vendredi 6 décembre 2019

Le Coin des libraires - #147 Une femme en contre-jour de Gaëlle Josse

L’histoire démarre en 2007, avec John Maloof. En réalité, l’histoire démarre bien avant, même avant la naissance de Vivian en 1926. 
L’histoire c’est celle de la famille de Vivian Maier, l’histoire d’une tension entre les États-Unis, terre promise et la France, terre des racines. 

Je l’ai lu il y a un petit moment, mais comme souvent je suis en retard dans mes publications (vous aussi ça vous arrive ??) et du coup j’ai passé plusieurs semaines à réfléchir à mon avis sur cette lecture, à réfléchir à ce que je peux en dire, en ressortir, en ressentir. 






Lors de sa sortie l’éclectisme était de rigueur, chacun y allait de son propre avis, tantôt enthousiaste, tantôt détracteur.
J’en ai retenu qu’avec son livre, « on apprend rien de plus » que dans le documentaire réalisé par Arte. Mais n’ayant pas vu le documentaire, ne connaissant pas Vivian Maier, j’ai tourné les dernières pages en ayant un sentiment de mystère jamais révolu, en pensant que Gaëlle Josse a tout résumé. 

Peut-être que ça fait un peu « catalogue » dans le genre je vous balance tous les éléments biographiques glanés ici et là, mais pour moi ça fait aussi intimiste. Vivien Maier m’apparaît comme un être fantomatique, petit fantôme voguant sur la terre avec son appareil, prête à capturer les clichés de la vie. 

Vivien Maier est inscrite dans chaque page, et à la fois elle est évanescente, insaisissable. Elle reste cette artiste un peu trop mystérieuse. Cette artiste dont il est impossible de justifier le pourquoi du comment, pourquoi était-elle aimée en tant que nourrice dans certaines familles et détestée dans d’autres ? Mais question plus importante encore : pourquoi n’a-t-elle pas développé ses photos ? 
Manque de confiance en soi ? Idée de la gloire comme d’un élément impossible à atteindre ? 


Vivian invente sa vie, une vie vierge de toutes les scories familiales, de tous les conflits, les déchirements, de tous les manques. Une pellicule vierge où va s’imprimer ce qu’elle est, ce qu’elle voit, ce qu’elle saisit, ce qui l’émeut, la surprend, la bouleverse. 

C’est le portrait d’une femme forte et solitaire que nous dépeint Gaëlle Josse, l’image d’une femme inconnue mais géniale. On ne sait sur quel pied danser : femme odieuse ou adorable ? Laquelle était la bonne ? Est-il possible d’être tout à la fois ? L’attachement pour la personne n’était pas au rendez-vous, mais la fascination pour cette photographe mise au ban de la société était bien là. 
Munie comme toujours d’une écriture délicate, l’auteure tente de percer un mystère indéchiffrable. On entre à l’intérieur d’une vie secrète grâce à la minutie et la concision, deux éléments fondamentaux de l’écriture de Gaëlle Josse. 

Les visages. Je suis, comme Vivian Maier, fascinée, obsédée par les visages. Par ce qui s’y lit, ce qui s’y dérobe. Approcher un parcours de vie, un chemin, une histoire. Approcher le grain de peau, le battement du coeur, du sang, le souffle, la sincérité d’une expression, le surgissement d’une émotion, suivre le tracé d’une ride, d’un frémissement des lèvres, d’un battement de paupières. Saisir les conflits intérieurs qui s’y jouent, les passions qui y brûlent, les douleurs qui affleurent, entendre les mots qui ne seront pas dits. Accompagner quelques êtres qui courent vers leur destin et nous interrogent sur le nôtre.

Alors finalement peut-être ne suis-je pas assez objective quant aux écrits de Gaëlle Josse. Ils sont pour moi si précieux que j’ai souvent du mal à prendre du recul. Une femme en contre-jour n’est clairement pas parfait, il n’arrive pas à la cheville de L’ombre de nos nuits, Les heures silencieuses ou plus récemment Une longue impatience, mais il m’a touché, il m’a captivé et c’est bien ce qui compte le plus. 


« Vivian Maier. Une silhouette anonyme, une invisible dans la rumeur d’océan de la ville. Un visage parmi d’autres. Elle marche. S’arrête. Cadrage. Intuitif, parfait. Déclenchement. »






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