mercredi 6 mai 2020

Le Coin des libraires - Le bon fils de Denis Michelis

N°27 des Notabilia, et accessoirement le deuxième roman de Denis Michelis, mais le premier a être publié chez Noir sur Blanc - le deuxième, État d'ivresse est paru début janvier 2019. Le bon fils est un ouvrage qui m'a longtemps fait de l'oeil, j'ai fini par craquer et me plonger dedans. 

Je commence à en avoir lu des livres de cette collection mine de rien. J'ai mes grands favoris les romans de Gaëlle Josse, ceux de Sam Savage, À tout moment la vie de Sam Malmquist (mon premier de cette collection est véritablement l'un des meilleurs !!) et d'autres encore, et puis il y a ceux que je pensais vraiment aimer, et qui ne m'ont finalement pas vraiment touché. Dans cette catégorie, il y a trois ouvrages : La condition pavillonnaire, N'oublie pas s'il te plaît, que je t'aime et La mer de la tranquillité
Du coup maintenant quand je commence un roman de cette collection, j'essaie de partir sans à priori, il y en a que je peux aimer, d'autres, moins.




Le bon fils compte parmi les excellentes découvertes. J'ai adoré cet ouvrage si bien que je l'ai lu en deux petits jours. Dès que j'avais ne serait-ce que dix minutes de liberté, je le lisais. L'histoire, l'humour parfois grinçant de Denis Michelis, j'ai tout aimé. 

Le roman est découpé en trois parties appelées actes, comme au théâtre. On suit d'abord la relation entre Albertin et son père depuis qu'ils ont déménagé à la campagne suite au divorce des parents. De sa mère, on ne sait rien excepté qu'elle ne voulait plus de lui. Elle aussi a baissé les bras. 

Le bon fils, c'est tout bêtement l'histoire d'Albertin devenu Constant. Un adolescent qui n'est pas bon à l'école, qui n'a pas d'ami, bref qui est tout seul et qui, en plus, a la fâcheuse habitude de parler aux arbres. C'est tout naturellement que son père va décider d'inviter Hans, un de ses amis d'enfance pour s'occuper de l'éducation de son fils. Comme son ex-femme, lui aussi à tout essayé et pas moyen, Albertin est un cas désespéré, jamais il ne sera un bon fils. 


Mais voilà que Hans va faire des merveilles, il va prendre en main l'éducation du jeune Constant qui va devenir populaire grâce à son "père" trop cool qui vient le chercher en voiture, ou parce qu'il commence à obtenir de bons résultats au lycée. Miraculeusement, Constant devient un bon fils, il se voue à Hans qui possède une large part d'ombre. Détenteur des clés de la cave (on défend à Constant d'y aller) il est une sorte de gardien, mais pas un gardien très positif.

Après que le père ait donné Albertin en cadeau à Hansi (on se passe de commentaire haha !), celui-ci va prendre sa tâche très à coeur et va choisir d'éduquer Constant de la seule manière possible : avec la violence. En relisant ma phrase, je comprends à quel point c'est loufoque, comment un père peut-il donner son fils comme on donne du sel ? Le sujet est sérieux, mais il est parfois abordé de manière légère et complètement barrée. C'est ce mélange qui fait le point fort de l'ouvrage. Sur la quatrième, il est fait mention de "tragi-comédie" et en effet, je trouve qu'il n'y a pas de terme plus adéquat pour qualifier ce roman qui s'apparente quelques fois au théâtre, par exemple quand Albertin parle à son arbre, on a le sentiment qu'il se confie au lecteur dans une sorte de monologue. 
Ces monologues sont importants, il remplace en quelque sorte la mère absente, il est le confident, celui qui protège et qui empêche de devenir un bon fils.

Et il y a la fille aux boutons d'or, celle qui n'hésitera pas à le qualifier de "malade mental", qui lui dira qu'il n'y a pas de "Hans + son père", qu'il n'y a que lui, Constant, et son père. Ça nous interroge pas mal sur la place de Hans, son rôle et son existence. Sur la question du dédoublement de personnalité. D'un côté il y a le père, effacé et impuissant et de l'autre, il  y a Hans, libre, charmeur et violent. L'inaction contre l'action. Le coup de théâtre final n'en est pas vraiment un et on est forcé de s'interroger sur ce qu'est être un bon fils. 

Sans doute est-ce la base pour devenir un bon employé, un bon mari, un bon homme, base fondamental aujourd'hui pour réussir dans la vie. C'est donc en quelque sorte une critique acerbe de la pression scolaire, de l'éducation des parents qui abandonnent leurs enfants une fois que l'échec pointe le bout de son nez ou qui, au contraire, deviennent violent ou menaçant envers leurs enfants. C'est aussi l'occasion d'aborder la relation complexe qu'il y a entre un père et son fils. La nécessité d'être fier tout en s'émancipant totalement. 
Constant s'est émancipé, il a changé de nom, de père, de mère, il est désormais libre de ses choix. Capable d'être un bon fils, il sera capable d'être un bon homme. 


▣ Une lecture unique, fascinante pour son propos et sa construction, l'écriture parfois comique, parfois acerbe de Denis Michelis ajoute une perpective en plus à cette histoire déjà passionnante. 










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