mercredi 1 novembre 2017

Le Coin des libraires - #74 Le Journal d'Helga de Helga Weissová

Le journal d'Helga est le dernier livre traitant de la guerre en ma possession, tous les autres ont déjà été lus. Après Sonderkommando qui a été un des livres les plus difficiles à lire pour moi, j'ai voulu me plonger dans le récit intimiste que nous livre Helga, récit aux accents enfantin puisque le livre commence lorsqu'elle a 8 ans et se termine à la Libération, Helga est alors une adolescente. 

Je trouve qu'aucun récit de ce genre ne se ressemble, l'expérience de chacun est différente même si bien sûr on retrouve souvent des similitudes (le travail forcé, le manque de nourriture, les épidémies, etc.), celui-ci est quand même bien différent de tous ceux que j'ai pu lire puisque l'essentiel se concentre sur les années passées au ghetto de Terezin et non pas en camp de concentration/extermination directement. 


Helga a 8 ans quand elle commence son journal. Nous sommes en 1938 et les nazis ont envahi Prague. Les écoles sont fermées, son père a perdu son travail, toute la famille est confinée dans l’appartement. Un à un, les proches disparaissent, les déportations commencent.
En 1941, Helga et ses parents sont envoyés à Terezin, ils y resteront trois ans. Et Helga raconte : les voyages interminables, les conditions inhumaines, la faim, les maladies, la souffrance. Mais aussi l’amitié, les petits moments de joie, l’espoir. Et puis l’horreur. Helga écrit toujours et dessine pour obéir à son père : « Dis-leur ce que tu vois. »

Seules Helga et sa mère survivront. À la fin de son journal elle a 15 ans. Elle fait partie de la petite centaine d’enfants rescapés sur plus de quinze mille déportés. 



C'est une vision très intéressante que nous livre Helga parce qu'elle est innocente et en même temps très consciente de la situation. Au début elle nous décrit son quotidien à Prague, le fait qu'elle doive quitter l'école puisque celle-ci lui est désormais interdite, le fait qu'elle doive aller suivre des cours dans un appartement en compagnie d'autres enfants, également juifs. On suit son quotidien qui change, la mise en place du couvre-feu, la disparition de ses camarades au fur et à mesure que les jours passent. 

Et puis, voilà qu'un jour c'est son tour, elle aussi doit s'en aller, elle doit tout quitter pour partir à Terezin, elle a alors 12 ans à ce moment là. C'est à cet âge qu'elle doit faire face à toutes les horreurs du ghetto, elle doit accepter la séparation de ses parents (les hommes ne sont pas mélangés aux femmes), le fait de devoir travailler pour aider sa mère. Il faut subvenir à ses propres besoins, tenter le tout pour le tout afin de survivre dans la mesure du possible. 

Survivre, mais pourquoi ? pour continuer à vivre dans une pièce misérable où les corps sont collés tellement l'espace est restreint ? pour être finalement déporté et ne jamais revenir comme ça a été le cas pour son père ? 
Je n'avais jamais entendu parler de ce camp/ghetto qu'est Terezin et pourtant il semblait être une machine relativement bien huilée avec sa propre monnaie, ses propres règles. 


Le Journal d'Helga, d'Helga Weissová, éditons Pocket.


À certains moments, j'ai pensé à Charlotte Delbo et à sa trilogie Auschwitz et après, déjà parce que c'est le nom qui a été donné au deuxième chapitre du journal d'Helga, mais aussi parce qu'elles ont toutes les deux quelque chose en commun : l'espoir, la solidarité entre les êtres. 
Lors de ma lecture de Delbo j'ai été frappée par la façon dont les femmes étaient soudées entre elles, contrairement à Primo Levi, Martin Gray ou même Vladek Spiegelman qui nous expliquent bien que les camps, c'est du chacun pour soi - même si on peut un peu contraster pour Levi. 
Or, ici, une fois encore on retrouve ce sentiment d'entraide, cette idée que de toute façon tout le monde se retrouve dans le même bateau alors autant s'en sortir ensemble, du moins essayer. 


Forcément il est trop simple de dire "lisez-le" et pourtant, il le faudrait. C'est tellement difficile de lire ce genre de livres qu'on en sort toujours changé, toujours un peu plus dégoûté de faire face à cette Histoire qui est injuste et surtout abjecte. 
Il est impossible de dire "celui-ci est meilleur que celui-ci" chaque témoignage apporte un point de vue différent, raconte une vie unique et en même temps c'est une vie qui a été celle de milliers de personnes. 
J'ai aimé la présence de dessins réalisés par Helga durant ses années passées à Terezin, j'ai trouvé que ça permettait de très bien illustrer son propos et ainsi de donner une véritable image de la réalité. C'est un livre qui est complet parce qu'il est juste, il a pour vocation d'être vrai et c'est tout ce qui importe. 

Avec Le journal d'Helga, je garde surtout en mémoire que sur environ 15 000 enfants envoyés à Terezin, une centaine seulement a survécu et c'est quelque chose qu'il ne faut pas oublier : la mort de tous ces gens au nom de la haine, de l'envie et sans doute aussi de la peur de l'autre, et pourtant, c'est à cause de toutes ces choses si aujourd'hui encore la vie de tant de personnes se trouvent être ruinées ou simplement supprimées. 
Et je m'interroge toujours : comment est-ce possible ? 









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