mardi 8 octobre 2019

Le Coin des libraires - #138 Et au pire, on se mariera de Sophie Bienvenu

Je crois que le roman canadien et moi ça ne fait pas bon ménage, le peu que j’ai lus jusque-là sont issus de chez Noir sur Blanc. Si j’ai eu des déceptions avec la plupart, j’ai par la suite découvert ce roman, le premier d’une écrivain inconnue (pour ma part) : Et au pire, on se mariera de Sophie Bienvenu




J’aimais bien cette couverture, cette culotte aux impressions enfantins qui n’est pas sans rappeler les jeux d’arcade labyrinthique, qui jure complètement avec le titre du roman. 

Ce décalage, il est présent tout au long de l’histoire. On suit la jeune Aïcha, 13 ans qui préfère la présence des prostituées à celle des gens de son âge. Parce qu’Aïcha est déjà mature et pleine de secrets. 

Les péripéties, la langue, l’histoire d’Aïcha, tout est malsain à souhait. On se sent mal à l’aise de suivre une fille si jeune qui décide d’elle-même qu’elle est prête à s’envoyer en l’air avec le premier venu. La langue est provocatrice à l’image de sa narratrice. On se prend d’ailleurs à oublier qu’elle est si jeune, qu’elle est encore une enfant quand on l’entend parler, jurer comme une chartreuse. 


Sortir de sa zone de confort 


Excellente lecture que celle-ci, car complètent originale. C’est bien les décalages qui mettent le lecteur mal-à-l’aise, qui lui donne envie de refermer le livre. Mais c’est si bon de tuer le temps avec cette petite sauvage. C’est si bon de suivre ses récriminations envers les gens de son âge ou sa « salope de mère ». Personne n’est épargnée, excepté son beau-père, qu’elle aime de tout son petit coeur, même si là encore, la crasse vient recouvrir une relation qui aurait pu être pure, mais qui se trouve être violente et incestueuse. 

Mais ce n’est rien car si Aïcha se retrouve seule une fois le beau-père disparu du tableau, une rencontre va lui sauver la vie, lui donner envie à nouveau. Baz entre dans sa vie, tel un grand frère, tel un amant, avec Aïcha qui divague, c’est difficile de savoir. 

Et au pire, on se mariera est novateur dans son histoire, sa narration, comme pour son utilisation de la langue québécoise qui ajoute évidemment un plus à toute l’histoire. Le seul petit bémol à ce sujet, ce serait peut-être la trop forte répétition de certaines expressions. Et encore, c’est le seul élément que j’ai trouvé pour soulever un aspect négatif.

Entre le sentiment de malaise, celui de provocation mêlée à une forte envie de secouer la jeune Aïcha, ce roman est excellent, et unique. 



Infos pratiques : 


  • Paru en 2014 aux éditions Noir sur Blanc (13€) 
  • Adapté au cinéma en 2017 par la réalisatrice Léa Pool 



"Quand toute ta vie tu te fais un chemin que tu veux suivre, tu te fais un devoir de rester sur une ligne, c’est ça qui te définit, c’est ça qui fait qui tu es… Et là, il t’arrive plein de trucs qui font que t’es… épuisée, genre. Mais vraiment épuisée, je veux dire. Épuisée comme quand t’as plus du tout de vie à l’intérieur. T’es vidée de ton sang, de ton eau, de tout ce qui fait que tu es toi. T’es tellement vide que t’as juste tes organes qui restent dedans. Ton coeur qui continue de battre rien que pour te narguer, on dirait. Tu voudrais crever, ce serait reposant, mais non. Il continue de battre, ce salaud, et chaque battement t’épuise encore plus, c’est de la torture."
Sophie Bienvenu, Et au pire, on se mariera.






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