dimanche 30 janvier 2022

Pluie de NG Kim Chew

Un roman vraiment atypique, voilà comment je perçois Pluie plusieurs semaines après avoir terminé ma lecture. 

Grand gagnant du prix Emile Guimet, Pluie m’a beaucoup plu. 

La forêt vierge malaisienne n’est pas épargnée par la pluie, celle-ci s’abat, peu importe quand ni où, elle s’abat et détruit. 

Une famille de migrants chinois est venue s’installer au coeur de sa forêt. Il y a la mère, le père, le fils, Sin, et parfois un autre enfant. Le quotidien est en lui-même difficile, il tourne autour de la récolte du latex, récolte rendu possible uniquement les jours où la pluie ne sévit pas. 


En différents tableaux, NG Kim Chew nous entraîne dans la nature malaisienne, au coeur de cette terre où les éléments se déchaînent, où l’humain n’est qu’un grain, un infime détail. 

Mais la nature n’est pas le seul élément dont il faut prêter une attention accrue. Dans certains chapitres, la famille isolée au coeur de la forêt est la cause de ses propres maux (notamment le grand-père qui a la mention du personnage sacrément chelou).  


Il faut comprendre que Pluie n’est pas une continuité, ce n’est pas un roman au sens classique, il n’y a ni début, ni milieu, ni fin. Il y a en revanche une succession d’événements possibles en lien direct avec le déchaînement des éléments. La pluie diluvienne ensevelit tout, elle empêche de rentrer sain et sauf, elle empêche la récolte du latex. La mère, chargée de cette besogne, doit procéder à des incisions dans les hévéas. Ce latex, récolté sous forme liquide est appelé cytoplasme, il est notamment composé de caoutchouc - ouais j’ai appris comment se récolte le latex avec Pluie, et j’ai trouvé ça passionnant ! 

Le père, parti chassé, se retrouve porté disparu… il y a une dose de magie dans ce texte, en témoigne le symbole du tigre rôdeur. 


Pluie ne s’arrête pas seulement aux difficultés que représentent la cohabitation avec la nature. La famille, par soif de liberté, a fui la Chine pour se réfugier ici, au coeur de cette forêt, il y a donc différents degrés d’hostilité : les hommes et la nature. 


Le temps n’a aucune prise dans ce texte. L’auteur balaie différentes époques, différents stades de la vie de la famille. Parfois Sin est petit, d’autres il est un adolescent, parfois son père disparaît, d’autres la famille est au grand complet mais doit faire face aux oppresseurs, à l’armée japonaise qui entend bien occuper la Malaisie. 


En huit tableaux, MG Kim Chew traduit de l’hostilité autant que des bienfaits de la nature. La pluie qui s’abat sur la forêt n’est pas un don mais une malédiction. Chaque tableau est différent, demeure uniquement l’importance du déchaînement de la pluie rythmant chaque épisode.


MG Kim Chew porte un regard implacable sur la Malaisie, il intègre des problématiques historiques comme l’invasion du Japon (survenue dans les années 1940) à une langue poétique frisant le merveilleux. Le communiqué de presse mentionne le réalisme poétique à l’oeuvre dans le texte. Dans ma tête ce courant appartient à l’Amérique du Sud (genre Garcia Marquez) mais il est vrai qu’on peut le transposer ici, c’est un des versants de la réalité dépeinte. 

Enfin, la pluie représente un ennemi implacable c’est vrai, mais elle est aussi synonyme de renouveau : 


« Mais leurs rêves ne se sont pas évanouis, même après la mort des rêveurs. Les rêves se sont changés en graines que le vent a emportées et dispersées, ils ne se souviennent plus, bien sûr, qu’ils ont été des rêves, c’est comme les herbes folles, il n’y en a pas deux pareils. 

Après la pluie, çà et là sur la terre l’herbe repousse. »



Traduit par Pierre-Mong Lim. 

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