Deuxième tome de la saga Kenzie/Gennaro, Ténèbres, prenez-moi la main est plus qu'à la hauteur de son prédécesseur, Un dernier verre avant la guerre (vous pouvez retrouver mon avis dessus ici).
J'ai décidé de lire un roman policier par mois, c'est en quelque sorte un challenge que je me suis personnellement fixé (ainsi qu'un classique !), du coup je compte lire le tome III, Sacré le mois prochain et ainsi de suite. Ce challenge personnel me permet tout d'abord d'étaler ma lecture de cette saga sur un temps plus long que si je les lisais tous à la suite, mais aussi, ça me permet de lire d'autres livres qui eux, ne sont pas des romans policier. J'aime quand c'est diversifié oui, haha.
Résumé des éditions Payot & Rivages
Une nuit, la psychiatre Diandra Warren reçoit un appel anonyme et menaçant qu’elle croit lié à l’une de ses patientes. Quand arrive au courrier une photo de son fils Jason sans aucune mention d’expéditeur, elle prend peur et demande de l’aide à Patrick Kenzie et Angela Gennaro. C’est pour les deux détectives le début d’une affaire bouleversante qui va les confronter à l’inacceptable, jusqu’à l’imprévisible dénouement. La peur, la compassion, la répulsion, l’amour, toutes ces émotions sont remarquablement mises en scène par Dennis Lehane dans un livre qu’on ne lâche pas avant la dernière page et dont les échos résonnent bien après qu’on l’a refermé.
Cette fois et contrairement au précédent, Patrick et Angie se retrouvent en première ligne, ils sont dans le viseur d'un serial killer qui sévit depuis plus de 20 ans à Boston, et plus précisément dans le quartier de nos protagonistes. Bon voilà, ce n'est pas nouveau j'adore les histoires sanglantes, macabres, morbides, tout ce que vous voulez, du coup, je dois bien avouer qu'avec cette histoire, bah j'en ai eu pour mon argent haha !
Déjà dans Un dernier verre avant la guerre, je parlais du fait que nous ne sommes jamais à l'abri, que dès le début du livre on se sent comme épié, avec un sentiment d'être nu face aux autres, ou plutôt que les autres - l'ennemi en l'occurrence - a une longueur d'avance sur nous. C'est un sentiment vraiment très désagréable et en même temps très addictif parce qu'en sachant que nous ne sommes pas ceux qui en savent le plus, forcément, on cherche à en apprendre davantage.
Comme nos protagonistes sont en première ligne, on se retrouve à leur côté. J'avais trouvé le tome précédent très sombre avec cette histoire de viol d'enfants, de racisme à en vomir. Cette fois, c'est tout à fait différent et pourtant dans son genre, c'est tout aussi odieux. Cette histoire, c'est celle de la folie, c'est le paroxysme de la violence, de la torture, c'est l'apothéose du morbide.
L'histoire est complexe en grande partie parce que le criminel recherché tue des gens depuis plus de 20 ans, depuis la première moitié des années 1970, ce qui remonte à l'enfance de Patrick et de sa bande (Angie, Phil, Bubba ou encore le mafieux Kevin) à peu près âgés de dix ans.
L'entrée dans le vif du sujet est relativement longue, on est vraiment dans l'histoire qu'à partir du moment où son amie d'enfance Kara est retrouvée crucifiée, ouais c'est quand même pas commun faut bien le dire. C'est le premier meurtre vraiment abject parmi une dizaine tous plus horrible les uns des autres. À la suite de ce passage où on retrouve son corps, j'ai trouvé que l'histoire débutait vraiment quand Kenzie va parler avec l'ancien flic, Gerry Glynn, devenu patron de bar.
L'histoire est folle, très clairement il est difficile de lâcher le livre parce qu'on veut savoir, parce que la curiosité prend le pas sur l'horreur et que l'on désire connaître le fin mot de l'histoire, le pourquoi Hardiman qui est en prison depuis des années pour avoir tué son "ami" veut parler à Patrick en sachant que ce dernier ne le connaît même pas ? pourquoi le tueur qui tire toutes les ficelles, celui qui se cache dans l'ombre a décidé de cibler Patrick et donc ses proches par la même occasion ? surtout, lequel des proches de notre protagoniste va mourir ? Parce que oui, le tueur qui a une longueur d'avance sur lui - et donc sur nous - le prévient, il ne pourra pas protéger tout le monde.
Après avoir écrit ces mots, l'auteur était obligé de faire mourir quelqu'un, il ne pouvait pas jeter ces mots au hasard simplement pour faire peur, il fallait transformer cette menace en exécution pour que justement, on ne comprenne que personne n'est à l'abri, pas même nos deux héros fétiches.
Après avoir écrit ces mots, l'auteur était obligé de faire mourir quelqu'un, il ne pouvait pas jeter ces mots au hasard simplement pour faire peur, il fallait transformer cette menace en exécution pour que justement, on ne comprenne que personne n'est à l'abri, pas même nos deux héros fétiches.
En parlant de héros, Patrick et Angie forment un duo absolument parfait, leur relation ambiguë mi-amitié, mi-amour est mise à rude épreuve dans ce tome et on en vient à se dire que quelque chose va se briser entre eux, mais non, leur relation est si forte qu'elle provoque un fort effet de contraste avec l'enquête, avec la haine que l'on ressent vis-à-vis des tueurs. Ce tandem nous prouve à eux deux que quoiqu'il se passe, eux s'aimeront toujours, eux seront toujours là l'un pour l'autre, même si dans le fond, ça signifie devenir une autre personne que celle qu'ils sont. Ils sont des héros qui se battent mais qui n'en sont pas moins ravagés par la peur, par la vengeance qui amène comme une auréole de noirceur au-dessus d'eux. Si l'un de deux morts, en l'occurrence Angie est bien plus en danger que Patrick dans ce tome, la seule solution, c'est de tuer le coupable, le faire souffrir autant qu'eux ont souffert.
C'est une situation qui n'est pas sans rappeler celle de Marion Socia, grand méchant du tome précédent que Patrick a liquidé. Sur le moment le détective savait que c'était la meilleure solution, celle qu'il fallait prendre, mais ça n'empêche qu'il reste hanté par cet homme qu'il a abattu et c'est en ça que Lehane est très fort parce que même si ses protagonistes sont prêts à tout pour se sauver l'un l'autre, même à donner leur âme au diable, il n'empêche qu'ils sont par la suite, rempli de honte, de remords et la fatigue, l'usure prend le pas sur le reste. On le remarque par exemple lors de cette discussion entre Angie et Patrick où celle-ci parle d'un homme qu'elle a tué par le passé et que depuis, elle ne vit plus de la même façon, elle ressent une sorte d'abattement qui ne s'en ira probablement jamais.
Pour ce qui est du personnage du serial killer, dont je ne révélerai pas le nom - au cas où - je dirais que j'ai trouvé son personnage absolument fou. Sa psychologie est tellement bien écrite, il paraît tellement normal que l'on se demande comment il a pu faire ça, comment il peut faire ça. Il n'y a qu'à voir la lettre qu'il adresse à Patrick où il explique son premier meurtre et ce qui en a découlé, cette lettre est si humaine qu'elle donne froid dans le dos. L'idée qu'un homme devienne un tueur parce qu'après avoir tué quelqu'un il se rend compte qu'il continue à vivre, qu'il s'en sort et peut donc recommencer pour en gros se sentir plus vivant, j'ai trouvé ça vraiment tordu, mais d'un autre côté, très compréhensible dans la démarche - je ne suis pas sûre que l'on comprendra très bien ce que je veux dire là haha.
Par contre, je dois avouer que je n'ai pas vraiment adhéré au fait qu'il n'utilise pas toujours le même mode opératoire pour tuer ses victimes. Enfin même s'ils sont toujours deux, LE cerveau de l'opération n'en reste pas moins le véritable serial killer et pour moi, il va de soi que le mode opératoire doit toujours être le même, mais bon.
Contre toute attente, j'ai beaucoup aimé le personnage de Phil, dont on entend parler dès le tome I puisqu'il a été marié à Angie durant 12 ans. Je détestais son personnage dans Un dernier verre avant la guerre. Déjà parce que j'ai en horreur ces connards qui frappent leur femme c'est une chose et aussi parce que le peu où il apparaît vraiment, c'est-à-dire à la fin du tome, c'est pour mieux passer pour une raclure.
Néanmoins, Lehane a décidé de lui donner une deuxième chance avant le lever de rideau, il a voulu faire du personnage de Phil l'homme qui était le meilleur ami d'enfance de Patrick, cet homme que nous n'avons pas connu, mais qui semblait être un chic type. Je dois avouer que j'ai été un peu triste pour lui, qu'il n'y avait peut-être aucune autre alternative pour son personnage mais qu'il n'empêche que je commençais à m'attacher à son personnage qui a compris de ses erreurs et qui au lieu d'essayer de les effacer, essaie de vivre avec et d'accepter ses fautes.
Forcément, le personnage de Bubba m'a encore beaucoup amusé. Il est un peu plus présent dans ce tome et qu'est-ce qu'il me fait rire avec ses répliques assassines, c'est vraiment un plaisir d'avoir découvert un personnage si atypique, j'espère qu'il sera plus présent encore dans la suite.
Et enfin, le nouveau personnage de ce livre, c'est quand même Grace, la nouvelle amie de Patrick. Alors, je dois dire que j'ai aimé son personnage, j'ai trouvé qu'elle apportait une certaine fraîcheur, une certaine nouveauté aussi, mais déjà étant pro Patrick/Angie, j'avais pas forcément envie qu'ils terminent ensemble, mais surtout, elle devient tellement casse pied au bout d'un moment qu'on aimerait qu'elle disparaisse loin, très loin, ce qui finit par se passer.
Je dois avouer que ce genre de personnages qui fait des reproches à tout-va, ça me saoule au bout de cinq minutes. Je trouve ça débile le fait qu'elle sorte à Patrick "tout ça c'est ta faute, à cause de ton métier, tu recherches la violence, bla bla, bla" Au secours ! Elle savait où elle mettait les pieds, c'est bon, c'est une grande fille, elle était au courant de son métier, au bout d'un moment faut arrêter de faire la fragile et de rejeter la faute sur les autres. Si elle avait peur des conséquences, elle n'aurait pas dû commencer une relation avec lui, un point c'est tout !
Enfin voilà, comme vous vous en doutez, j'ai adoré cette lecture, Dennis Lehane fait partie (pour moi) de ces maîtres du genre, il parvient si bien à allier l'horreur des situations, le suspense de l'enquête à des personnages principaux si bien dessinés, si profonds que l'on ne peut qu'y croire et donc entrer dedans, c'est fatal. On retrouve cette écriture cynique, désenchantée de l'auteur avec toujours un côté dénonciateur. Cette fois-ci ce n'est pas pour parler du racisme, mais du contrôle exercé par les policiers (l'enquête de 74 qui a été conclue avec l'arrestation de Hardiman quand tout montrait qu'il était peu probable qu'il soit le coupable) ou encore par de petits groupuscules qui pensent faire la loi (le groupe dans lequel le père de Patrick a fait partie) et je ne parle même pas de la mafia irlandaise qui est quand même bien présente dans cette histoire.
Plus que tout, ce tome nous confirme quelque chose que l'on savait déjà : personne n'est à l'abri, tout le monde peu tomber, et mourir.
"Quelquefois,
tu te demandes si tu ne préférerais pas encore une confrontation
directe, pour au moins faire quelque chose au lieu d’avoir
l’impression d’étouffer à l’intérieur de ton propre corps."
Dennis
Lehane, Ténèbres, prenez-moi la main.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire