mercredi 26 janvier 2022

Mrs. March de Virginia Feito

Vous refusez de confier votre âme aux autres parce que vous êtes gênée, emplie de honte, alors elle s’est déformée en vous dans l’obscurité…

Il s’agit du genre de livre qui, quand tu l’ouvres pour la première fois, est difficile de refermer avant d’avoir lu la fin. 

Mrs. March est un personnage atypique, à la fois attachante et repoussante. Mon sentiment pour elle est profondément ambigu. 

Est-elle à moitié folle ? Est-ce qu’elle n’imagine pas tout ce qui lui arrive ? Ou au contraire est-ce qu’elle est la seule avec une once de jugeote ?



Mrs. March est l’épouse du grand Georges March, écrivain de talent. 

Ils se sont rencontrés sur les bancs de la fac, elle était élève, il était enseignant (attention jamais il n’a été son professeur, oulala), mais voilà son objectif à lui était de devenir un grand écrivain, son objectif à elle, bah on ne sait pas trop. 


Les deux vont se séduire puis se marier. Une dizaine d’années de différence les sépare mais ça ne compte pas, pas du tout même. Mrs. March va devenir la parfaite petite femme, elle va soutenir son mari dont les écrits ne sont pas plus que des gazouillements au début. Par la suite ça décolle et Mrs. March est toujours là, auprès de lui, à attendre la renommée. 


Voilà un petit paquet d’années que le couple est marié et a un enfant lorsque le grand monsieur March fait paraître son dernier roman. Un roman apparemment exceptionnel, c’est du moins ce que tout le monde dit.


Mrs. March n’en sait rien, ça fait un bon moment qu’elle ne lit plus les premiers jets de son mari, un petit moment qu’elle s’est désintéressée de ses histoires. Là où Mrs. March est douée, ce n’est pas pour tenir son intérieur (heureusement qu’elle a sa gouvernante Martha pour ça) ni même pour s’occuper de son fils délaissé et ma foi un peu chelou (pareil Martha est là pour ça), non ce pour quoi elle est douée, c’est pour se montrer. Elle sait mieux que personne organiser des soirées du feu de Dieu, des soirées qui feront baver tous les proches de Mrs. March - la plupart, Mrs. March ne peut pas les blairer alors elle fait tout pour leur en mettre plein la vue et leur clouer le bec ! 


La prochaine soirée qui s’annonce est bien évidemment celle pour fêter la sortie du dernier roman. Mrs. March s’active, comme à son habitude. Elle ne laisse rien au hasard et ne rompt pas ses habitudes. C’est pour cette raison si elle va à la boulangerie qu’elle adore, qu’elle y achète toujours pareil (un fameux pain aux olives notamment), mais voilà que la boulangère lui dit quelque chose que Mrs. March ne va pas accepter. 

La boulangère compare l’héroïne du nouveau roman, Johanna, à Mrs. March. 

Mais ça passe pas du tout, mais alors vraiment pas. Faut dire que Johanna est une pute, elle est apparemment assez moche en plus… Franchement comme comparaison il y a plus avantageux ! 


Cette comparaison va être une goutte rien de plus. 

Une goutte qui annonce le déluge. 


J’ai passé un moment extra avec Mrs. March, j’ai été entraînée dans la paranoïa (ou pas) de cette femme, j’ai vraiment adoré la suivre parce qu’il s’agit d’un personnage d’une telle complexité humaine, un personnage plus vrai que nature et en même temps un personnage tellement à l’ouest. 


C’est ce que j’ai préféré dans le roman, le personnage envahissant de Mrs. March qui nous entraîne toujours plus loin dans le délire, qui nous convainc, nous lecteurs, de sa bonne santé mentale. Nous sommes de son côté et en même temps on ne peut fermer les yeux sur des aspects détestables de son comportement (elle délaisse son fils, souffre d’un manque d’attention, mais aussi sûrement de confiance en elle malgré ce que l’on peut penser, elle est clepto, bref c’est pas toujours rose dans la tête de Mrs. March), mais voilà elle demeure Mrs. March et rien d’autre. Elle est la femme de Georges, elle n’est pas un individu à proprement parler, elle ne forme pas une unité à elle seule, elle est la « femme de », un point c’est tout. 


Une fois le livre terminé on se prend à comprendre qu’il ne pouvait en être autrement. Folle ou pas, Mrs. March ne pouvait se résoudre à une autre conclusion et le lecteur se prend à être à la fois empathique et insensible vis-à-vis de l’héroïne. 


C’est un très bon premier roman que nous donne à voir Virginia Feito, une histoire finalement assez banale, mais métamorphosée en un roman psychologique de haute volée. 

Une sacrée lecture qui me donne bien envie de découvrir l’adaptation cinématographique avec Elizabeth Moss dans le rôle de Mrs. March, ça promet ! 


Traduit par Élodie Leplat.


On s’évapore tellement au fil des ans, songea-t-elle.





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