Tout d'abord, un immense merci à Babelio et aux éditions Pierre de Taillac pour ce livre. Je dois dire qu'il me fait de l'oeil depuis sa sortie (mai 2017), malheureusement je ne l'ai jamais trouvé dans une de mes librairies et comme j'ai rarement la patience de commander sur internet, je n'ai pas eu l'occasion de le lire avant - je vous laisse donc imaginer ma joie quand j'ai vu qu'il figurait au sein de la masse critique de janvier !
Je suis très contente d'avoir lu ce livre et ce, pour diverses raisons. La première étant que je n'avais encore jamais lu de récit du côté résistant. C'est véritablement l'aspect concentrationnaire qui m'intéresse dans la Seconde Guerre mondiale et je me rends compte que finalement, à part ce que j'ai appris au lycée, bah je ne sais pas grand chose sur la Résistance en Europe, et plus particulièrement sur la Résistance française.
Avec ses mémoires, Jean Lacipiéras nous immerge dans un monde duel, où le bien côtoie le mal et même, pactise avec lui.
Le témoignage surprenant d'un agent double qui va infiltrer la Gestapo lors de la Seconde Guerre mondiale.
En plus d'être mon premier livre dans le genre, c'est également mon premier de cette maison d'édition spécialisée dans l'histoire. Je ne suis pas sûre qu'elle soit très connue malheureusement, mais après avoir longuement regardé le catalogue qu'ils m'ont fait parvenir, je peux dire que leurs livres ont l'air de très bonnes qualités. En tout cas, si je me réfère à Comment j'ai infiltré la Gestapo, il est indéniable qu'historiquement parlant, ce livre est une pépite !
C'est évidemment l'aspect historique qu'il faut prendre en compte ici, si vous cherchez un exercice ce style, autant passer votre chemin, Jean Lacipiéras n'est pas écrivain et, comme il le dit lui même, il n'est qu'un soldat.
Je trépignais d'impatience, je voulais absolument savoir comment ce soldat français a pu infiltrer la milice allemande et ainsi, permettre de sauver des vies, et au passage, d'en supprimer également.
Comme je le disais c'est un récit tout à fait vrai, l'auteur a même été jusqu'à ajouter en annexe des tas de documents venant prouver ses dires. L'édition de 1949 (publiée à compte d'auteur) était déjà très riche en informations, mais je pense que ce n'était pas nécessairement le bon moment pour le publier et encore moins de faire de ces mémoires un réquisitoire.
Voici le bémol du bouquin : sous couvert de relater les faits extraordinaires qu'il a accomplit - et il y en a, le gars était tout simplement trop doué quand il s'agissait de jouer un double jeu, c'est parfois même digne des meilleurs récits d'espionnage. Il a littéralement pensé à tout ; par exemple, le fait qu'il ait lui-même rédigé une lettre de recommandation après avoir subtilisé du papier officiel. Ce simple stratagème lui a permis d'entrer dans bon nombre d'organismes et ainsi de gagner la confiance des collaborateurs -, Lacipiéras en profite surtout pour se donner la position de dénonciateur ; et ça balance à tout va dans son livre !
C'est donc évidemment exaltant, on se retrouve face à un homme qui aime son pays et qui est prêt à tout pour le libérer, ce qui est tout à son honneur. Mais, lui-même n'est pas un enfant de coeur et on assiste alors à la mise à mort de français qui collaboraient. Alors oui, je sais, on était en temps de guerre, c'était "chacun sa peau" - surtout quand les français balançaient tous ceux qu'ils pouvaient pour être à l'abri... - mais il n'empêche que pour moi, il n'y a rien d'héroïque dans un assassinat. Cet aspect là de l'homme m'a dérangé, et ce n'est pas tout.
Comme je l'ai dit plus haut, Lacipiéras ne s'encombre pas de l'anonymat ou autres futilités, non, lui, il est là pour clamer haut et fort que tous ne sont pas Résistants et que, justement, un bon paquet de français se disent résistants alors qu'ils étaient collaborateurs ou même, qu'ils profitent de la situation assez difficile de la France post WWII pour s'enrichir.
Alors, le truc qu'a trouvé l'auteur, c'est bien évidemment d'infiltrer le PCF dans le Gard, afin de jouer l'agent double une fois encore. Et voilà qu'à partir de là ça balance. Probablement en bon nationaliste qu'il était, Lacipiéras ne comprenait pas les communistes ou peut-être que c'était sa façon de continuer le combat : après les nazis, les bolchéviques. Et d'un côté, bah ça se tient, preuves à l'appui, il nous donne des noms, des faits et on est forcé de reconnaître que le PC n'était pas tout blanc à cette époque.
Je comprends ce besoin de dénoncer. Enfin, je veux dire quand tu as fait la Résistance, que tu as été infiltré parmi les pires vermines, que tu t'es fait capturé, puis laissé pour mort, il me semble un peu normal que tu sois outré de voir des personnes profiter de cette dite Résistance pour se jeter des fleurs alors que tout ce qu'ils ont fait, ça a été de collaborer.
Je trouve dommage cette haine acharnée envers le PCF, je trouve que ça gâche un peu les exploits de l'homme. Son livre n'est pas un témoignage, mais une dénonciation - ce n'est d'ailleurs pas pour rien si, en 1949, lorsque Lacipiéras a publié son livre, il a été attaqué pour diffamation, son livre a été interdit, à moins qu'il soit expurgé des propos diffamatoires. Bref, ça va loin. En même temps, il n'avait quand même pas peur de s'attaquer au PC qui était le premier parti en France à cette époque, et puis quand je dis attaquer, c'est qu'il n'y va pas avec le dos de la cuillère : le PC est coupable d'espionnage pour le compte de l'URSS, coupable de vouloir la guerre civile pour prendre le contrôle du pays...
Comment j'ai infiltré la Gestapo, Jean Lacipiéras, éditions Pierre de Taillac.
Enfin bref, tout ça pour dire que ces mémoires sont une véritable mine d'informations. Ça permet tout d'abord de se rendre compte que tous les français n'étaient pas des fuyards (j'suis désolée ici pour tous les partisans de de Gaulle, mais comme le dit si bien Lacipiéras : "on ne pouvait combattre l'envahisseur en fuyant à l'étranger"...) ou des collaborateurs (même si ce livre montre aussi l'opportunisme des français...). Jean Lacipiéras est un exemple de courage et de volonté de vivre pour sauver son pays, pour lui rendre sa liberté.
J'ai adoré les premiers chapitres parce que ce sont ceux qui relatent les infiltrations, comment il est parvenu à entrer dans tel service, comment il a réussi à tromper les nazis, comment il est parvenu à devenir Gruppenführer, qui n'est autre qu'un grade de l'armée nazie (si vous regardez The Man in the Hight Castle, ça doit vous dire quelque chose). C'était prenant et franchement extraordinaire.
J'ai moins aimé la suite qui dépeint un homme amer, un homme qui ne supporte plus l'hypocrisie ambiante (ce qui est franchement compréhensible, il suffit de voir le personnage de Radio pour saisir l'injustice de la situation) et qui déçu de la réalité. Il se trouve une nouvelle fois à devoir infiltrer un organisme, mais exclusivement français cette fois. L'envahisseur n'est plus et pourtant, les condamnations continues, on tue sans juger, on exécute sans procès, rien ne tourne rond et c'est également cela que dénonce Jean Lacipiéras : les excès de l'épuration.
On trouve d'ailleurs dans l'annexe de 1949, la liste des otages exécutés sommairement, ainsi que le nom du capitaine qui a commandé le peloton. L'annexe fournit à la fin de l'ouvrage est très complet, on trouve de nombreuses lettres ou rapports, mais également des comptes rendus d'audiences.
Je ne m'attendais pas à toutes ces dénonciations, peut-être que c'est la raison pour laquelle ça m'a un peu gêné. Je pensais que tout le récit serait concentré sur l'infiltration, ce qui, au final, est loin d'être le cas. Mais d'un côté ce n'est pas plus mal, ça permet d'avoir un récit français qui ne juge pas seulement la guerre et les allemands, mais tout autant les français et la situation d'après la libération. Ce n'est plus un secret que l'épuration était injuste et arbitraire, et pourtant, c'est toujours choquant de voir à quel point l'homme peut aussi rapidement "retourner sa veste".
Quoi qu'il en soit j'ai pris énormément de plaisir à lire ces mémoires, à découvrir un destin hors du commun et un avis sur la "France des français" après la libération. Vient s'ajouter à cela un excellent avant propos rédigé par François de Lannoy, historien spécialiste des guerres du XXe. Il remet les événements dans leur contexte, retrace en quelques pages la vie de Jean Lacipiéras pour nous permettre de saisir qui il était, et aborde les divers problèmes auquel l'auteur a été confronté après la publication de son livre.
Je pense essayer de lire un autre livre des éditions Pierre de Taillac, j'ai envie d'en apprendre plus sur les guerres et puis, c'est surtout le travail historique qui m'intéresse. Je trouve que c'est bien d'avoir ce type de maison d'éditions en France.
"Ce
rôle, je ne l’ai pas tenu sur les tréteaux d’un théâtre, mais
dans la vie même, et quelle vie ! Je l’ai joué dans cette marge
incertaine où le royaume des ombres et celui de la lumière
confondent leurs limites. Je l’ai joué, à toute heure du jour et
de la nuit, entre la vie et la mort. Je l’ai joué avec passion,
car j’étais guidé par un idéal qui m’élevait au-dessus de
moi-même, au-dessus de la médiocrité et de l’horreur."
Jean
Lacipiéras, Comment j'ai infiltré la Gestapo
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire