La Mort de roi Tsongor faisait partie de ces livres que j'aimerais lire un jour, mais à qui je ne donne pas la priorité. À vrai dire, ce qui m'a décidé a été la couverture que Babel a éditée pour Noël dernier.
Aujourd'hui, il faut que je remercie les éditions Actes Sud parce que c'est grâce cette belle couverture qu'ils ont éditée que j'ai découvert ce si beau roman.
Contrairement à ce que je pensais, je l'ai lu très peu de temps après l'avoir acheté. Je l'ai aussi rapidement lu parce qu'il est court, mais aussi parce que je voulais absolument savoir ce qui allait se passer !
Dans une Antiquité imaginaire, le vieux Tsongor, roi de Massaba, souverain d'un empire immense, s'apprête à marier sa fille. Mais au jour des fiançailles, un deuxième prétendant surgit. La guerre éclate : c'est Troie assiégée, c'est Thèbes livrée à la haine. Le monarque s'éteint; son plus jeune fils s'en va parcourir le continent pour édifier sept tombeaux à l'image de ce que fut le vénéré et aussi le haïssable roi Tsongor.
Roman des origines, récit épique et initiatique, le livre de Laurent Gaudé déploie dans une langue enivrante les étendards de la bravoure, la flamboyante beauté des héros, mais aussi l'insidieuse révélation, en eux, de la défaite. Car en chacun doit s'accomplir, de quelque manière, l'apprentissage de la honte.
Roman des origines, récit épique et initiatique, le livre de Laurent Gaudé déploie dans une langue enivrante les étendards de la bravoure, la flamboyante beauté des héros, mais aussi l'insidieuse révélation, en eux, de la défaite. Car en chacun doit s'accomplir, de quelque manière, l'apprentissage de la honte.
Contre toute attente, ce n'est pas le genre d'histoire (récit épique) que je lis d'ordinaire, mais pour tout dire, je ne savais pas à quoi je m'attaquais avant de le commencer alors ça ne m'a pas réellement perturbé. Il faut dire aussi que la lecture est très agréable et on immerge rapidement dans toute cette ambiance antique et du coup, ça m'a beaucoup fait penser aux tragédies classiques donc du coup, bah j'ai vraiment bien aimé quoi.
Ce que nous révèle le titre est très rapidement résolu si bien que l'on ne va pas suivre la vie de Tsongor avant sa mort, mais plutôt sa descendance après sa mort. Dès le premier chapitre, l'issue semble déjà toute trouvée et il ne nous reste plus qu'à attendre que la prophétie du père Tsongor se réalise. Et puis, il y a l'histoire de Tsongor qui refuse de partir, qui donne une quête à la limite de l'impossible à son fils cadet et lui déclare qu'il doit accomplir sa tâche avant de lui donner une pièce qui lui permettra de s'en aller, de ne plus être bloqué entre les deux mondes.
Sans que personne ne le souhaite réellement les évènements sont déchirants et tragiques :
Pour Katabolonga, sans doute mon personnage favori - avec Souba - parce qu'il se devait de tuer Tsongor, parce que son histoire passée est atroce et malgré tout, il renonce à cette promesse faite il y a plusieurs décennies, il fait preuve d'une humanité et il est tellement touchant dans sa façon d'être toujours là. Quoi qu'il arrive, dans la vie, dans la mort, jusqu'au bout.
Pour Samilia, celle qui allait se marier, être heureuse et vivre une belle vie et en fait, bah non, et ce, pour des enfantillages dirait-on. Elle est celle qui va se retrouver disputée, découpée en deux entre son futur mari, le prince Kouame et son vieil ami avec qui elle a grandi, Sango Kerim. Elle prend une décision qui n'en sera même pas réellement une finalement, en tout cas, elle ne changera pas grand chose à l'issue de la bataille. Comme le dit si bien Laurent Gaudé en titre de chapitre, Samilia finit par être l'oubliée. Celle qui était le centre d'attention et la raison de tout ce sang versé se retrouve déchue, une véritable paria.
Pour les fils de Tsongor également, ils se sont déchirés par vanité, pour finalement vivre exactement le même temps (j'ai trouvé cette marque d'ironie excellente !) et aussi évidemment pour Tsongor lui-même qui se retrouve à subir une douleur insoutenable tout en étant mort, tout en attendant d'être libéré et de pouvoir s'en aller.
Pour Souba, je n'arrive pas à me prononcer, sa quête lui a-t-elle été bénéfique ? Quand même oui puisqu'elle lui a empêché d'être à Massaba (la ville où se situe l'action) durant toute la durée de la guerre, il n'a pas été contaminé par toute cette folie survenue chez lui. Le fait d'être parti seul en exil aux quatre coins du royaume des Tsongor lui a sans doute évité la mort, mais sa finalité n'est-elle pas pire ou équivalente ? Que lui reste-t-il si ce n'est avoir libéré son père ?
Décidément beaucoup de questions se posent à la lecture de ce roman. Peut-être parce que les personnages sont lointains, ils viennent d'une autre époque, n'ont pas les mêmes traditions/coutumes, mais ce sont les sentiments des personnages qui ne nous sont pas réellement donnés excepté pour Souba - décidément les chapitres sur lui m'ont vraiment plu !
Je n'ai pas vraiment l'impression d'avoir rencontré les enfants Tsongor, ou les deux chefs de guerre et c'est dommage parce qu'ils sont présents dans une bonne partie de l'oeuvre.
Pour ce qui est de l'histoire en elle-même, comme je le disais plus tôt, la finalité est tragique et l'on se croirait en train de lire une pièce de Racine, on sait que ça finira mal, on le sait pertinemment et on persiste quand même, c'est fatal. Sinon, c'est une histoire barbare, l'humain ne compte plus, il est perdu dans les méandres de l'orgueil, de l'honneur et le gain.
Des années de destruction pour des poussières.
Ça, j'ai adoré, la façon presque sadique de l'auteur de nous raconter une histoire tout à fait hors norme dans le sens où tout pourrait bien se passer ou même se rattraper au fil des années, mais pourtant non. La bêtise et l'honneur - ce mot résonne tellement dans le texte qu'on croirait Don Rodrigue face au père de Chimène - sont tellement inattaquables que forcément rien de bon ne peut en sortir. Il aurait été bien que l'un des deux finissent par capituler, finisse par grandir, mais non, autant faire la guerre, parce qu'après tout, pourquoi ne la ferions-nous pas ?
À la fin de cette lecture, la seule réflexion qui vient est "quel gâchis", pas d'avoir lu ce livre non, absolument pas ! quel gâchis de voir à quel point on peut aller aussi loin pour peu de chose, à quel point il suffit d'un rien pour que tout bascule et qu'un empire s'effondre.
Peut-être était-ce la punition de Tsongor pour avoir fait la guerre durant tant d'années, pour avoir tué autant de monde pour être le roi d'un immense territoire. Katabolonga ne s'est pas lui-même vengé, mais peut-être que la vie l'a fait d'elle-même et que ce n'est qu'un juste retour de médaille ?
Vous l'aurez donc compris j'ai adoré ce livre, son histoire et la manière avec laquelle l'auteur a été cruel avec ses personnages en ne leur laissant aucun répit. Prêts à tout, ils se mènent à leur perte, parfois avec une ironie sinistre.
"Il
revoyait un monde disparu. Il arpentait des rues déjà englouties
par le passé. Il était comme un survivant stupide qui voit toute
une génération d’hommes mourir et reste seul, hébété, au
milieu d’un monde sans nom."
Laurent
Gaudé, La mort du roi Tsongor.
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