mercredi 25 décembre 2019

Le Coin des libraires - #152 Ritournelle de la faim de J.M.G. Le Clézio

Après Patrick Modiano, J.M.G. Le Clézio a choisi l’Occupation comme matière pour l’un de ses récits : Ritournelle de la faim, paru en 2008, année où il a reçu le prix Nobel. 
N’ayant jamais lu Modiano, je serais bien en peine de vous faire une petite comparaison des deux. Je vais donc en rester à ma seule lecture de Le Clézio à ce jour.

J’ai choisi Ritournelle de la faim pour découvrir cet auteur à cause de son sujet. À peu près tout le monde ici connaît ma fascination pour les récits sur la Seconde Guerre mondiale, et quand j’ai appris que ce récit se passait pendant l’Occupation, je n’ai pas réfléchi à deux fois. Aussi le roman est assez court (à peine plus de 200 pages) et quand on a peu de temps à consacrer à la lecture, c’est toujours un plus !




Nous sommes en 1931, la jeune Ethel, âgée d'une dizaine d’années accompagne son grand-oncle Monsieur Soliman à l’exposition coloniale où ce dernier achète le pavillon des Indes françaises. Son but : mettre ce pavillon dans le jardin de sa maison parisienne et en faire la maison mauve. 
L’enfance d’Ethel est douce, gaie, entourée de ses parents exilés de l’île Maurice. Ses parents, bourgeois, sont très entourés si bien qu’il y a très fréquemment des débats entre les invités, l’occasion pour Ethel de découvrir le bruit de la vie. Ça grouille, ça s’exalte, ça débat. 

Et puis il y a Xénia, l’intouchable, la dure, la parfaite. Fascinée par sa réputation d’exilée russe, Ethel devient amie avec cette petite sauvage jalouse. 

Cette faim est en moi. Je ne peux pas l’oublier. Elle met une lumière aiguë qui m’empêche d’oublier mon enfance. Sans elle, sans doute n’aurais-je pas gardé mémoire de ce temps, de ces années si longues, à manquer de tout. Être heureux, c’est n’avoir pas à se souvenir. Ai-je été malheureux ? Je ne sais pas. Simplement je me souviens un jour de m’être réveillé, de connaître enfin l’émerveillement des sensations rassasiées.

Tout semble aller pour le mieux. Jusqu’à ce que tout bascule. Les coups durs s’enchaînent, Ethel doit grandir, elle prend conscience de ce qui l’entoure de manière plus accrue encore. Elle se libère de l’enfance, tout simplement. 
Cette libération s’effectue dans la douleur, comme une plaie qui demeure béante et s’infecte. Les illusions disparaissent et il ne reste rien. 

Hormis la guerre. 
Et la faim. 

L’Occupation arrive. Les débats au salon se font de plus en plus virulents, certains voient l’Allemagne d’un bon oeil, d’autres, non. S’ils étaient auparavant enrichissants, ils deviennent insupportables. Puis s’arrêtent. 
L’heure n’est plus à la discussion. La débâcle est enclenchée et nôtre jeune Ethel, maîtresse de son destin décide de prendre les choses en main. 

Ethel riait. C’était la première fois depuis si longtemps que ça devait lui mettre des larmes dans les yeux, mais c’était bon. Ainsi leurs coeurs se réveillaient, sortaient de l’hivernage. Ils retrouvaient chaque seconde de mémoire, même si ce n’était pas l’innocence. Ils se souvenaient d’avoir été heureux.

Ritournelle de la faim s’attache à éclairer différents pans de l’Histoire, l’Occupation d’abord, mais aussi celle de la place des femmes dans la société (en tant que mariée par exemple), de l’exil volontaire. L’amour familial y a une grande place également, car s’il est presque toujours bénéfique, il peut être tout autant destructeur. 

Il était au départ difficile de s’intéresser à Ethel tellement tout prospère dans sa vie, et pourtant Le Clézio parvient à nous capter suffisamment pour que l’on se prenne au jeu. Et alors les drames se succèdent et progressivement, Ethel devient un personnage fort, attachant. 







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