Mon adoration pour cet écrivain qu'était Stefan Zweig n'est plus à prouver, ce n'est donc pas étonnant si j'écris cet article sur le roman inachevé Clarissa et le recueil de nouvelles intitulé La peur
- Clarissa (1981, publication posthume)
Retrouvé dans des manuscrits après la mort de l'auteur, Clarissa est une véritable pépite, un roman qui réfléchit sur la position d'une femme par rapport à la société (Clarissa qui est une fille de militaire est élevée dans une optique de travail, d'émancipation, et non pas dans la vision archaïque de la femme qui doit se marier et dépendre d'un homme), mais c'est aussi un livre sur la vision de Zweig sur la Première Guerre mondiale.
« Le monde entre 1902 et le début de la Seconde Guerre mondiale, vu à travers les yeux d’une femme » : ainsi Stefan Zweig résumait-il le thème de ce roman, entrepris dans les derniers temps de sa vie et retrouvé dans ses archives.
Clarissa, fille d’un militaire autrichien, est née en 1894. À l’aube du premier conflit mondial, elle rencontre à Lucerne, en Suisse, un jeune socialiste français, Léonard, qui n’est pas sans évoquer Romain Rolland. La guerre les sépare, mais Clarissa attend un enfant.
Dans l’Europe déchirée, en proie à l’hystérie nationaliste, son acceptation de cette maternité va devenir, plus qu’une décision personnelle : un destin et un symbole.
Une œuvre testamentaire où le grand écrivain autrichien résume, de façon poignante, son idéal humaniste et son désespoir.
Clarissa, fille d’un militaire autrichien, est née en 1894. À l’aube du premier conflit mondial, elle rencontre à Lucerne, en Suisse, un jeune socialiste français, Léonard, qui n’est pas sans évoquer Romain Rolland. La guerre les sépare, mais Clarissa attend un enfant.
Dans l’Europe déchirée, en proie à l’hystérie nationaliste, son acceptation de cette maternité va devenir, plus qu’une décision personnelle : un destin et un symbole.
Une œuvre testamentaire où le grand écrivain autrichien résume, de façon poignante, son idéal humaniste et son désespoir.
Dès le début du livre, je suis entrée dedans - ce qui m'arrive vraiment toujours avec cet auteur ! -, la vie de Clarissa m'a énormément intéressée - pour ne pas dire passionnée. Étant un roman inachevé, l'histoire ne s'arrête pas du tout à l'aube de la Second Guerre mondiale, mais au début des années 1920.
Je pense que ce que j'ai préféré dans ce livre est la vision que porte l'auteur sur le premier tiers du XXème siècle. J'ai vraiment eu le sentiment que Zweig exprimait son point de vue à travers le professeur Silberstein - c'est une interprétation personnelle, pas une vérité générale, il est donc possible que je me trompe - et même si on ressent que ce personnage prend part durant la guerre avec le fait que son fils se retrouve au front, etc. on sent bien qu'après il la rejette et voit la guerre comme une bêtise - pourquoi un allemand et un français s'entretuent, ne sont-ils pas tous deux des hommes ?
J'ai aimé la façon dont la vie de Clarissa est liée à l'Histoire. Sa vie comme celle de beaucoup d'autres s'est trouvée être largement bouleversée et Zweig décrit parfaitement bien les déboires des êtres et leurs sentiments les plus profonds - cet homme est une perle littéraire, que dire d'autre ?
Cela fait quelques semaines que j'ai lu ce livre maintenant, et vraiment, il m'obsède. Comme je ne savais pas que c'était une oeuvre inachevée, j'ai été prise de cours lorsque que je suis arrivée à la dernière ligne parce que ça ne peut pas s'arrêter de cette façon, ce n'est tout simplement pas possible. J'y ai bien réfléchi et je pense que là où Zweig s'est arrêté est littéralement le pire moment, ça y est, elle a enfin des nouvelles de Leonard, après tout ce qu'il s'est passé elle a des nouvelles, et après ? Rien, rien, enfin si, mais c'est un secret que l'auteur a emmené avec lui, malheureusement.
Depuis, je ne fais que me poser des questions, Clarissa serait-elle morte au début de la Seconde Guerre mondiale ? A-t-elle été heureuse ? Est-elle restée auprès de son "mari" ? Je n'ai plus que des questions et c'est vraiment horrible, savoir qu'il n'existe aucune réponse possible parce que même en l'inventant, ce ne serait jamais la même que celle que l'auteur avait en tête.
Mais je ne regrette pas une seule seconde de l'avoir lu, j'ai pris un énorme plaisir et je le place aisément sur le même banc que Vingt-quatre heures de la vie d'une femme ou même Le Voyage dans le passé. Je le relirai certainement un jour, mais plus tard, quand je ne serais plus tourmentée par cette obsession de non finalité.
"Il
faut que je m’occupe. Mon agitation ne cesse que lorsque je suis
occupé. Alors, je n’ai plus peur. Car la peur de la solitude est
plus nocive que le poison. Mieux vaut travailler que de vivre cela.
Quand je sais que l’agitation me guette, je me mets à courir pour
qu’elle ne puisse m’attraper."
Stefan
Zweig, Clarissa.
- La peur (1925)
La peur est un recueil de six nouvelles - que j'ai personnellement trouvé plutôt inégales. Celle qui ouvre donne son nom au recueil, La peur. Dans cette nouvelle, il va être question d'une femme mariée (avec un train de vie relativement aisé grâce à son mari) qui a une liaison avec un homme. J'ai énormément aimé cette nouvelle, la façon dont Zweig décrit la peur qui s'immisce et vient étouffer cette femme, Irène Wagner, qui n'ose plus vivre, de peur de recroiser sa bête noire, de peur d'être découverte et de tout perdre. La façon dont l'auteur joue avec ses personnages est une fois encore remarquable, à la fin de la nouvelle, on se demande finalement qui a le plus trompé l'autre, ce petit jeu était-il réellement cruel ou bon enfant ?
Ensuite, on trouve la nouvelle Révélation inattendue d'un métier qui n'a pas particulièrement fait mouche avec moi. Je l'ai trouvé moins prenante. Bien sûr la patte de l'auteur est bien là, mais son style m'a bien moins ébloui que pour d'autres, tout simplement.
Je l'ai trouvé "en-dessous" comparé aux autres nouvelles qui forment ce recueil, comme Leporella qui m'a beaucoup touché ainsi que La femme et le paysage qui est particulièrement bien écrite dans ses descriptions. Ces deux-là m'ont enchanté et j'ai été heureuse de découvrir d'autres textes de cet auteur et surtout de les aimer.
"Quoi,
que m’était-il arrivé ? Il me semblait sortir des bras de la
mort. Etait-ce la fièvre qui m’avait troublé à ce point que je
m’étais perdu dans le regard fugitif d’une passante ? Mais
j’avais cru y lire cette même frénésie silencieuse, cette
langueur désespérée, cette soif avide et insensée, qui
m’apparaissait partout, dans le regard de la lune rouge, dans les
lèvres altérées de la terre, dans le cri tourmenté des bêtes, la
même qui s’agitait et brûlait en moi."
Stefan
Zweig, La peur, nouvelle : La femme et le paysage.
Mon périple dans la bibliographie de Stefan Zweig n'en est encore qu'à ses prémisses, et je suis ravie rien qu'à l'idée de savoir qu'il me reste encore beaucoup à découvrir. Il y a de ces auteurs pour lesquels il faut prendre son temps, ne pas se brusquer et attendre qu'ils se déversent lentement sur soi avant de poursuivre l'exploration de leurs oeuvres, cet auteur là en fait partie pour moi.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire