dimanche 26 septembre 2021

Le Monde infernal de Branwell Brontë de Daphné du Maurier

Ce livre ne peut qu’attirer : écrit par la grande Daphné du Maurier et retraçant la vie tumultueuse et franchement triste du fils unique de la famille Brontë, Branwell. 

« Je ne sais qu’une chose, c’est qu’il est temps pour moi de devenir quelqu’un, alors que je ne suis rien. Que mon père n’a plus pour longtemps à vivre et que lorsqu’il mourra, ma vie, déjà en son crépuscule, sombrera dans la nuit. » 


L’écrivain du 20e siècle s’intéresse à cette famille d’écrivains du siècle passée. Si les trois soeurs Brontë ont survécu à la maladie jusqu’à l’âge adulte - Charlotte, Emily et Anne -  elles ne sont pas les seules qui vivaient de leur imagination. Elles sont en revanche les seules à avoir publié quoi que ce soit.


Le Monde infernal de Bramwell Brontë se concentre sur Branwell évidemment mais pas que, car la famille Brontë est unie, la fratrie ne se quittent pas et des groupes se forment entre les frères et soeurs. 


Avant d’aborder l’écriture, l’imagination et la place prépondérante du frère dans les oeuvres des soeurs, Daphné du Maurier s’arrête sur les drames qui ont constitué l’enfance du garçon. 

Traumatisé par la mort de sa mère alors qu’il n’a que quatre ans, c’est plus encore le décès de sa soeur ainée, Maria, qui le hantera toute sa vie. 


De constitution plutôt fragile, le père Brontë ne peut se résoudre à envoyer son unique fils suivre des études. Branwell, considéré comme l’enfant le plus doué de toute la fratrie, reste à la maison.

Avec ses soeurs ils inventent un monde bien à eux. Et en particulier avec Charlotte avec qui il a une affinité particulière, ils ont collaboré sur divers projets, notamment Angria


Après une enfance marquée par la perte mais aussi par la création, Branwell se demande ce qu’il pourrait bien faire de sa vie, lui le surdoué. Il est le ciment de la fratrie, le moteur de l’imaginaire. 

Branwell écrit et écrit, il noircit des pages à n’en plus finir mais rien n’y fait. Personne ne veut le lire, personne ne veut de ses poèmes.


Renfrogné et ressentant un manque cruel de confiance en soi, Branwell est brisé par le monde extérieur mais il doit faire quelque chose, il le faut. Il est l’espoir de la famille, le plus doué de tous, alors que faire ? 


Branwell sera portraitiste, voilà comment contrer sa mauvaise fortune, voilà comment accepter l’idée de ne pas être écrivain. Bien vite son envie disparaît et le jeune homme ne vivra jamais de ses maigres talents — le point positif a cette affaire et que les tableaux des soeurs Brontë ont été peints par Branwell. 


Rien ne marche pour lui, rien n’est à sa hauteur et lui-même n’est pas à la hauteur de grand chose. Il commence à boire et à consommer du laudanum (opium). 

Cette époque marque la déchéance de Branwell qui est n’est le frère adoré par ses soeurs chéries. 

Daphné du Maurier insiste sur cette abandon des soeurs, et notamment Charlotte avec qui il était pourtant très proche. Charlotte ne le supporte plus, elle raconte comment règne une atmosphère horrible dans la maison quand il est là. Branwell est brisé et rien ne peut le réparer. 


Son état empire lorsqu’on lui diagnostique trop tard une tuberculose - l’alcool a masqué les premiers signes. Il meurt à 31 ans avec rien d’autre derrière lui que des centaines de pages noircies et quelques tableaux, la plupart inachevés. 


Cette biographie de Daphné du Maurier est passionnante, elle nous entraîne au coeur de la vie de la famille, on en suit toutes les figures, de la jeune Emily, solitaire et timide, auteure du magistral Les Hauts de Hurlevent, de Charlotte, la seule a connaître la notoriété de son vivant grâce à son Jane Eyre, et Anne, la jeune Anne, auteure de La Locataire de Wildfell Park


On assiste à leur évolution et à leur éclosion. On comprend à quel point Branwell et leurs histoires d’enfant ont eu un impact considérable sur la création des soeurs. Un impact tel que pendant un moment, on a cru que Branwell était co-auteur de certains poèmes d’Emily par exemple, et sans doute qu’aujourd'hui encore on a du mal à définir qui a écrit quoi. 


À sa mort, Emily l’a qualifié de « hopeless », une façon de souligner qu’il n’a jamais rien fait de sa vie contrairement à ce qu’on pensait, quel gâchis tout de même ! Autant de génie et aussi peu de chance. Il y a un fort sentiment de régression chez lui, comme s’il était au meilleur de sa forme dans son enfance et que plus il grandissait, plus il devenait mauvais.


Branwell n’a pas accompli beaucoup au regard de ses soeurs, mais peut-être qu’elles-mêmes n’auraient pas accompli grand chose si elles n’avaient pas eu Branwell comme frère pour les guider dans un monde fantasmé et gigantesque. Le garçon ne manquait pas d’imagination c’est un fait, peut-être manquait-il d’une dose de confiance en soi… 


En citant de nombreuses lettres et autres écrits de Branwell ou de ses soeurs, Daphné du Maurier reconstruit le mythe de la famille Brontë pour notre plus grand bonheur. 

« C’est humiliant, cela, de ne pas savoir maîtriser ses propres pensées, être esclave à un regret, un souvenir, esclave à une idée dominante et fixe qui tyrannise son esprit. » 


Le Monde infernal de Branwell Brontë de Daphné du Maurier, traduit par Jane Fillion. 









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