mercredi 11 mars 2020

Le Coin des libraires - Noces de neige de Gaëlle Josse

Le dernier qu'il me restait à lire de Gaëlle Josse, le dernier et celui qui m'a le moins touché avec Nos vies désaccordées.


Gaëlle Josse aime l'utilisation de différents point de vue, on le retrouve par exemple dans L'ombre de nos nuits. S'il est généralement utilisé dans un but de plurivocité, dans le sens où on a le point de vue d'une même situation par le biais de personnages différents, il n'en est rien dans Noces de neige
En effet, nous suivons deux personnages, deux femmes extrêmement différentes dans leur façon d'être, en partie parce qu'elles n'appartiennent pas à la même époque. 
Le point de départ du roman : le Riviera Express, ligne de train qui fait la liaison entre Nice et Moscou - le temps de trajet dure un peu plus de deux jours. 




C'est encore un roman très court, condensé que nous livre Gaëlle Josse avec Noces de neige
Ce qui m'a le plus frappé, c'est sans aucun doute le clivage entre les deux femmes, l'une espère partir pour trouver l'amour, l'autre espère rentrer dans l'espoir de retrouver celui qui l'aime, mais qui, à priori, ne partage pas ses sentiments. 

Ce voyage entre la Russie et la France va se révéler étonnant, parfois même effrayant. Ces femmes vont se découvrir de envies, des rancoeurs. 
Quoi qu'il en soit leur parcours est à l'opposé, l'une est une aristocrate du XIXe, l'autre est pauvre et aspire à une vie meilleure dans un autre pays. Mais voilà que rien ne va se passer comme elles le pensaient. 

La chose qui m'a vraiment plue dans ce livre, si on excepte la plume de l'auteure, toujours pleine de sensibilité, c'est cette confrontation entre les époques, les tempéraments parce que dans cette confrontation, on retrouve des thèmes communs. 
Anna a du mal à exister dans cette famille - l'on comprend d'ailleurs pourquoi au bout d'un certain temps - elle se sent à part, dénigrée par sa mère, rejetée par son sang. S'y ajoute son complexe d'infériorité qui sera exacerbée lorsqu'elle comprendra que Mathilde, sa femme de chambre, possède le coeur de son cher Dimitri. 
Il aura fallu cinq jours à Anna pour haïr Mathilde au point de causer des dégâts irréparables. Des dégâts qui changeront sa vie. C'est le coeur en lambeau qu'Anna retrouvera sa ville natale. L'esprit et le coeur gros. 

Irina est, comme je le disais plus haut, l'opposé d'Anna. Elle est une belle femme, mais malheureusement, elle est pauvre. Elle décide de prendre la vie à bras le corps pour aller rejoindre Enzo, avec qui elle communique depuis plusieurs mois. 
Il en sera de même pour Irina : le Riviera Express va radicalement changer ses plans, sa vie. C'est en espérant trouver l'amour qu'elle part, et elle ne sait pas à quel point elle a raison.

La confrontation entre les images figées de sa mémoire, les souvenirs, les sons, les gestes, les mots qui s’y rapportaient, et cette démonstration brutale de la vie qui avance et n’attend personne lui fut pénible. 

J'ai aimé suivre le destin de ces deux femmes. J'ai tantôt préféré l'une, tantôt l'autre. Anna ne m'a pas touchée au début, et puis on a accès au rejet auquel elle doit faire face de la part de sa famille, elle doit vivre avec le sentiment de ne rien avoir pour elle. La richesse n'est pas suffisant, c'est l'amour qu'Anna désire. Son personnage est déchirant parce que touchant autant que choquant. On compatit et en même temps on condamne. 
Irena, elle, m'a plu du début à la fin. J'ai aimé rencontrer cette femme timide, stressée, non habituée au confort et à l'affection. J'ai aimé sa rencontre tout en délicatesse avec Sergeï.

Sergueï vient de lui donner des fragments de cette douceur oubliée, qui en quelques instants ont traversé toutes les strates de la mémoire compliquée du corps, de ses imprévisibles et incontrôlables méandres, et rompu le barrage des souvenirs acides. 

Le dernier chapitre m'a laissé pantoise, je ne m'attendais pas à cela. Entendre la parole d'Enzo, enfin, de la personne qui se cache derrière ce nom. C'est l'explication sur la création d'un personnage. Sur les dangers que représentent Internet aussi. 
Et puis finalement, on trouve le lien. On découvre ce qui rapproche ces deux femmes malgré le fait qu'il y ait plus de 130 ans d'écart entre les deux.
J'ai aimé le lien sans que ça apporte quoi que ce soit en plus à l'histoire, simplement cette originalité m'a interpellée et j'ai aimé conclure sur ce chapitre. 


Noces de neige est un bon roman. Trop court pour qu'on puisse réellement apprendre à connaître les personnages selon moi, mais néanmoins intéressant. 
Porté par une plume toujours plus sensible et délicate, Gaëlle Josse nous dévoile son talent pour captiver son lecteur dès les premières pages. 
Ce n'est pas mon préféré, loin de là, mais j'ai pris énormément de plaisir à lire cette histoire qui, d'après l'auteure elle-même, est celui pour lequel elle a mis le plus de temps à écrire.





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