépendamment les uns des autres, je déconseille fortement ce volet si on n’a pas lu Le Bonhomme de neige, l’intrigue s’en trouverait alors bien trop amoindrie. 


Harry est donc de retour, mais Harry a changé, que ce soit physiquement avec sa balafre et le fait qu’il ne consomme plus une goutte d’alcool, mais aussi mentalement, il n’est plus tout à fait le même. Et ça s’en ressent pendant une bonne partie du roman. 


Jo Nesbø offre un second souffle à son personnage, il nous entraîne au coeur d’une intrigue liée aux différents gangs implantés dans Oslo. On se retrouve encore dans les bas fonds, et cette fois, Harry est tout à fait seul. Car s’il enquête, il n’en est pas redevenu policier pour autant. 

Au contraire il est plutôt tout seul même s’il peut toujours compter sur deux-trois personnes de confiance dont Beate. 


Fidèle à lui-même, Jo Nesbø alterne temporalité (passé avec les écrits de Gusto et présent), les points de vue pour nous donner à voir une grande fresque de la corruption. 

Jusqu’au bout j’avais une certaine théorie concernant un personnage (Mikael) et ce n’était pas exactement ça. Et j’avais aussi ma théorie concernant le coupable de Gusto, l’implication d’Oleg. J’avais ma théorie depuis presque le début, et cette théorie s’est validée. 


Fantôme est, contrairement aux autres, une petite déception. J’ai placé la barre tellement haut avec cette série, avec cet auteur que j’attends désormais l’excellence. J’ai passé un très bon moment, j’étais prise dans la lecture (encore lu à un rythme effréné), mais la conclusion m’a laissée de marbre. 


Je n’ai plus qu’à entrer dans le dixième volet, Police, avant de devoir me procurer la suite, La Soif








dimanche 13 décembre 2020

Métamorphose (tome 3 à 5) d'Ericka Duflo

Tome III. Sombre présage 


J'ai patienté, c'est le moins que l'on puisse dire. Un an qu'il est dans ma bibliothèque, des mois que j'attends la sortie du tome 4 (paru en mars dernier) pour pouvoir me plonger dans ce volet. 
Petit hic, il manque toujours le cinquième et dernier tome afin de conclure la pentalogie imaginée par Ericka Duflo. Ce volet est terminé, l'auteure l'a envoyé à sa maison d'édition, mais voilà, malgré le fait que ces livres ne nécessitent pas de traduction ni de changement du point de vue de la couverture, il faut attendre des mois avant de pouvoir espérer le trouver en Europe - cette saga est publiée aux éditions Kennes, maison d'édition belge. 

Si j'ai attendu aussi longtemps avant de lire ce volet, c'est bien parce que je ne veux pas trop attendre pour connaître le fin mot de l'histoire (visiblement, ce ne sera pas avant mars-avril 2019). Et c'est aussi pour cette raison si je n'ai pas prévu de lire le quatrième avant cet hiver.


Après avoir découvert Appia dans Paradis obscur, Senna poursuit sa formation afin de devenir une harpie confirmée. L'ambiance est sombre, sans doute plus que dans le précédent. 
On sent que Senna commence à prendre la pleine mesure de ses actes, elle comprend qu'elle devra trahir certains personnages, et qu'à l'inverse, certaines personnes vont la trahir. 
J'ai aimé la tournure que prenne les événements, le fait que l'étau se resserre pour Senna et Ian, que celle-ci va plus loin dans son apprentissage puisqu'elle n'est plus une plume, mais bel et bien une aile ! 

À l'inverse, j'ai trouvé le début assez lent malgré le fait qu'on suive "L'inconnue" cette mystérieuse femme qui veut du mal à notre héroïne. Bon, à vrai dire je n'ai pas été particulièrement enthousiasmée par les chapitres du point de vue de cette personne puisque j'ai trouvé son identité évidente. Pas de surprise de ce côté, mais c'était quand même bien vue. 

Je déplorais le fait que l'on suivait différents personnages dans Paradis obscur, mais que l'on apprenait pas grand chose sur eux. On suit les mêmes personnages - Senna, Ian, la Matriarche et forcément, L'inconnue en plus -, mais j'ai trouvé que cette fois les chapitres des uns et des autres étaient légitimes, dans le sens où ils nous permettent toujours d'exposer plus de théories qu'elles soient vraies ou fausses. C'est donc un bon point pour le personnage de Céléno (la matriarche) qui reste assez ambigu, tantôt protectrice et aimante, tantôt redoutable et impitoyable. 

En revanche, et encore une fois, on ne voit pas assez Ian à mon goût. Je trouve qu'il ne sert pas à grand chose depuis la fin d'Exorde (le 1er tome) en fait, ce qui est dommage, surtout quand on connait sa nature. Je me dis qu'il reste deux volets pour le développer et ne pas en faire un simple faire-valoir de Senna, simple garçon éprit de la fille courageuse...

Senna me plaît de plus en plus, elle prend des risques, est téméraire et attachante. J'ai eu l'impression de vraiment apprendre à la connaître dans ce tome, c'est donc plus facile de lire les chapitres de son point de vue. Je pense que ce changement dans mon appréciation du personnage est dû à cette mystérieuse prophétie dont Io lui a parlé et qui ne cesse de la hanter - normal qu'elle n'arrête pas d'y penser en même temps. 
D'ailleurs, je trouve intéressante sa relation avec Io, ce personnage m'est sympathique dans la mesure où c'est une simple petite fille absolument trop bizarre qui effraie absolument tout le monde, je trouve ça génial. S'y ajoute le fait qu'elle est réellement forte - comme on le voit, elle use de magie bien plus puissante que celle des autres filles en apprentissage ou même de certaines enseignantes. 


Heureusement ce tome a donné certaines réponses à mes questions (par rapport à la maladie de Ian par exemple), mais j'ai aussi bien d'autres questions encore en suspens - bah oui, c'est pas marrant sinon. 
Je meurs d'envie d'en apprendre plus sur cette prophétie, sur ces rêves qui hantent Senna, et bien évidemment, je veux savoir ce qu'il va se passer maintenant pour notre héroïne. La fin est assez claire sur la suite, Senna est dans de beaux draps, elle est seule (ou peut-être sera-t-elle avec Io ?) et surtout, elle va devoir faire face à une menace obscure, dangereuse et apparemment très puissante.

Je me languis donc de lire le tome 4, mais je me fais violence, je ne veux pas craquer avant, soit d'avoir la date de sortie officielle du dernier tome, soit ce dernier tome entre les mains. L'attente sera rude. En tout cas, j'ai préféré ce tome à Paradis obscur. Je l'ai trouvé plus sérieux parce que plus sombre, plus abouti et surtout plus intéressant. On a dépassé les descriptions liés au domaine d'Appia et celles concernant la formation des harpies, ce qui m'a permis de me plonger plus facilement dans ma lecture. 
Et puis, c'est surtout que j'avais un sentiment de sur place lors de ma lecture du deuxième tome, cette fois, j'ai l'impression d'avoir passé un cap et d'être dans la dernière ligne droite !

Dites-moi, qu'avez-vous pensé de ce troisième volet ? 


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 Tome IV. Désillusion 


Mais quelle lecture !! Enfin je l’ai lu, enfin je vais bientôt savoir le fin mot de l’histoire. 


Le tome 4 prend place peu de temps après le troisième. 

On suit toujours Senna qui a appris qui est L’Inconnue et va achever sa formation à Arpia. 




Ce tome est pour moi le meilleur de la saga (je n’ai pas encore lu le cinquième et dernier), parce qu’il regroupe ce qui en fait l’originalité : la diversité des créatures fantastiques, une intrigue qui avance enfin vraiment et qui commence à dévoiler ses pions et des personnages intéressants parce que bien développés. 


Comme je le disais concernant le tome 3, Senna est de plus en plus attachante, elle prend enfin les devants, elle refuse de se laisser faire et surtout, on commence à s’éloigner de la fille naïve du début. 

Aussi on en apprend enfin plus sur ses parents, notamment sur son père dont on ne savait franchement rien auparavant. 


Je ne veux pas trop m’appesantir sur ce tome parce que c’est le quatrième, parce que je ne veux pas prendre le risque de vous spolier… 

Mais je tenais à écrire un avis dessus parce que pour moi ce tome est le plus mature, il s’attaque vraiment au problème et l’auteure réussit avec brio à nous donner une histoire prenante, addictive. 


Je n’ai pas lâché le bouquin parce que j’avais vraiment envie de savoir la suite, je voulais savoir si Ian et Senna allaient pouvoir se retrouver en dehors d’Arpia, de savoir qui est cet homme mystérieux dont Senna rêve, de savoir si Senna allait parvenir à retrouver la trace de Mah, l’ancienne préceptrice de sa mère en quelque sorte. 

Il reste un tome, donc forcément il reste des questions, mais là le dévoilement et le suspense ont été parfaitement dosés si bien qu’en fermant le livre je n’étais pas sur ma faim. J’étais plutôt « ok, maintenant j’achète tout de suite le tome 5, il faut que j’en sache plus ». 


Après il y a toujours ce bémol concernant Ian. C’est mon personnage préféré et j’ai vraiment le sentiment qu’il aurait pu y avoir encore des choses à gratter. Il n’est pas assez exploité et c’est dommage. 

Même si je dois bien reconnaître que les événements qui se passent dans la dernière moitié m’ont remué, que j’ai bien cru qu’il en était fini de lui… J’espère simplement qu’il ne va pas disparaître dans le dernier tome. Je risque d’être tellement déçue sinon… 


Métamorphose, c’est typiquement le genre de livre young adult que j’adore parce qu’il mêle mythologie à invention auctoriale, il est à la fois cliché dans le sens où la trame est commune (une jeune fille qui a perdu ses parents apprend qu’elle a des pouvoirs et doit vaincre les méchants…), à la fois original parce qu’Ericka Duflo est parvenue à en faire une histoire singulière, personnelle. 


J’ai dévoré Désillusion, plus que les trois premiers. Maintenant reste à savoir s’il en sera de même pour le cinquième et dernier tome, Ascension

 

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  Tome V. Ascension   


Bon c’est jamais facile de quitter un univers, de lui fermer la porte après cinq tomes. C’est jamais facile d’en arriver à une certaine conclusion et de se dire que non, elle n’a rien à voir avec ce dont on pensait. 


Le dernier tome de la pentalogie Métamorphose d’Ericka Duflo est aboutit, maîtrisé stylistiquement parlant, confirmant le don de l’auteure pour écrire les page turner



Tout allait très bien, tout allait comme sur des roulettes. 

Jusqu’à la fin. La fin qu’on attend dès le début de ce tome parce que ce n’est finalement pas une surprise. 

La fin pour Ian, Senna et l’autre gars là, celui qui arrive comme un cheveu sur la soupe et qui refuse de s’en aller. 


Le message de tolérance est formidable, et il est présent dès le premier volet, dès la rencontre de Senna, sorcière mais pas que, et Ian, incube (pour rappel : démon mâle, abuse sexuellement des femmes…). 


Ça me fait beaucoup de peine d’avoir à écrire ça. Je rumine depuis que j’ai tourné les dernières pages — ça fait au moins un mois que je l’ai terminé et je n’arrive pas à me résoudre à penser autrement. 


Le message de tolérance qui est le socle de l’histoire est à mon sens complètement décrédibilisé par la fin. 


Comment faire une histoire où chaque créature doit pouvoir s’entendre avec une autre si, finalement, chacun rentre chez soi ? Les êtres de lumière entre êtres de lumière et les démons avec les démons ? 

Pour moi ce choix c’est ça ; il fait voler en éclats un des éléments à l'origine de la force du livre. 


J’ai beaucoup aimé cette saga, j’ai peu apprécié le personnage de Senna et à l’inverse j’ai aimé celui d’Ian, à mon sens bien plus complexe et novateur. 

Le seul point noir c’est donc cette fin qui, à mes yeux, n’a pas de sens…













mercredi 9 décembre 2020

La Somme de nos folies de Shih-li Kow

La Somme de nos folies est un roman polyphonique où on découvre la voix de deux personnages très différents, d’un côté le vieux chinois retraité Auyong, de l’autre, l’adolescente orpheline Mary Anne. 



Leur route va se croiser de manière assez inattendue. Si les premiers chapitres sont consacrés à Auyong et à la découverte de la petite ville de Lubok Sayong, très vite on fait la connaissance de Mary Anne qui souhaite nous raconter sa vie, mais seulement à partir de ses 11 ans, lorsqu’elle a quitté l’orphelinat grâce à un couple qui souhaitait l’adopter. 

Mais manque de bol, sur le chemin du retour, ils ont un accident, le couple meurt sur le coup. 


Mary Anne doit être hospitalisée, elle a notamment une jambe dans le plâtre. 

Beevi, soeur de celle qui est décédée et qui possède une maison d’hôtes à Lubok Sayong ne veut pas de Mary Anne. Mais c’est sans compter sur son ami, le vieux chinois Auyong. 


Finalement Mary Anne rejoint la maison de Beevi et grandit à Lubok Sayong. 


La Somme de nos folies met en scène une myriade de personnages, de l’amie de Mary Anne, Mary Beth (toutes les filles ayant été à l’orphelinat sont appelées Mary quelque chose…), des soeurs de Beevi, enfin non, demi-soeurs, ne l’énervons pas. 


Les personnages principaux, ce sont bien évidemment les deux narrateurs, mais aussi Beevi, cette vieille femme mal lunée, aussi étrange qu’attachante.

Elle va raconter des histoires familiales toutes plus rocambolesques les unes des autres. Elle est sèche, mal aimable, mais parfois, dans de rares moments, elle est aussi très attachante. 


Mary Anne est mon personnage préféré. Elle est maligne pour son âge, elle se satisfait de ce qu’elle a, et elle a ce côté positif qui la rend particulièrement attachante. Elle pense que sa mère l’a abandonné parce que c’est une star de cinéma, et elle ne pouvait pas continuer sa carrière et avoir cette si jolie petite fille en même temps…


Et puis Auyong, lui aussi je l’ai bien aimé. Parce qu’en grandissant lui aussi il a pris conscience de ses tares, de ses défauts. Parce qu’il contrebalance l’amertume de Beevi, il est gentil au point d’être une sorte de grand-père pour Mary Anne. 


Bref tous ce beau monde se côtoie et c’est agréable, c’est dépaysant. On se croirait à Lubok Sayong, dans cette petite ville où il n’y a rien à voir, rien à faire, excepté suivre les pérégrinations de nos héros. 


La Somme de nos folies a été une excellente lecture, j’ai adoré découvrir un nouveau pays, de nouvelles coutumes. J’ai trouvé la plume de Shih-li Kow très descriptive, si bien qu’on a l’impression d’y être. 

J’ai aimé faire la rencontre de ces trois personnages loufoques, et des autres aussi, tous les personnages secondaires qui viennent ajouter leur grain de folie, leur réflexion personnelle. 


Pour tous ceux qui rêvent de dépaysement, de découverte, de belles rencontres.



La Somme de nos folies de Shih-li Kow traduit par Frédéric Grellier aux éditions Zulma  






dimanche 6 décembre 2020

La Lettre écarlate de Nathaniel Hawthorne

 Mais je continue à croire qu’il vaut mieux pour celui qui souffre être libre de montrer sa douleur, comme cette pauvre femme, que de l’enfermer dans son coeur.

Qui n’a jamais entendu parler de ce roman, La Lettre écarlate ? Que ce soit parce qu’il est considéré parmi ces livres qui ont construit la littérature américaine, ou pour sa protagoniste, véritable héroïne dans son sens le plus strict. 


Publié en 1850, La Lettre écarlate se situe deux siècles plus tôt, en 1642 à Boston et s’étale sur sept ans. 


La belle Hester Prynne vit dans une communauté puritaine, largement dominante à cette époque — c’est cette même société qui a fondé les 13 colonies de la côte Est des États-Unis. 

Cette même société qui l’accuse d’adultère. Face au mutisme de la jeune femme qui refuse de dévoiler le nom de l’homme avec qui elle a eu une liaison, le châtiment est sans appel : Hester devra porter cette lettre, preuve de son déshonneur : A. 


Destinée à vivre comme une pestiférée, Hester refuse de laisser son trésor, sa petite fille, Perle, être éduquée par les puritains. 

Qu’à cela ne tienne, Hester, la tête haute, n’a que faire des ragots… 


Le mari, lui, a laissé sa femme venir dans le Nouveau Monde, alors forcément quand il revient et apprend la nouvelle, il se désolidarise en refusant de se faire connaître. 

Le secret est bien gardé là aussi. 

 

Les années passent, Hester conserve de sa superbe, elle qui coud magnifiquement pour les autres. Elle dont la lettre exerce une étrange fascination, entre admiration et répulsion. 

Elle qui porte à la face de tous sa déchéance avec superbe. 


Mais La Lettre écarlate ce n’est pas seulement Hester Prynne. 

C’est aussi le secret de la paternité de la petite Perle. C’est aussi l’amour dans un monde où le divorce n’est pas envisageable, où les convenances empêchent le bonheur.


La fin est tout ce qu’il y a de plus beau. Ravagé par la culpabilité, largement encouragé par le mari, le coupable suprême, celui dont le nom n’a pas été prononcé publiquement dévoile sa faute. C’est déchirant. 


La Lettre écarlate c’est la dénonciation. Celle de cette société qui se pense bien sous tout rapport mais qui est en réalité gangrénée par l’hypocrisie. 

C’est l’admiration pour cette femme, pour la beauté de sa lettre, illustration de la honte et pourtant tellement plus que cela. 

La lettre fascine quoi qu’on dise. Avec ses fils d’or Hester démontre qu’elle accepte le châtiment mais qu’elle n’est pas seulement une femme adultère, elle est aussi tellement plus. 


La lettre écarlate mérite sa place au sein des pionniers de la littérature américaine. En faisant le pari de dénoncer la société puritaine du 17e siècle, Nathaniel Hawthorne créer la figure majeure d’Hester Prynne, illustration d’une résilience hors norme.


C’est un curieux sujet d’observation et d’étude que de savoir si la haine et l’amour ne sont pas au fond la même chose. Tous deux, parvenus à l’apogée de leur développement, supposent un degré élevé d’intimité et de connaissance du coeur ; tous deux font dépendre un individu d’un autre individu pour sa nourriture affective et spirituelle ; tous deux laissent l’amant passionné, ou celui qui hait non moins passionnément, solitaire et désolé si l’objet de sa passion lui est retiré. D’un point de vue philosophique en conséquence, ils semblent être essentiellement identiques, à ceci près que l’un apparaît baigné de lumière céleste et l’autre sous un jour ombreux et sinistre.


La Lettre écarlate de Nathaniel Hawthorne, traduit par Pierre Leyris aux éditions 10/18







mercredi 2 décembre 2020

Un jour d'été que rien ne distinguait de Stéphanie Chaillou

Il me tardait de découvrir ce dernier roman de Stéphanie Chaillou après avoir beaucoup aimé, avec Le bruit du monde, l’histoire de Marilène. 

Ce deuxième roman que je lis m’a beaucoup fait penser au premier. On retrouve les mêmes thèmes : une enfance vécue dans la pauvreté, le sentiment d’être différent des autres à cause de cette pauvreté, le regard infantile porté sur des parents désemparés, étranglés par les dettes et les soucis. 




J’ai retrouvé ces éléments qui m’avaient tant plu dans Le bruit du monde. Ce besoin vorace de liberté, de se trouver quoi qu’il arrive. 

La quête identitaire est primordiale pour Louise comme elle l’était pour Marie-Hélène. 

Louise aussi est « fille de pauvres », elle aussi refuse de suivre un chemin qui serait tout tracé pour elle. 


Je me souviens que c’était surtout ça qui se passait, quand j’étais enfant. Cette chose-là que je percevais. Leur détresse. Leur peine. Les difficultés qu’ils rencontraient et qu’ils s’efforçaient de nous cacher. Ces sentiments qui floutaient leurs yeux. Comme si une vie se passait à l’intérieur d’eux. Qu’une histoire se prolongeait en eux.


À l’instar de Marie-Hélène, Louise refuse ce carcan, la contrainte de sa classe, de ses origines, celle de la pauvreté. 

À l’instar de Marie-Hélène toujours, Louise n’a qu’un seul moyen d’en sortir, de s’élever, de devenir autre. Le seul salut possible est permis grâce aux études et rien d’autre. 


Dans mon esprit, Louise est quand même plus extrême que Marilène dans sa conception des choses. 

Comme dans son refus d’être considérée comme inférieure aux garçons, elle qui se plaît à les battre. Pas parce qu’elle aime la compétition, non parce qu’elle est une fille et qu’il y a cette gratification à battre des garçons ; elle à qui l’on a refusé le foot sous le prétexte que ce n’est pas compatible avec son sexe. 


Les années passent et Louise, pour qui l’idée de vivre une vie lambda, une vie de ménagère, est insupportable, s’interroge sur son parcours. Sur ce que son acharnement à devenir autre à fait d’elle. Sur cette apparition aussi, quand elle était enfant, d’une jeune fille près de la Garonne.


Un jour d’été que rien ne distinguait raconte le besoin d’élévation, la quête d’identité et la radicalité aussi, présente dans ce roman et absent du précédent. 

Stéphanie Chaillou ajoute le questionnement autour du sexe, et des différences que ça occasionne dès l’enfance. Mais aussi plus tard, à l’âge adulte, par le biais de la figure de la meilleure amie Myriam notamment.


La plume de l’auteure est sans aucun doute un des éléments qui me plaît le plus. Une écriture parfois saccadée, faite de répétitions, de ruptures et d’une clarté sans pareille. Ses mots me touchent à chaque fois et je ressens une certaine affinité avec ses personnages. 


Je ne vivrais pas cette tristesse, cet abandon. Je ne me laisserais pas enserrer par le désarroi. La réalité ne me ferait pas ce que je voyais qu’elle faisait aux autres, aux adultes, à mes parents. Je ne serais ni pauvre, ni triste, ni résignée.


En 140 pages Stéphanie Chaillou donne à voir un portrait d’une force inouïe où les questionnements sont plus importants les uns des autres. Dès la première page, le charme s’opère et arrivé à la dernière, on en redemande encore. 


Finalement Un jour d’été que rien ne distinguait est pour moi une manière de pousser plus loin les remarques déjà présentes dans Le bruit du monde, mais aussi de les dépasser. 

La grande différence, celle de la prise de conscience de son sexe et tout ce que cela implique, est le pivot de l’histoire. 

Avec l’histoire de Louise, Stéphanie Chaillou montre les changements ; avec l’illustration « Paprika » on comprend que les femmes, les petites filles, qu’importe, n’ont pas besoin de garçon. 


Il me semblait que le défaut majeur pour un homme ou une femme, c’était le mensonge. Mentir aux autres, mais se mentir à soi surtout. Ne pas oser se voir. S’éviter. Faire comme si l’on pouvait effacer la réalité, prétendre qu’elle n’existait pas.






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Quand le varou m'emportera je m'endormirai dans le ciel de tes yeux. Sous les auspices de Jean de La Fontaine, Adeline Fleury nous ...