samedi 7 septembre 2019

Le Coin des libraires - #136 Soeur d'Abel Quentin

Les éditions de l'Observatoire n'ont plus besoin de faire leur preuve avec moi. Avec plus de quatre coups de coeur (La Saison des fleurs de flamme, Nous qui sommes jeunes, Les Dévastes et Ces rêves qu'on piétine - dont je me rends compte que je n'ai pas encore publié mon avis !), la barre est placée très haut, et pourtant, voilà l'arrivée de Soeur d'Abel Quentin, nominé pour le prix Goncourt 2019 ! 




Il y a Chafia d’abord, qui se retrouve à passer un interrogatoire dans un commissariat, comme ça, d’un coup d’un seul. 

Puis le temps passe, un mois, précisément. 

On fait la rencontre de Jenny, adolescente perdue, seule et mal dans sa peau. Jenny est le stéréotype de la petite campagnarde qui rêve d’être branchée à l’école, d’être entourée de tout un tas d’amis, de décrocher le beau gosse que tout le monde vénère. Bref, Jenny Marchand c’est une nana comme les autres, fan de Harry Potter (surtout Daniel Radcliffe), de Rihanna et autres célébrités idolâtrées par les ados du XXe siècle. 

Tout bascule, parce qu’elle se sent enfermée, rejetée, incomprise de la part de ses pairs autant que de ses parents. Que faire quand on est la risée du lycée ? Comment continuer à garder la tête haute quand personne n’est là pour nous aider ?
Tout bascule parce qu’elle fait la rencontre de Dounia, sa mentor. 

Dounia sera le pont entre la vie rangée et morne de Jenny, et sa conversion à l’islam, à des idéaux extrémistes, terroristes. Elle permettra sa réincarnation. 

Au-delà de cette amitié entre les deux filles, il y a les parents de Jenny, dépassés. Impuissants spectateurs, victimes des mensonges de leur fille. Lucide quant à son comportement (pour Marion du moins). La représentation des parents est à mon sens aussi importante que celle de Jenny car ils sont des victimes, au même titre que les autres. Dommages collatérales de l’embrigadement, ils assistent à cette déchéance, la perte de leur fille. 




Roman de l’endoctrinement, Abel Quentin montre comment il peut être facile de faire commettre l’irréparable à quelqu’un qui se sent vide. Comment il est possible de profiter de la faiblesse des uns pour permettre la force des autres.
Premier ouvrage que je lis sur le djihad et l’embrigadement, il m’est arrivé d’avoir une pensée pour The Girls d’Emma Cline, car dans les deux cas la protagoniste se retrouve influencée par une fille plus âgée qu’elle, une fille qu’elle vénère et qui l’a sortie de sa claustration. 


Un roman passionnant, nécessaire pour tenter de comprendre la radicalisation qui est un sujet omniprésent à l’heure d’aujourd’hui. Après honnêtement même si j’ai saisi les mécanismes à l’oeuvre, cela reste est un phénomène qui m’échappe complètement. 


"Sa décision est tellement énorme, aberrante, monstrueuse, que Chafia s’est en quelque sorte détachée d’elle-même. Son corps obéit gentiment. Au fond, c’est presque confortable de ne plus sentir la tension permanente du libre-arbitre qui transforme chaque action en un accouchement dans la douleur."
Abel Quentin, Soeur.










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