Cet ouvrage m'a procuré tout un tas de sentiments forts, du dégoût principalement, mais aussi de la gêne parfois. Il est aussi le premier livre pour lequel j'ai cru ne pas pouvoir respecter la règle de la masse critique - c'est-à-dire en trente jours : lecture + critique publiée.
Ce livre m'a procuré une grosse panne de lecture - j'en ai toujours une à cette époque de l'année. Je termine mes cours, les vacances approchent et du coup je m'enfile tout un tas d'ouvrages à la vitesse de l'éclair et puis, au bout d'un mois, j'ai un moment à vide où il m'est difficile de lire quoi que ce soit.
Lorsque j'ai commencé ma lecture ça allait encore, mais une fois l'introduction passée, une fois entrée dans le vif du sujet, je dois admettre que ça a été chaotique.
2,2 millions. C’est le nombre minimum de Juifs exterminés en territoire soviétique occupé par les nazis – la majorité par balles – lors de la Shoah entre 1941 et 1944. Des milliers d’exécutions se déroulèrent de la Galicie orientale en Ukraine jusqu’aux rives de la mer Baltique, les forêts moscovites et les confins du Caucase. Femmes, hommes et enfants juifs furent fusillés, parfois au plein milieu des villes et villages mais aussi des villageois. L’auteur Andrej Umansky, s’est rendu à nombreuses reprises auprès des sites d’extermination dans le cadre des recherches de l’Association Yahad – In Unum.
L’ouvrage révèle la présence d’un public oublié, les Allemands venus eux aussi regarder les exécutions des Juifs pendant la guerre : un employé civil, un soldat curieux ou même l´enfant d’un bourreau. Ils racontèrent plus tard ce qu’ils avaient vu dans des journaux intimes, des lettres ou des dépositions judiciaires.En livrant ces documents exceptionnels, Andrej Umansky met au jour la présence d’Allemands venus assister, pour un jour parfois, au crime commis contre les Juifs pendant la Shoah à l’Est. Ce texte nous fait pénétrer dans la curiosité des Allemands ordinaires que suscitait l’assassinat des Juifs.
L’ouvrage révèle la présence d’un public oublié, les Allemands venus eux aussi regarder les exécutions des Juifs pendant la guerre : un employé civil, un soldat curieux ou même l´enfant d’un bourreau. Ils racontèrent plus tard ce qu’ils avaient vu dans des journaux intimes, des lettres ou des dépositions judiciaires.En livrant ces documents exceptionnels, Andrej Umansky met au jour la présence d’Allemands venus assister, pour un jour parfois, au crime commis contre les Juifs pendant la Shoah à l’Est. Ce texte nous fait pénétrer dans la curiosité des Allemands ordinaires que suscitait l’assassinat des Juifs.
Forcément, mon premier conseil si je puis dire, c'est "âme sensible s'abstenir".
Si je commence maintenant à être familière avec les témoignages de camps, je dois dire que j'étais assez intriguée par cette partie du titre : "la Shoah à l'Est". Ma connaissance de la Seconde Guerre mondiale reste partielle sur bien des aspects, à titre d'exemple, je m'y connais bien mieux sur les camps en Pologne, sur la situation en France, que sur la guerre du Pacifique entre le Japon et les États-Unis. De même, je ne suis pas experte quand il s'agit des événements qui se sont passées sur le front de l'Est, sur l'alliance puis l'affrontement entre l'Allemagne et la Russie.
L'ouvrage est découpé en trois parties (sans compter l'introduction extrêmement bien écrite, dans le sens où elle explique bien la démarche de l'auteur, et sa volonté de montrer, d'éclairer ce moment de l'histoire par le biais de témoignages (sous forme d'interrogatoires, de journaux intimes ou encore de lettres envoyées aux proches)), chacune étant titrée : les bourreaux, les petites mains, les spectateurs.
Chacun possède forcément une place plus ou moins importante dans les exécutions.
J'ai mis du temps à le lire parce qu'il est vraiment très dur, on est bel et bien aux premières loges et même si d'un point de vue pédagogique j'ai adoré ma lecture, il m'était impossible de lire plus de deux "témoignages" d'affilés. La partie sur les bourreaux est abominable, mais ce qui m'a le plus choqué, c'est évidemment de voir comment, finalement, pas mal de tortionnaires s'en sont sortis sans être vraiment inquiétés. Il y a eu des enfermements à perpétuité qui duraient une décennies, et au final, le coupable termine sa vie tranquillement en liberté bien qu'il ait tué des dizaines, des centaines de personnes - parfois même des milliers de personnes.
Les témoignages sont durs, on trouve des interrogatoires menés dans les années 60 ou encore des journaux intimes et autres lettres personnelles. L'auteur est parvenu à compiler des récits parfaitement différents quand on regarde le ressenti de certains, mais également des témoignages qui se recoupent et accusent parfois la même personne.
À titre d'exemple : Paul Blobel, dépeint comme un des pires êtres humains qui soit, responsable de milliers d'exécutions, jugé lors des procès de Nuremberg et exécuté en 1951.
On observe plusieurs témoignages dans lesquels Blobel est présent, comme celui de Wilhelm Findeisen, chauffeur d'un camion à gaz et donc complice de l'extermination d'au moins 10 000 Juifs.
D'ailleurs, ce chapitre concernant Findeisen nous éclaire sur les jugements rendus concernant certains complices nazis. Considéré comme "simple exécutant" il n'a été condamné qu'à un peu plus de 3 ans de prison. Je dis "qu'à" parce que c'est inconcevable pour moi de voir que des complices, littéralement, des personnes au courant de l'extermination et participant à cette dite extermination soient condamnés à une peine aussi courte.
Alors oui, il n'a été que le chauffeur, mais s'il n'y avait pas de chauffeur pour ce camion à gaz, il aurait été impossible d'éliminer des Juifs avec.
Ce que je veux dire, c'est que pour moi la justice n'est pas là. Pour moi une peine de trois ans pour un crime si grave, ce n'est pas acceptable. Et j'ai clairement été choquée de voir à quel point certains s'en sont sortis à si bon compte.
J'ai donc été choquée, dégoûtée, mal à l'aise aussi souvent. La plupart des témoignages n'ont aucune humanité, les exécutions parfois quotidiennes apparaissent dérisoires face au manque des proches par exemple. On parle des exécutions comme d'un simple travail, comme s'il s'agissait de passer un petit coup de balai et voilà. Bon oui ça fatigue, mais au-delà de ça, c'est pas bien méchant...
Des récits m'ont donné envie de vomir, littéralement. C'est aussi pour ça si j'ai mis autant de temps à le lire. Par moment, je le refermais au beau milieu d'une phrase. Je ne pouvais plus lire autant de haine, autant de normalité pour quelque chose qui est tout sauf normal. Je l'ai terminé il y a deux jours et j'ai toujours autant de mal à écrire mon ressenti, j'en ai parfois les mains qui tremblent et une sérieuse nausée se fait sentir.
Évidemment, tous les témoignages ne sont pas comme cela - disons que la plupart le sont -, certains sont encore imprégnés d'humanité, de cette chose que l'on pense être commune à tous, mais qui se révèlent être absente chez beaucoup. Il y a des soldats, des nazis purs et durs, et il y a des gens lambda, des êtres incapables de générosité, incapable d'accepter autrui, des êtres littéralement abjects dans leur pensée, mais jamais condamnés.
Et puis, il y a ce témoignage d'Elfriede Nehring, allemande et épouse d'un Juif battu à mort à Kolomea.
Et puis, il y a le témoignage de Harald M., fils d'un gardien de camp, spectateur de certains méfaits de son père.
Je recommande ces deux témoignages qui viennent donner un éclairage différent des autres et surtout, qui transpire l'humanité et le rejet de l'antisémitisme ou de toute autre forme de racisme.
J'ai énormément appris avec cet ouvrage. Comme je le disais, je savais peu de chose sur la Shoah à l'Est, excepté l'Aktion Reinhard. J'en ai appris plus encore dessus d'ailleurs. Par exemple, il est très souvent fait mention du camp de Belzec, (personnellement, je connaissais surtout celui de Treblinka et uniquement de nom celui de Sobibor). En faisant quelques recherches supplémentaires, j'ai appris que ce camp était en gros le premier à avoir mis en place le gazage de manière systématique.
J'ai également pu me rendre compte à quel point les pratiques étaient différentes de ce côté de l'Europe puisque si le gazage et les camps sont à la base de l'extermination à l'Ouest, les 2,2 millions de Juifs exterminés en territoire soviétique (chiffre minimum donné sur la 4e) ont principalement été abattus à l'aide de pistolets. D'où l'utilisation de "Shoah par balle".
On observe la cruauté de ces pratiques : séparer les Juifs par groupes, séparer parfois les familles, les laisser mourir ensemble d'autres fois, mais à peu de chose près, c'est toujours le même mode opératoire : creuser des fosses extrêmement longues, placer les Juifs soit dans la fosse et tirer, soit les placer devant la fosse et tirer dans la nuque...
Cette cruauté me paraît d'autant plus insupportable qu'elle était accessible pour les villageois et autres habitants de Galicie, d'Ukraine, etc.
Définitivement, ce livre me marquera à vie. Ça a été une lecture extrêmement éprouvante, difficile, et je dois avouer que lire ce livre en même pas un mois était un véritable challenge, étant donné que ce n'est pas le genre de lecture que l'on peut lire d'une traite. Mais comme toujours, j'ai pu en apprendre plus sur cette période et c'est bien ce qui est le plus important pour moi.
Merci beaucoup pour votre critique très détaillé et intime !
RépondreSupprimerWaouh ! merci à vous d'avoir pris la peine de lire mon article... En tout cas, chapeau bas pour votre travail !
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