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mercredi 29 septembre 2021

Murnau des ténèbres de Nicolas Chemla

« Tu sais nous étions portés par la magie de l’aventure et du voyage, l’envoûtement de cette île enchanteresse, une excitation de tous les instants, et nous le fûmes dès notre arrivée… » 


Cinéaste tantôt du fantastique, tantôt du réalisme, Friedrich Murnau était l’un des maîtres du cinéma expressionniste allemand avant de se décider à partir aux États-Unis. 

De Nosferatu (1922) en passant par L’Aurore (1927), tous les deux considérés comme des grands films de l’histoire du cinéma, Murnau a terminé sa carrière cinématographique avec un film d’inspiration symboliste : Tabou (1931).


Nicolas Chemla avec son roman Murnau des ténèbres nous entraîne au coeur de la réalisation de cet ultime film, tourné en Polynésie en collaboration avec le documentariste Robert Flaherty à qui l’on doit le magnifique Nanouk L’Esquimau


Le roman est une plongée dans le passé, un retour en arrière allant du départ de l’équipe en bateau jusqu’à la fin du tournage et le terrible accident de voiture qui a ôté la vie de Murnau. 

Mais avant cela il y a presque un an et demi de tournage dans lequel des événements étonnants vont se produire. 

L’équipe de tournage, en violant les tabous de l’île, aurait subi une forme de vengeance sacrée. Du moins beaucoup d’accidents sont survenus durant le tournage, des accidents pas toujours explicables et qui étaient, pour les locaux, la preuve que l’équipe aurait transgressé un certain nombre de tabous - par exemple, ils ont choisi d’installer leur matériel dans un ancien cimetière, ce qui serait pas très bien passé ! 


Plus qu’un roman retraçant les derniers mois d’un réalisateur, Murnau des ténèbres lance le pari d’écrire une histoire merveilleuse (et je l’entends sous ses deux acceptations adjectivales - caractère surnaturel et est exceptionnel).

Le narrateur qui a tout quitté pour suivre les traces du réalisateur rencontre un être, mi-humain mi-fantôme. 


La rencontre entre les deux est l’occasion de découvrir les îles Marquises et de convoquer des figures artistiques, quelles soient littéraires - à travers les écrits de Loti ou Stevenson - ou picturales - avec Gauguin. Le dépaysement transperce chaque page et emmène le lecteur aux coeurs de ces îles. 


Le clivage entre le monde insulaire et le reste du monde est prégnant tout au long du roman, d’autant plus avec le mélange de genres. C’est peut-être ce qui m’a perdu : trop de genres différents, entre le conte fantastique, onirique et aussi philosophique, sans parler de la place du docu-fiction… Est venu un moment où je me suis rendue compte que je n’étais plus dedans mais à côté. Les longues descriptions des îles sont formidables mais j’en étais immunisée sans savoir pourquoi. 


Je garde comme souvenir la poésie qui se dégage et l’objectif d’écrire un texte qui serait à la fois esthétique et biographique. Si au début les personnages me sont apparus comme des marionnettes victimes de traditions ancestrales, je l’ai achevé avec le sentiment qu’ils ne sont en réalité que des fantômes d’un autre monde… 


À lire pour le dépaysement et pour les amoureux d’un des plus grands cinéastes au monde (ouais je suis ultra fan de l’expressionnisme allemand et Nosferatu est un de mes films favoris, et puis j'ai quand même appelé mon chat Faust…!)  







dimanche 29 novembre 2020

La Maison des morts de Sarah Pinborough

Bon j’ai hésité à écrire un avis dessus, à le publier. 

J’ai tellement de retard dans mes articles que je me demande à chaque fois si ça vaut la peine, si ce n’est pas mieux de seulement parler des livres que j’ai adorés.

D’un autre côté, je trouve dommage de ne pas parler des autres, de ceux qu’on a pas trop aimé ou qu’on a bien aimé, mais sans plus. 




C’est le cas de ce roman La Maison des morts écrit par Sarah Pinborough

Cette auteure est connue mais comme je n’ai pas fait de recherches et que je n’ai rien lu d’autre d’elle, la seule chose que je peux dire, c’est qu’elle a publié ce livre en 2015. 


La Maison des morts n’est autre qu’une maison où sont parqués les enfants qui ont été diagnostiqués positif à je ne sais quel virus. Ils sont emmenés dans cette étrange maison sur une île où ils ne peuvent plus voir leur famille, où ils attendent littéralement la mort.

C’est à celui qui mourra en premier dans les dortoirs. 


On suit le personnage de Toby, chef du dortoir 4 qui compte encore tous ses occupants. Mais voilà que certains tombent malade sans prévenir et que leur état se désagrège à la vitesse de l’éclair. 


La routine de la maison disparaît comme neige au soleil dès l’arrivée d’une nouvelle fournée. Dans celle-ci, il y a Clara. 


Clara et Toby, destinés à se rencontrer, destinés à s’aimer. 

Malgré la maladie ils vont vivre un premier amour flamboyant.

Jusqu’à ce que la fin inexorable pointe le bout de son nez et vienne tout détruire. 


Bon, je crois que définitivement Stephen King et moi n’avons pas les mêmes goûts. Au dos du livre on peut lire « Bouleversant et totalement captivant. Je ne pouvais pas le lâcher. ». Ce sont les mots du grand King, oui oui. 

J’ai été bouleversée, ça oui, mais captivée ?? Définitivement pas. 


Le livre se lit à une vitesse folle parce que c’est écrit assez gros et que ça reste de la jeunesse / young adult, mais au-delà de ça, même si j’ai été embarquée, je ne peux pas dire que j’ai été envoutée par ma lecture. 


Il y a trop de sujets laissés de côté au profit de l’histoire d’amour - oui, les romances ce n’est franchement pas mon truc. 

D’où vient la maladie ? Pourquoi est-ce qu’elle ne touche que des adolescents ? Est-ce qu’il y a un remède possible ? 


Tout ce qui touche à la maladie, bah c’est évincé. Tout ce qu’il faut savoir c’est que les ado sont condamnés. Une fois que c’est dit, on y revient plus. 

Mais pourquoi on y revient pas justement ? pourquoi ne pas étoffer un peu cette histoire de diagnostic pour en faire quelque chose de plus


Parce que ce n’est pas ce qui intéresse, non, ce qui intéresse c’est véritablement la relation Toby / Clara. Mais moi, elle m’a pas franchement vendu du rêve leur relation en fait. 

Non parce qu’entre lui qui pense qu’à assouvir ses besoins sexuels et elle qui m’a tout l’air d’être complètement à côté de la plaque, il faut dire qu’on est pas aidé ! Alors oui il y a de bons moments, notamment ceux où ils sortent de la maison afin de découvrir l’île mais ce n’est pas suffisant…


Et puis la fin… c’est dommage parce que je lui trouvais des qualités : de bons personnages secondaires, des intrigues secondaires qui m’ont parfois plus intéressés aussi. Mais l’auteure se prend pour Shakespeare est nous pond une conclusion tellement tragique que j’en rirai presque. 


J’ai refermé le livre avec en tête le fameux « tout ça pour ça ? ». Je déteste ressentir ce sentiment parce que j’ai l’impression d’être tout à fait passée à côté de la lecture. Et pourtant La Maison des morts a des qualités, autre que la beauté de mon édition. Il était prometteur et malheureusement il ne m’a pas happé au point que j’en ressorte retourné. 

J’aurais préféré moins de romance et plus d’action. Tant pis. 








dimanche 31 mai 2020

Le Coin des libraires - L'Affamée de Violette Leduc

Aimer est difficile mais l’amour est une grâce.

Je ne vous présente plus Violette Leduc, je crois que depuis le temps vous avez bien compris mon profond intérêt pour cette auteure française du XXe siècle.

Je continue ma découverte de sa bibliographie. Après avoir étudié L’Asphyxie et La Bâtarde pour un cours, j’ai décidé de me plonger dans L’Affamée, son deuxième roman paru en 1948. 

L’Affamée est consacré à l’amour de Leduc pour son amie, l’auteure du Deuxième Sexe, j’ai nommé Simone de Beauvoir. 
Après sa rencontre qui a permis la publication chez Gallimard de L’Asphyxie dans la collection Espoir d’Albert Camus, Leduc tombe amoureuse de son amie, l’indépendante, la forte, l’intelligente Simone. 

Mais rien ne se passe comme elle l’aurait souhaité. Simone, dont on remet en cause (peut-être plus facilement aujourd’hui) l’hétérosexualité, n’éprouvait aucun sentiment pour la tumultueuse Violette. Pis, elle s’est parfois moquée du « visage ingrat » de Violette dans des lettres destinées à certains de ses proches. 



Violette n’aura eu aucune chance. Simone lui a permis de s’épanouir en tant qu’écrivain en l’encourageant à poursuivre dans cette voie, en lui prêtant de l’argent, en écrivant la préface de La Bâtarde, afin de rallier ses lecteurs et de leur permettre de découvrir son poulain. 

Mais tout ça finalement, ça passe au second plan quand on comprend l’amour ressenti par Leduc, cet amour à sens unique. 
L’Affamée raconte ce sens unique. Il raconte les longues semaines, les longues heures à attendre que « Madame » revienne d’un de ses nombreux voyages. Il raconte l’attente, les divagations d’une narratrice perdue sans son amoureuse. 

J’avais un peu peur du thème initial, je savais de quoi il en retournait puisqu’elle en parle dans La Bâtarde, et l’amour à sens unique, surtout celui éprouvé pour Beauvoir, je n’avais pas hyper envie de le découvrir.

Faut dire que Simone de Beauvoir est une de mes auteures préférées, j’adore ses livres autobiographiques, mais au fur et à mesure du temps le mythe s’est un peu fissuré pour donner à voir une autre personnalité, moins clinquante, plus réelle. 
Et puis j’ai feuilleté l’essai de Marie-Jo Bonnet, Simone de Beauvoir et les femmes, et j’y ai découvert des choses pas toujours reluisantes, comme cette partie justement assez courte autour de sa relation avec Leduc, autour du fait qu’elle la critiquait dans des lettres à ses amis… 

Bref on est pas là pour parler de ça mais bien de L’Affamée
En fait, tout ce que je dis là, c’est pour justifier le fait que je n’ai pas tant accroché que ça. J'aurais jamais cru dire ça d’un livre de Violette Leduc et c’est pourtant le cas. J’y ai retrouvé la beauté de sa plume, peut-être parfois trop précieuse comme certains aiment le rappeler, mais malgré ça l’histoire n’est pas parvenue à me captiver suffisamment pour que je passe outre les digressions, pour que j’éprouve un réel intérêt pour ce qui fait la matière du livre : un amour à sens unique, une narratrice esseulée, perdue au sein d’une ville trop grande, à la fois trop peuplée et trop vide. 

L’Affamée considérée comme « la description de l’Amour », honnêtement je pense qu’on peut repasser, ses autres livres à l’instar de La Vieille fille et le mort (je sais je vous en parle tout le temps de ce livre, mais lisez-le !!) sont, à mon sens, bien plus intéressant à découvrir. Mais comme toujours, il s'agit d'un ressenti personnel. 







mercredi 20 mai 2020

Le Coin des libraires - Mémoire de fille d'Annie Ernaux

Auteure contemporaine prolifique, Mémoire de fille est ma première rencontre avec Annie Ernaux. Pourtant j'ai longtemps voulu la découvrir, en grande partie pour la dimension autobiographique présente dans bon nombre de ses ouvrages. 

J'ai choisi ce livre pour son titre (à la base je voulais surtout découvrir La place, mais je ne l'ai pas trouvé donc j'ai choisi celui-ci) : Mémoire de fille. Ça m'a évidemment fait penser au premier volet autobiographique de Simone de Beauvoir, mais pour moi, la comparaison s'arrête ici. 




Je ne m'attendais pas à ça. Ça, c'est le va et vient entre le passé, lors de l'été 1958 où l'auteure a 18 ans et le présent de l'écriture, celui du regard rétrospectif donc. Si ce n'était que ça, ça passerait encore, mais non, en fait ce qui m'a le plus gêné, c'est sans doute la narration, l'entremêlement de paragraphe où l'auteure utilise le je (= voix de l'auteure) et de paragraphe où il est question d'elle (= l'auteure, lorsqu'elle était à la colo en 58). 
On est confrontés aux réflexions de l'auteure qui vient décortiquer l'événement ou apporter un point de vue. Elle se met littéralement à nue dans son ouvrage, elle décrit tous ses espoirs et peines survenus lors de ce fameux été. 

La démarche auctoriale est très intéressante - même si c'est toujours très mégalo d'écrire un bouquin qui va s'attacher à revenir sur un événement personnel et en parler ; certains diront que l'écriture n'est pas une psychanalyse - même si je pense qu'il est préférable de lire ce livre quand on en a lu d'autres d'elle. Ça permet de savoir déjà si on aime le style de l'auteure, et en plus d'avoir une petite idée de ce à quoi on va être confronté.

Il n’y a pas de pensée en elle. Elle n’est que mémoire de leurs deux corps, de leurs gestes, de ce qui a été accompli — qu’elle l’ait voulu ou non. Elle est dans l’affolement de la perte, dans l’injustifiable de l’abandon.

Un des points forts de l'histoire c'est d'avoir une idée de l'enfance d'une fille à la fin des années 50. Les aspirations, les interdits. Le besoin d'être accepté, de faire partie d'un groupe. Ce moment dans la vie de l'auteure a été décisif, sans doute a-t-elle attendu des années avant d'écrire dessus, et on sent qu'elle y a réfléchi. Peut-être même un peu trop. J'ai eu l'impression de me heurter trop souvent aux mêmes réflexions. 

Et puis il y a mon côté sceptique qui se montre et qui pense qu'elle a peut-être aussi brodé son récit. Qu'elle a ajouté des détails signifiants pour porter son récit passé. Je ne sais pas, mais c'est possible et cette interrogation s'ajoute à celle de la légitimité. Pourquoi écrire un ouvrage sur soi et pour soi ? Mémoire de fille n'est-il pas, finalement, un ouvrage centré sur une expérience traumatique devenue tabou ou simplement mise de côté durant des années ?

Étrange douceur de la consolation rétrospective d’un imaginaire qui vient réconforter la mémoire, briser la singularité et la solitude de ce qu’on a vécu par la ressemblance, plus ou moins juste, avec ce que d’autres ont vécu au même moment. 

Je crois bien que mon avis n'est pas encore tout à fait tranché. J'ai aimé pour l'originalité, la démarche, et paradoxalement, j'ai bien moins apprécié pour les mêmes raisons. Je n'ai pas trouvé l'écriture d'Annie Ernaux particulièrement poétique, j'ai trouvé qu'elle s'apparentait à la plume journalistique parfois. La distanciation instaurée par le récit présent ne permet pas d'inciter une quelconque envie de découvrir "la fille de 58". Certaines questions sont vraiment intéressantes, notamment celles où elle s'interroge sur le fait d'écrire sur elle qui n'est plus elle. 

Et pourtant, il n'y a pas de coup de coeur, d'excellente lecture. Non, Mémoire de fille est pour moi (pour l'instant en tout cas) une lecture normale, rien de bien extraordinaire en somme. Ce n'est pas une lecture inoubliable. Elle aurait pu être fantastique, mais je trouve qu'elle est vraiment trop autocentrée, qu'ai-je appris si ce n'est quelques détails sur les moeurs en France en 1958 ? 
Je ne désespère pas, j'aimerais lire un autre ouvrage d'Annie Ernaux, simplement pour me faire un véritable avis sur cette auteure reconnue. Peut-être que le problème réside justement dans le fait que j'ai commencé par ce livre, et selon certains admirateurs de l'auteure, ce serait en quelque sorte une des clés de son oeuvre ou quelque chose comme ça.

Comment sommes-nous présents dans l’existence des autres, leur mémoire, leurs façons d’être, leurs actes même ? Disproportion inouïe entre l’influence sur ma vie de deux nuits avec cet homme et le néant de ma présence dans la sienne.







dimanche 17 mai 2020

Le Coin des libraires - La maison Tellier et autres nouvelles de Guy de Maupassant

Maupassant est un de mes auteurs favoris, c’est un secret pour personne. Ses nouvelles m’ont réconcilié avec le genre et ses romans traitent toujours de sujet passionnants. 
Bref, Maupassant, c’est un peu (avec Zweig quand même), LE romancier et nouvelliste que j’aurais aimé pouvoir rencontrer. Son tempérament fragile, la place de la folie dans ses écrits et dans sa vie… définitivement cet auteur me fascine et j’essaie, doucement mais sûrement, de découvrir l’intégralité de sa prose. 

Après avoir lu Fort comme la mort que je recommande à 1000%, j’ai découvert le recueil La Maison Tellier. Il se compose de 9 nouvelles et est enrichi de commentaires. 

Ce fut comme un éclat de lumière illuminant d’un seul coup toute l’étendue de son malheur ; et la rencontre de ce souffle errant le jeta dans l’abîme noir des douleurs irrémédiables. Il sentit son coeur déchiré par cette séparation sans fin. Sa vie était coupée au milieu ; et sa jeunesse entière disparaissait engloutie dans cette mort. 
(nouvelle : En famille


J’ai trouvé les nouvelles assez inégales. Par exemple, la nouvelle éponyme ne m’a pas franchement emballée, je crois même qu’il s’agit de celle qui m’a le moins intéressée. Pourtant, il s’agit de la nouvelle réaliste la plus connue de l’auteur, après Boule de Suif — une autre nouvelle que j’avais trouvé intéressante, mais pas hyper agréable à lire. 

La Maison Tellier met en scène une maison close fermée pour cause… d’enterrement. Il s’agit, ni plus ni moins, de faire des femmes des saintes et non plus des prostituées. 




En revanche j’ai adoré Le papa de Simon. Chez Maupassant, la conclusion est souvent amer, difficile et malheureuse. Ici c’est l’inverse, cette nouvelle est rapprochable du conte pour enfants. Comme c’était agréable de suivre un personnage positif et pour lequel tout se passe bien ! 
Cette nouvelle tient une place particulière dans mon esprit car elle est vraiment l’une des rares qui ne soit pas pessimiste. 

Je ne vais pas aborder les nouvelles une à une, je préfère vous laisser les découvrir. Mais enfin, je peux dire que j’ai aimé Les Tombales et Histoire d’une fille de ferme

« Me voici donc entrant dans le cimetière Montmartre, et tout à coup imprégné de tristesse, d’une tristesse qui ne faisait pas trop de mal, d’ailleurs, une de ces tristesses qui vous font penser, quand on se porte bien : ‟Ça n’est pas drôle, cet endroit-là, mais le moment n’en est pas encore venu pour moi…‟ 
« L’impression de l’automne, de cette humidité tiède qui sent la mort des feuilles et le soleil affaibli, fatigué, anémique, aggravait en la poétisant la sensation de solitude et de fin définitive flottant sur ce lieu, qui sent la mort des hommes. 
(nouvelle : Les Tombales)

La dernière démontre bien la dure réalité de la vie pour les jeunes domestiques qui étaient souvent engrossées puis abandonnées par un homme qui refusait de leur passer la bague au doigt. Même si la conclusion est assez positive, la nouvelle, elle, est grinçante. 

Mais alors, en son coeur si longtemps meurtri, se leva, comme une aurore, un amour inconnu pour ce petit être chétif qu’elle avait laissé là-bas ; et cet amour même était une souffrance nouvelle, une souffrance de toutes les heures, de toutes les minutes, puisqu’elle était séparée de lui. 
(nouvelle : Histoire d'une fille de ferme)

Toutes les nouvelles valent le détour, elles nous apprennent un tempérament, une pratique propre au 19e ainsi que leur état d’esprit. On retrouve la plupart des thèmes chers à l’écrivain comme la prostitution, l’angoisse, la pauvreté, l’adultère, ou encore le refus de paternité — il sait de quoi il parlait puisqu’il n’a jamais reconnu ses enfants...

Pas de coup de coeur ici, mais un grand enthousiasme pour la plupart des nouvelles qui constituent le recueil. Petit bémol pour La Maison Tellier comme je le disais, mais sinon le choix des nouvelles de ce recueil est judicieux car il y en a pour tous les goûts. 
Alors oui il n’arrive pas à la cheville de mes deux recueils favoris jusque-là : Contes du jour et de la nuit et Contes sur le suicide, mais une fois encore j’ai passé un moment délicieux en compagnie de Maupassant. 









mercredi 13 mai 2020

Le Coin des libraires - La nuit introuvable de Gabrielle Tuloup

Voici une de mes lectures improbables de l'année 2018 (j'ai perdu cet article dans les méandres de mon ordinateur, le voici donc !). L'auteure m'était inconnue, tout autant que son premier roman, La nuit introuvable. Ayant été bénévole durant le salon du livre de ma ville, j'ai assisté à une rencontre où l'auteure parlait justement de son roman. Il ne m'en a pas fallu beaucoup pour me convaincre. 




Deux personnages, Nathan et sa mère, Marthe. Le roman étant assez court, on entre très vite dans l'histoire. Nathan est un être qui semble vivre de manière solitaire depuis longtemps maintenant, et plus encore depuis la mort de son père. N'ayant jamais eu une vraie relation avec sa mère ils ont vite perdu le contact. Qu'elle n'est pas sa surprise le jour où il reçoit un coup de fil d'une voisine de sa mère. 

Le récit à deux voix est enclenché. On va suivre d'un côté le présent, lorsque Nathan apprend que Marthe est atteinte d'Alzheimer et qu'elle a exprimé une volonté : son fils doit lui rendre huit fois visite. Huit visites où, à la fin, on lui remettra une des huit lettres qu'elle lui a laissé. 
C'est une manière de s'expliquer, de se dédouaner peut-être, mais surtout c'est une façon de prouver son amour pour ce fils qu'elle n'a jamais réellement chéri sans raison, du moins, en apparence. Le passé est bien évidemment celui de Marthe, celui de ses lettres. Comment était son enfance, sa propre mère, comment elle a rencontré son père, etc. Chaque lettre permet d'en apprendre plus sur cette femme, protagoniste au même titre que Nathan, mais protagoniste fantomatique. 

Durant tout le roman on a l'impression que Marthe n'est déjà plus qu'une ombre, un être qui se transforme en fumée au fur et à mesure de la lecture. 
Je pense que ce sentiment que j'ai ressenti à l'égard de Marthe est tout à fait normal. Elle est atteinte d'Alzheimer après tout. 

Depuis quelque temps la vie est parfois un peu floue. J’ai du mal à distinguer hier d’avant-hier, et les mots qui ont une consonance proche prennent un malin plaisir à jouer à cache-cache les uns dernière les autres. 

C'est justement ce qui m'a intéressé quand j'ai entendu parler du livre : l'utilisation de cette maladie incurable. Si vous me lisez régulièrement vous savez forcément que la mémoire, les souvenirs, l'oubli sont des sujets de prédilection, j'adore lire des livres autour de ces thèmes, il m'est donc apparu évident de lire cet ouvrage. 
Et je n'ai pas été déçue. Comme je le disais plus haut, on entre directement dans l'histoire. On suit à la base un personnage assez antipathique (ce qui ne m'a pas du tout étonné), mais on sent bien qu'il s'agit d'un homme en peine, seul et perdu. 

J'ai dévoré ce livre parce que je voulais en savoir plus. Pas sur Nathan, mais sur sa mère. Marthe est un personnage fort, elle est au centre du récit, au centre de l'écriture de l'ouvrage aussi je pense. L'auteure a crée un personnage complexe et complet. Si je me suis attachée à Nathan, notamment grâce à son enfance assez difficile auprès de sa mère, je me suis encore plus identifiée à Marthe que j'ai trouvé extrêmement forte tout au long de son récit. Cette force qui transparaît de ses lettres est mise en balance avec la fragilité du personnage, le besoin d'autrui sous peine de se blesser (je pense au passage où ils se promènent au Luxembourg par exemple), la nécessité de continuer à vivre une vie qui n'est plus la sienne lorsque l'on oublie tout.

Moi aussi, Nathan j’ai mes sillons et mes parcelles disparues trop tôt. Je signe un bail avec l’oubli, mais qui gardera la mémoire de mes biens, de mes compromis, de mes dédits ? Il ne reste déjà qu’un bien maigre territoire de mon passé. Tout file. Ton père est mort et tu es parti loin. À moins que ce soit moi qui n’aie jamais pu être proche.
Je ne veux surtout pas emporter mon secret. Mes vices cachés le sont au pli d’une ride mais les caresses de Jacques ne me lisent plus. Ton père avait de ces mains qui savent quand la peau braille d’avoir eu mal quelque part. Le corps qu’on n’aime plus se tait doucement. 

Et puis il y a cette fin... tellement déchirante. 

Rien que d'y repenser j'en ai le coeur qui se serre. On s'y attend et pourtant ça reste douloureux.
J'ai adoré cet ouvrage, j'ai aimé Nathan et Marthe pour ce qu'ils sont, des membres d'une famille dysfonctionnelle, des êtres qui s'aiment outre mesure mais qui ne sont jamais parvenus à se le montrer. Était-il trop tard ? Non, je ne crois pas. 

Si j'ai autant aimé cette lecture c'est en grande partie grâce à la plume de l'auteure qui est absolument magnifique, à la fois poétique et débordante de simplicité. 
Dans tous les cas cet ouvrage aura été une grande surprise et je ne regrette absolument pas de l'avoir lu, d'avoir pu le faire dédicacer. Il prend une place particulière dans ma vie de lectrice et j'en suis très heureuse. 

La maladie avait maintenant fait de ma mère une veille dame fugueuse, qui s’écorchait les jambes et les ongles à gratter à la porte de ses souvenirs et qui vérifiait vingt fois les poches de sa robe de chambre pour y retrouver sa mémoire. Mais les poches étaient vides.







dimanche 3 mai 2020

Le Coin des libraires - L'Épouvanteur XVI : L'Héritage de L'Épouvanteur de Joseph Delaney

J’ai repoussé au maximum, j’ai attendu attendu attendu. 

Mais n’en pouvant plus d’attendre, j’ai craqué. 

Ça va, entre temps j’ai appris que Joseph Delaney écrivait une nouvelle histoire où Tom revient. Il ne sera plus le protagoniste, mais je prends ce qu’il y a à prendre ! 




Dans cet ultime volet les forces Kobalos risquent de devenir invincible si leur dieu Talkus parvient à récupérer l’intégralité de son âme. L’enjeu est donc de le vaincre avant. 

Je vais faire court pour ce tome, en particulier parce que c’est le dernier et que je ne veux spoiler personne.

J’ai juste envie de dire que je l’ai dévoré
Il y a des moments auxquels je ne m’attendais mais alors pas du tout. Je suis restée pantoise parfois, c’est dire que l’auteur arrive encore à m’étonner ! 

J’avais peur d’être déçue avec ce tome, surtout parce que c’est le dernier alors forcément la barre était haut. 
La barre était haut et il a fallu que quelques pages pour que je sois de nouveau pleinement dedans, aux côtés de mes personnages préférés. 

Ce volet est à mon sens à la hauteur de toute la saga, il y a des rebondissements, des retournements de situation, des morts, des survivants, bref l’Héritage de l’Épouvanteur conclut sur une belle note. 

La fin sonne véritablement comme la fin, et même si Tom va nous revenir par le biais de la nouvelle série (intitulée Brother Wulf en VO, sortie le 16 avril — donc je pense qu’il paraîtra d’ici l’année prochaine chez Bayard), on sent bien que ce ne sera pas pareil. 
Ce 16e tome conclut la fin d’un cycle, d’un personnage, mais non pas d’un univers.

L’Epouvanteur fait véritablement partie de ces sagas jeunesse absolument géniales ! J’ai passé des moments formidables en compagnie de ces personnages, de ces intrigues. J’ai découvert le personnage d’Alice qui est pour moi l’une des sorcières les plus badass que j’aie pu voir - avec Grimalkin évidemment ! 

Pour moi L’Épouvanteur c’est la magie de la fantasy, l’évasion, et la promesse sans cesse renouvelée que non, la fantasy n’est pas uniquement destinée aux enfants/adolescents, que les adultes aussi, ils peuvent y trouver leur compte. 

C’est toujours un peu triste de dire au revoir à des personnages que l’on a suivi durant plusieurs années. Heureusement je me console avec la nouvelle série de Joseph Delaney, Aberrations. J’ai eu la chance de recevoir le premier volet l’année dernière par Babelio, le deuxième vient de sortir, mais je n’ai pas eu le temps de me le procurer avant le confinement… ce n’est que partie remise ! 







dimanche 19 avril 2020

Le Coin des libraires - La sublime communauté II. Les six mondes

Emmanuelle Han a parcouru le globe au travers d’émission comme Les Nouveaux Voyageurs. En découvrant La Sublime communauté en 2017, j’ai été entraînée dans une histoire formidable. Sans doute une des histoires où je me suis sentie le plus dépaysée. 

Le premier tome m’avait énormément plu en grande partie grâce à l’utilisation de mythes, de légendes, de traditions propres à certains peuples. Ainsi on côtoie une sorcière, ou on prie Hanumãn, dieu de la sagesse dans la religion hindoue. 




Le fait de suivre trois enfants issus de trois lieux différents permet de mettre en avant la culture de chacun et c’est, pour moi, l’aspect le plus positif de cette oeuvre. 
Mais la fin du premier volet donnait l’eau à la bouche. Et même si les éditions Actes Sud ont ajouté les premières pages du deuxième tome, il a fallu attendre beaucoup plus longtemps que prévu pour le découvrir. 

Sorti il y a un an maintenant je voulais avoir vraiment une journée entière devant moi pour me plonger dedans. J’ai attendu, puis je l’ai dévoré. 

Dans son coeur, il n’y avait plus que l’essence du souvenir et un sentiment, profond, d’éternité.

On suit toujours Tupà, Ekian et Ashoka, mais désormais, ils connaissent l’existence des autres. D’ailleurs les deux premiers se sont déjà retrouvés et il va s’agir de trouver Ashoka afin de pouvoir créer La Sublime communauté. 
Mais ce n’est pas l’unique enjeu de ce tome, au contraire, il va être nécessaire d’agir vite pour contrecarrer les plans de l’Observateur, dont les plans, malgré l’obscurité qui les entoure, est de détruire les ressources de la terre - ressources qui sont déjà épuisés dès le premier volet, si on en croit les informations véhiculés par les Guetteurs. 

J’ai trouvé ce tome un peu moins bon que le précédent. Pour la seule raison qu’il est beaucoup moins centré sur les personnages. L’identité des personnages, leur singularité, c’est l’élément qui m’a énormément plu à la base. L’histoire des Étincelants, la présence du singe, j’ai trouvé que c’était trop peu présent dans cette suite. 

En vérité, pour une fois j’ai préféré la mise en place que les péripéties en tant que telles. Néanmoins j’ai beaucoup aimé cette lecture. Je trouve l’histoire très bien trouvée, parce qu’elle pourrait être une histoire de notre temps. 
On a d’un côté les transplantés, que sont les trois protagonistes. Contre eux, les Guetteurs, personnages pour le moins obscurs, dont on ne sait pas s’ils sont foncièrement mauvais, dont on ne sait rien en réalité. 
Et puis il y a aussi les Affamés, ces humains qui ne sont plus que le reflet d’eux-mêmes. Représentant d’une masse sans contours, une masse perdue, misérable, ils sont le reflet de la sur-population et du manque de ressources terrestres pour subvenir à leurs besoins. 

Finalement La Sublime communauté, plus qu’une dystopie, c’est avant tout un regard posé sur le monde actuel. Le réchauffement climatique, la surpopulation, la misère grandissante pour les classes les plus pauvres. L’homme détruit son habitat, comme les Guetteurs détruisent l’eau. 

Car l’utilisation des portes apparait comme remède ultime, le seul vrai pour pouvoir survivre. Mais si les portes, menant au Six mondes n’était en fait qu’un stratagème mensonger ? Et si les Six mondes n’existaient pas ? C’est ce sur quoi ce tome deux va s’évertuer de fournir des réponses. 

J’ai été un peu déçue face au manque de réponse à certaines questions, notamment autour de l’Observateur, personnage absolument pas aboutit ; c’est à peine si ses contours ont été dessinés. Et j’ai été choquée de la fin aussi. À l’heure d’aujourd’hui je me demande encore si c’est négatif ou positif. Je crois que je suis restée sur ma faim en réalité, je crois que c’était trop rapide pour que je puisse adhérer au retournement final. Après avoir passé deux tomes à s’afficher en ennemis de nos héros, ils apparaissent finalement comme seul salut possible. Ça ne m’a pas trop plu, même si d’un autre côté je comprends très bien la conclusion. 

Seulement j’espérais que ce ne soit pas un diptyque, histoire de ne pas rester sur un sentiment d’inachevé. Tant pis. 




dimanche 12 avril 2020

Le Coin des libraires - Arrête avec tes mensonges de Philippe Besson

Philippe Besson m’a souvent donné envie. Auteur contemporain reconnu, il figure sans doute parmi les plus prolifiques aux côtés d’Amélie Nothomb. Longtemps hésitante face à Vivre vite, j’ai fini par me laisser surprendre par « Arrête avec tes mensonges ». Comme quoi, les bonnes occasions permettent souvent les belles trouvailles. 

« Arrête avec tes mensonges » est ma première lecture de Besson. J’ai aimé, j’ai même adoré. 


Roman aux allures d’autobiographie dès la première page, on fait la connaissance de Philippe Besson en 2007, écrivain, venu à Bordeaux pour faire la promo de son dernier bébé. Là, résurgence, remémoration, Besson a aperçu quelqu’un, une personne qui ne l’a jamais vraiment quitté malgré le nombre d’années. 
Cet homme, c’est Thomas, une connaissance adolescente. 

Retour en 1984, à Barbezieux, en Charentes, là où l’auteur a grandi. Nous faisons la connaissance d’un jeune homme gauche, timide, mal dans sa peau. Celui dont on se moquait pour « ses manières de filles » s’enterre dans le travail. Mais son regard n’a pas pu s’empêcher de croiser celui de Thomas Andrieu, dont la rumeur parle de ses penchants pour les garçons. 

Le sentiment amoureux, il me transporte, il me rend heureux. Mais il me brûle aussi, il m’est douloureux, comme sont douloureuses toutes les amours impossibles. […] La difficulté, on peut s’en accommoder ; on déploie des efforts, des ruses, on tente de séduire, on se fait beau, dans l’espoir de la vaincre. Mais l’impossibilité, par essence, porte en soi notre défaite. 

C’est l’histoire d’un amour de jeunesse, sans doute du premier. C’est l’interdit, la séparation, la douleur, l’acte manqué. C’est la déchirure de la séparation. La promesse d’un bel avenir pour le futur écrivain, alors en route pour Bordeaux afin de rejoindre une prépa HEC. 
« Arrête avec tes mensonges » c’est l’histoire d’un amour impossible, l’histoire d’une ambition, d’une fuite et, par extension, d’un abandon. 

Ce roman m’a plu parce qu’il est sans chi-chi, Besson se met à nu en assumant un passé peut-être encore douloureux. La modestie du personnage m’a touché : à 17 ans, qu’est-ce qu’on sait de l’amour ? 
Je redeviens celui que j’étais avant, le garçon qui intrigue, pas celui qui plaît. Je me dis que plaire n’a duré que le temps d’une étreinte, dans un vestiaire. Que plaire n’a été qu’une illusion. 
Mais Philippe refuse de lâcher. Épris du beau Thomas, il doit faire face aux barrières que ce dernier met entre eux. Thomas qui refuse d’aborder « l’homosexualité » (terme qu’il n’utilise jamais), Thomas le défaitiste, le réaliste. Thomas qui sait que ce n'est qu’un amour adolescent, destiné à périr, destiné à mourir dès que Philippe s’en ira. 

Une multitude de sujets sont abordés dans ce roman : le manque de confiance en soi, l’abandon, la perte, la difficulté de s’assumer tel qu’on est. 
Cette lecture est déchirante, surtout la fin. 
J’ai eu comme une pression dans le coeur, celle que l’on ressent quand on a envie de verser une larme. C’est rare d’autant m’émouvoir en littérature, chapeau monsieur Besson pour cette belle histoire. 
J’articule ces derniers mots sans y mettre le moindre affect, comme si la vie, c’était ça, simplement ça, se fréquenter et se perdre de vue et continuer à vivre, comme s’il n’y avait pas des déchirements, des séparations qui laissent exsangues, des ruptures dont on peine à se remettre, des regrets qui vous poursuivent longtemps après.









dimanche 5 avril 2020

Le Coin des libraires - La Solitude des nombres premiers de Paolo Giordano

Je ne sais plus depuis combien d’années ce livre est sur ma liste d’envies, au moins six, ou peut-être même sept ? Bref la sortie des éditions collectors de Noël c’est toujours l’occasion de découvrir de nouveaux titres, et de s’en procurer d’autres qu’on connaît mais qu’on n'a pas encore eu le temps de lire. 

C’est ce qui s’est passé pour La Solitude des nombres premiers de Paolo Giordano. Je voulais le lire mais ce n’était pas pressé, et puis cette merveilleuse édition est sortie. 

Écrire cet avis risque d’être délicat. 
Les raisons ? l’attraction / répulsion que le roman exerce sur moi depuis que j’ai tourné la dernière page. 



Commençons pas le commencement, c’est-à-dire par l’enfance d’Alice, fille unique, envoyée aux sports d’hiver alors qu’elle déteste le ski, qu’elle est toute seule et qu’elle a ce problème d’avoir toujours envie de faire pipi une fois partie sur les pistes. Cet élément en apparence anodin va régler toute sa vie future. 
À coté, il y a Mattia, frère jumeau de Michela, atteinte d’une maladie, du moins d’un retard entraînant l’énervement du frère qui se trouve être mis au ban à cause de sa soeur. Un jour ils sont invités à un anniversaire, mais Mattia ne veut pas se coltiner son empotée de soeur, il décide donc de la laisser seule dans le parc… 

On retrouve les deux protagonistes quelques années plus tard, au lycée, où ils se rencontreront et deviendront amis. 

Ça c’est le postulat de base. 

Les années passant on suit Mattia et Alice dans des moments charnières. On les quitte pendant cinq ans, pour les retrouver grandit, et toujours amis.

Mattia pensait qu’Alice et lui étaient deux nombres premiers jumeaux, isolés et perdus, proches mais pas assez pour se frôler vraiment. 

Ce livre m’a souvent fait penser à Un jour de David Nicholls, un roman où il est question de deux amis amoureux l’un de l’autre mais qui n’arrive pas à sauter le pas et qui préfère donc être malheureux de leur côté plutôt qu’heureux ensemble.
Pour moi La Solitude des nombres premiers c’est exactement ça. 

Le lecteur sait aussi bien que les personnages qu’ils s’aiment et pourtant il ne se passe rien… C’est le point négatif de ma lecture. J’avais peur que ce soit trop fleurs bleues en mode « on finit ensemble parce qu’on est des âmes soeurs » donc de ce point de vue là je n’ai rien à dire, mais je trouve que c’est un véritable gâchis — je ne suis jamais contente, je sais. 

Au-delà de ça j’ai adoré ma lecture. C’était hyper addictif, je lisais un chapitre j’avais directement envie d’en lire un autre. 
Mattie comme Alice sont des personnages que j’ai adorés, ils sont puissants, intéressants, recherchés. Je trouve que tout se passe dans les premiers chapitres. Si on ressent de l’empathie pour eux à ce moment, alors on en ressentira durant toute la lecture. 

Ils vivaient la lente et invisible compénétration de leurs univers, tels deux astres qui gravitent autour d’un axe commun, dans des orbites de plus en plus étroites, et dont le destin évident consiste à coalescer quelque part dans l’espace et le temps.

J’ai tellement accroché aux personnages et à leurs histoires que j’ai laissé de côté le roman pendant une semaine. Il me restait 80 pages mais je ne pouvais pas le finir. Je ne voulais pas les quitter, je ne voulais pas connaître la fin. Je voulais simplement rester dans cet entre-deux, celui où on a fait la découverte de vies et qu’on n’est pas encore prêt à connaître le fin mot. 

Mais il a bien fallu arriver au bout, accepter de refermer le livre et quitter cette histoire. 
J’aimerais une suite parce que le sentiment d’inachevé que je ressens refuse de s’en aller. Il n’y en aura pas, j’en ai bien conscience — elle aurait été écrite depuis bien longtemps sinon ! 
Alors j’ai lu les dernières pages et j’ai été déçue, déçue de voir la solitude triompher, de voir les non-dits gagner tellement de terrain qu’ils demeurent au centre de leur vie. 

Il y avait eu cet épisode, et il y en avait eu de nombreux autres, qu’elle avait oubliées, car l’amour de ceux que nous n’aimons pas se dépose à la surface de nos pensées et s’évapore en toute hâte.

La Solitude des nombres premiers est un très beau livre, bien construit, prenant dès la première page et aussi désespérément pessimiste. 

Mattie et Alice sont des personnages qui risquent de rester longtemps avec moi, des personnages pour lesquels j’éprouve une sympathie sans bornes, des personnages avec lesquels j’ai vibré, et appréhendé la fin. 





La promise au visage de fleurs de Roshani Chokshi

Il était une fois un homme qui croyait aux contes de fées. Il était une fois un homme qui savait que les contes révèlent ce qui demeure cach...