mercredi 8 mai 2024

La promise au visage de fleurs de Roshani Chokshi

Il était une fois un homme qui croyait aux contes de fées.



Il était une fois un homme qui savait que les contes révèlent ce qui demeure caché. 

Il était une fois un homme qui rencontrait Indigo et toute sa vie s'en trouva changé. 

Le fiancé, comme on le nomme à défaut de lui donner un nom, ne s'attend pas à se retrouver piégé en épousant l'ensorcelante Indigo. 

La seule condition à leur union est simple : le fiancé ne doit jamais chercher à connaître les secrets de sa femme, à fouiller son passé. 

La promesse est d'une simplicité folle : qu'est-ce que le passé en comparaison du futur ? 

Le fiancé accepte de bonne grâce sans se douter que les années mettront son serment à rude épreuve. 

Parfois, ce n’est pas une promesse de sécurité qui vous attire, mais le réconfort qu’apporte un mensonge familier regardé droit dans les yeux.

Le personnage du fiancé est à la fois essentiel et accessoire. L'histoire n'existerait pas sans lui, mais il apparaît davantage comme un personnage secondaire, comme l'indique le titre du roman, le personnage central est Indigo, la promise au visage de fleurs. 

Leur relation est belle parce qu'elle se fonde sur les contes et les mythes et les histoires : 

Seul le subterfuge des mythes nous permettait de nous parler. Seule la lumière des contes de fées l’éclairait assez longtemps pour que je puisse la regarder.

D'ailleurs on le comprend très bien lorsqu'apparaissent des chapitres du point de vue d'Azur, l'amie d'enfance d'Indigo. Attention, le fiancé sert l'histoire, il la porte même, mais uniquement par rapport au personnage d'Indigo. Il est à l'origine de l'enquête et tout ce qu'attend le lecteur, c'est qu'il aille au bout et qu'on ait le fin mot de l'histoire. Au-delà, il est disons effacé (pour ne pas dire vide) et ce, en dépit de l'histoire de la disparition de son frère. 

Ce n'est donc pas grâce au fiancé si j'ai pris autant de plaisir à ma lecture. 

La promise au visage de fleurs est imprégné de poésie. Il donne à voir une connaissance poussée et un usage intelligent des contes (Catskin !) si bien que ceux-ci servent autant à éclairer le récit qu'à l'inscrire dans une continuité. 

Le thème utilisé par Roshani Chokshi est vu et revu : deux êtres, l'un exige que l'autre ne s'immisce pas dans le passé ou dans un lieu qui viendrait mettre à mal sa nature. C'est Barbe Bleue et bien d'autres encore. 

Là où l'auteure réussit avec brio son pari c'est dans l'ambiance qu'elle parvient à créer. Du fantastique à l'état pur : le surnaturel se cache-t-il derrière les apparences ? n'existe-t-il pas que la réalité avec ses explications logiques ? 

Les contes disent ils quelque chose de la réalité ? énoncent ils une vérité ? 

Ce jeu entre réalité et imaginaire est distillé à merveille tout au long du récit, et ce, jusqu'à la révélation finale. Révélation qui ne vient en rien gâcher le plaisir de lecture. 

L'ambiance est le point fort du récit. La montée de tension jusqu'à ce qu'on ne sache plus qui croire est remarquable et l'aspect inquiétant ajoute au suspense qui devient étouffant une fois arrivée sur l'île où se trouve la demeure d'Indigo. L'ambiance gothique est sa force parce qu'il est impossible d'être insensible à cette atmosphère viciée. 


Plus encore que la révélation finale (dont on finit par avoir des doutes une fois passé la moitié du récit) c'est le déroulement et la montée du suspense qui fait la valeur de La Promise au visage de fleurs. 

A lire si vous aimez les romans gothiques, les atmosphères pesantes pleines de secrets, les personnages féminins mystérieux et la plume poétique d'une auteure qui écrit dans une langue recherchée, chose d'autant plus rare dès lors qu'il s'agit de fantasy. 

Nos illusions tissent des roses autour de nous, et quand nous essayons de nous échapper, nous nous heurtons à leurs épines.

dimanche 28 janvier 2024

Le ciel en sa fureur d'Adeline Fleury

Quand le varou m'emportera je m'endormirai dans le ciel de tes yeux.

Sous les auspices de Jean de La Fontaine, Adeline Fleury nous entraîne au coeur de la Normandie rurale, dans une bourgade du Cotentin où des événements étranges, aux allures d'apocalypse, s'enchaînent. 

L'Incipit nous met dans le bain avec sa pluie de crapauds qui laisse entendre que le pire est à venir. 


La communauté est fracturée en deux, il y a ceux qui ont toujours été là, les agriculteurs, les éleveurs, ceux qui travaillent la terre et se passent le flambeau d'une génération à l'autre, et il y a les autres, ceux des lotissements, les "nouveaux venus". 

La séparation est nette, chacun sa place et pas de mélange, même parmi les enfants qui doivent respecter les limites de leur terrain de jeu. 

La fracture est celle du rural contre l'urbain, la campagne contre la ville, et le moins que l'on puisse dire c'est que la méfiance est de mise peu importe de quel côté l'on se trouve. 

Julia et Stéphane vont le comprendre dès leur arrivée : pour rester, il faudra gagner la confiance des habitants et s'affirmer en tant que membre à part entière de la communauté. 

L'arrivée d'étrangers attise la méfiance en soi, mais alors quand il s'agit de femmes venues de la ville exerçant des métiers d'homme, là il n'y a pas à dire, tout est à faire. 

Depuis leur arrivée au village, les deux anciennes citadines ont du mal à comprendre comment des gens aussi ancrés dans la terre peuvent être autant attachés à tous ces contes et légendes fantasmagoriques. Cela doit avoir quelque chose à faire avec la mort. Les superstitions entourant les fantômes sont bien plus commodes à se représenter que la réalité de la finitude et de sa pourriture.

Julia est vétérinaire, passionnée d'animaux elle connaît son métier et essaie, du mieux possible, de montrer qu'elle est tout aussi capable que le Vieux qui, auparavant, s'occupait de soigner les bêtes. 

Stéphane a la stature d'un homme, elle en a le métier aussi : maréchale-ferrante. 

La force du roman tient dans ce clivage qui instaure une ambiance similaire au réalisme fantastique où les anciennes croyances passent pour des faits, où les enfants disparaissent pour devenir des fées qui murmurent aux oreilles des adultes. 

L'absence de temporalité renforce d'ailleurs l'aspect fantastique. Les légendes du Cotentin existent-elles toujours ? Y a-t-il de nos jours des lieux reculés où l'on croit encore au varou ? où les massacres d'animaux sont présages d'un cataclysme à venir ? 

La Vieille porte le monde dans les yeux, les catastrophes, les grandes découvertes, les guerres, les passions dévorantes. La succession des saisons, les migrations des oiseaux, l'éclosion des fleurs, la crue des rivières, les tempêtes et les grandes marées d'équinoxe. Cette femme-là n'est pas simplement humaine, elle est animale, végétale, minérale, elle est la vie. 

Généralement on lit pour le dénouement, pour que se détisse tout ce qui a été tissé auparavant. Mais avec Le ciel en sa fureur c'est l'atmosphère qui prend le pas sur l'histoire, c'est l'atmosphère qui m'a donnée envie de tourner les pages, plus que la conclusion qui est attendue mais n'en reste pas moins logique puisqu'elle correspond à l'ambivalence qui parcourt tout le roman, entre âpreté et fragilité des personnages et de leurs croyances. 

La terre n'en a pas fini de malmener les hommes, ici la nature l'emportera toujours. Les saisons seront effroyables, les terreurs d''été succéderont aux terreurs d'hiver, dans un enchaînement rythmé par la monstruosité des hommes.     


Service presse. 

dimanche 7 janvier 2024

Le Quinconce de Charles Palliser

 L'Héritage de John Huffam, t. 1

Le Quinconce embrasse une époque, il en interroge toutes les dimensions, historique, sociale, familiale, intime. Humaine, avant tout. (Préface, Gaëlle Josse)

Publié une première fois en 1989, les éditions Libretto rééditent cette fameuse saga (en cinq tomes) pour notre plus grand plaisir ! 


Au début du XIXe siècle, en Angleterre, le jeune John Huffam vit dans une maison remplie de femmes : sa mère, sa nourrice, la cuisinière et l'intendante / gouvernante. Un monde sans homme puisque son père est aux abonnés absents. 

Est-il mort ? est-il caché ? est-il dangereux ? 

Nous ne savons pas car la mère de Johnnie, celle qui détient tous les secrets, refuse de piper mot. 

Ce "roman-piège en cinq actes" (sous-titre donné par l'auteur) donne à voir les Huffam, ou Mellamphy, ou même Clothier, tout dépend à qui vous vous adressez, qui vont en voir de toutes les couleurs, ils vont se trouver au coeur de machinations qu'ils n'envisagent même pas. 

La première partie est un poil longuet, la faute à la jeunesse de John ("tu es trop petit pour comprendre ; tu comprendras quand tu seras grand.", etc.) et à une mère, Mary, d'une naïveté folle qui garde tout à tel point qu'elle en devient casse-pied. 

Une fois que John prend de l'âge et commence à relier certains points entre eux, le récit démarre une bonne fois pour toute. 

Entre machinations, malversations, complots, chantage, tentative d'enlèvement et fuite nécessaire, L'Héritage de John Huffam démarre lentement et s'achève sur les chapeaux de roue ! 

Mention spéciale pour l'écriture, notamment pour les personnages féminins au service de John et sa mère, ainsi que pour l'atmosphère étouffante, viciée et le suspense allant crescendo. 

Le fin promet de belles choses. Plus qu'à lire la suite maintenant ! 

Roman de brutalité sociale, de cruauté et d'abjection, de destins brisés, de secrets enfouis, roman d'une inlassable quête de justice et de vérité, où John et Mary traversent épreuves et coups du sort. (Préface, Gaëlle Josse)

Traduit par Gérard Piloquet. 

~ Service presse. 

dimanche 17 décembre 2023

Du même sang de Denene Millner

C’était comme ça, avec les Blancs ; ils comptaient sur les parties du corps des Noirs - des mains pour la lessive, des dos pour labourer la terre, des seins pour nourrir leurs bébé -, mais ils ne supportaient pas les corps entiers ni les âmes qui les habitaient. Ces âmes qui, tous les matins, devaient rassembler leurs forces fragiles pour convaincre le corps de se soumettre au labeur, encore et toujours, sans avantages ni pauses ni droit de se plaindre.


Je risque d'avoir du mal à trouver les mots pour dire à quel point j'ai adoré ce livre, à quel point j'ai aimé Grace, Dolores et Rae, à quel point j'aurais aimé les revoir et rester avec elles plus encore. 


A mes yeux le Cherche midi publie des ouvrages majeurs, il traduit des textes puissants et nécessaires sur la condition des Afro-Américains aux Etats-Unis, et plus encore sur la condition des Afro-Américaines aux Etats-Unis. 

Depuis Affamée et Une époque formidable et maintenant Du même sang, je peux le dire : le Cherche midi est une valeur sûre ! 



En quelques mots (parce qu'il faut bien vous donner envie de le lire, sinon à quoi bon écrire sur un texte aussi fort si ce n'est pour vous intimer de LE LIRE ?) Du même sang retrace l'histoire de trois femmes. 


D'abord Grace, fille d'une femme à homme, petite-fille de l'accoucheuse de la ville. 

Puis Delores (LoLo) qui porte en elle le drame de sa stérilité. 

Enfin Rae, la descendante, la relève. 


Denene Millner écrit un roman familial où l'Histoire se heurte aux individus pour mieux les broyer. 


"Qui a descendu qui ? 

- Darnell. Mon ami, mon frère. On était copains de classe depuis toujours. C’est un gamin. C’était. Comme nous tous. Et les flics l’ont descendu parce que Wilson l’accusait d’avoir volé un soda."


Il est question des Jim Crow Laws (1877-1964), ces lois qui mettent en place la ségrégation et annulent d'une certaine façon les droits dûment acquis par les Afro-Américains au lendemain de la guerre de Sécession. Ou de la ligne Mason-Dixon. Une ligne qui n'est plus d'actualité depuis 1820, enfin, si la ligne de démarcation entre états abolitionnistes (Nord) et esclavagistes (Sud) n'est plus à proprement parler, il n'en reste pas moins un haut lieu symbolique, faisant du Nord la terre de liberté. 


L'Histoire des Etats-Unis et plus particulièrement les droits des Afro-Américains est au centre de ce roman magistral qui illustre parfaitement les souffrances, les inégalités et le racisme choquant (ou écœurant, ou horrifiant...) qui étaient une réalité, et l'est sans doute encore beaucoup trop. 


Mais au-delà d'être un grand roman sur la condition des Afro-Américaines, Du même sang aborde la condition de la femme par le prisme de la sexualité et de l'enfantement. 


Les personnages, souvent secondaires, n'ont de cesse de rappeler le danger des relations sexuelles (ne cherchez pas la contraception, ça n'existe pas) qu'elles soient consenties ou pas d'ailleurs. 

On parle de relations sexuelles choisies, de relations sexuelles contraintes, bref les relations sexuelles font peur car elles détruisent les vies, et les jeunes filles sont celles qu'il faut protéger de ces fléaux. 

De même, la stérilité et l'adoption sont des éléments centraux. On discute à la fois la douleur de ne pas pouvoir être mère et celle de ne pas avoir la possibilité de s'occuper de son enfant. 


Tellement de thèmes, tellement de force, tellement de passion pour ce formidable roman ! 

Vous l'aurez compris c'est un sublime coup de coeur. 

Un roman marquant qui figure parmi mes meilleures lectures de cette année 2023. 


En d'autres termes, vous n'avez aucune raison de ne pas le lire ! 


Il en allait ainsi, chez les gens comme eux. Les vies, les histoires étaient vécues en silence, enfouies au plus profond, tout au fond de la mémoire, dans la moelle des os.


Traduit par Valérie Le Plouhinec. 


~ Livre offert. 



dimanche 19 novembre 2023

Lamento de Mme Nielsen

 En réalité tout est mouvement, transformation, rien n’est immobile, dans la vie que nous vivons quelque chose d’extrêmement lent, de quasi imperceptible, commence peu à peu à avoir lieu et ne cesse d’avoir lieu, bien longtemps avant que l’on ne se rencontre, et même après, dans le coup de foudre, même là, au-delà du temps, dans un autre monde, et plus tard, lorsque le coup de foudre n’est plus, et que l’amour attend, attend, attend, même là-bas, dans la nuit … ça a commencé à se produire, et ça s’est produit, et ça a continué à se produire, et ça continue toujours à se produire.

J'ai rencontré la plume de Mme Nielsen à l'occasion de la parution de son roman précédent, L'été infini - ne le cherchez pas ici, je ne l'ai pas chroniqué. 

L'été infini me faisait très envie... sur le papier. J'ai été au bout du roman parce que je suis ce genre de lectrice qui a du mal à lâcher un bouquin même quand elle sait que ce n'est pas une grande réussite. J'ai été au bout et je suis restée à côté tout du long. 

Quand j'ai vu (et reçu) Lamento j'avais des réserves. Des réserves, pas tant sur le fond que sur la forme. Le style d'écriture m'effrayait, je m'étais sentie en périphérie de l'histoire de L'été infini pour cette raison. 

Mais comme je ne m'avoue pas facilement vaincue, j'ai persévéré en ouvrant Lamento

Et en le refermant j'ai eu cette remarque : un roman ne fait pas l'autre. 

L’amour est dans le temps, dans le quotidien, dans le souci de l’autre, dans les mouvements qui se répètent, dans l’ennui et les routines, et il est malgré tout. Le coup de foudre est en dehors du temps, il l’abolit, il est un instant présent en perpétuelle expansion lumineuse. Il est fébrile et à bout de souffle, il brûle, il est « hors de moi », il est incompréhensible et dévorateur, il est contraint de mourir.

De Lamento j'ai aimé la recherche, la façon qu'a Mme Nielsen de décortiquer le coup de foudre, la vie commune, la déchirure de la séparation. 

Et ça s’est produit, ce n’était pas le destin, ce n’était pas le hasard, ça s’est produit, tout bonnement, la vie est comme ça, les choses arrivent.

J'ai aimé la simplicité du sujet et la complexité de son traitement. On peut y voir un long monologue, ou plutôt un long courrier adressé à l'enfant, une recherche qui est à la fois une plainte et une succession de réflexions (comment nous sommes-nous rencontrés ? à quoi ont ressemblé nos premiers moments ? à quel moment nous sommes-nous le plus aimés ? quel moment a signé l'effritement, le début d'une fin programmée de longue date ?). En d'autres mots, que s'est-il passé pour qu'on en vienne à s'aimer puis à se séparer ? 

La poésie du texte est ce qui le rend si beau, sans ce lyrisme Lamento ne serait guère plus qu'un énième roman sur l'échec d'une relation amoureuse. De plus, l'usage d'une narration fragmentée nous entraîne au plus près de la rencontre et de la violence des sentiments. On interroge le coup de foudre en tant qu'opposé à l'amour d'une certaine façon - l'amour étant de l'ordre du sentiment qui perdure, quand le coup de foudre n'est qu'un état passager. 

Le coup de foudre n’a pas de nom et pas de visage, celui que vous voyez dans le miroir n’est pas vous, et c’est une peur, un plaisir, une chute dans le vide. [...] Le coup de foudre peut être si violent, si fébrile et dévorant que l’amour, censé en émerger, devient une déception, le monde revient en force, le temps commence à passer et on a le sentiment d’une absence, d’une trahison, on se voit brutalement arrachés l’un à l’autre, on n’est plus des jumeaux siamois fusionnés et incestueux mais des univers individuels …

De nombreux passages brillent, ils touchent et donnent à voir un sentiment pur peu à peu entaché par la réalité de la vie commune, de la vie extérieure aussi, de tout ce qui n'est pas le couple. 

J’avais cru que, comme le jour de la nuit, l’amour jaillirait du coup de foudre, que l’un ne pouvait exister sans la possibilité de l’autre et que l’autre ne pouvait exister sans l’un en ce qu’il était sa condition préalable, que la transition aussi effrénée que l’aube serait la plus belle de toutes et nous emporterait avec elle, que celui dont on tombe amoureux comme jamais auparavant et jamais plus depuis, le seul, est celui avec qui on peut vivre, comme quand on respire, comme quand on se donne, que le « oui » et le « oui » ne sont pas une limite mais une porte qui s’ouvre du début et communique sur la suite, que l’ivresse, la folie et le temps dépourvu de temps, avec les jours, les semaines les saisons, se montreraient, incarneraient le quotidien…

Je sais maintenant ce que je veux, et pourquoi j’écris : pour créer la vie, montrer la beauté dans le monde, dans la moindre petite chose, dans la moindre petite créature, dans la peine, dans la douleur, dans l’amour, montrer qu’il est possible de vivre, ensemble, et de s’aimer, en dépit du reste.


Livre offert. 

dimanche 12 novembre 2023

Ma Tempête d'Éric Pessan

Un monologue, ça tient à partir du moment où on a l’impression que chaque phrase est une fin. 
Le narrateur, David, passe sa journée seul à la maison avec sa fille. La crèche est en grève et il est sans activité depuis l’abrupte échec de son souhait de mettre en scène La Tempête, une des dernières pièces de Shakespeare. 


En racontant à sa toute jeune fille la pièce, David nous entraîne dans sa propre interprétation, ses idées de mise en scène ainsi que dans ses réflexions sur sa propre vie. Il s’attarde sur l’absence de femme dans la pièce à l’exception de la fille de Prospéro, Miranda, pour mieux aborder la relation de Shakespeare avec sa propre femme ou les problèmes de couple comme la distance involontaire, 

Jusqu’à quel point deux personnes qui s’aiment peuvent étirer le silence sans que ce soit leur amour qui se déchire ?

David s’intéresse à la figure du mage pour mieux la comparer au métier de metteur en scène. Il parle seul le plus souvent, sa fille étant trop jeune pour comprendre, il parle seul et ses monologues sont une suite d’idées, de ressentis, d’interrogations. 

« Propséro est-il un magicien ou un artiste ? David avait envie d’introduire cette ambiguïté là : la possibilité que rien de ce qui se joue sur scène ne soit vrai, la possibilité que toute l’histoire soit un conte écrit par Prospéro ou une toile peinte par lui, un oratorio qu’il a composé. Pas besoin qu’il provoque vraiment le naufrage d’un navire, l’énoncer suffit. La fiction peut venger du réel, c’est peut-être une consolation pathétique mais elle n’en est pas moins nécessaire. »

Ma Tempête se déroule sous le rythme imposé par le naufrage causé par Prospéro, la pièce de Shakespeare est matière et moteur. 

Tout à la fois un résumé, une interprétation, un prolongement, Ma Tempête est une porte d’entrée dans le théâtre (et la pièce) de Shakespeare autant qu’une immersion dans la vie d’artiste, les problèmes de financement qui causent une dépendance, une soumission obligée qui mène parfois à l’arrêt complet ; David a passé un temps fou sur sa mise en scène, il s’y est donné corps et âme, mais ce n’est pas suffisant car adapter Shakespeare, pour quoi faire ? Quel profit en tirer ? 

Mieux vaut mettre un frein, fermer les rideaux et éteindre les lumières. 


L’importance des réflexions et précisions sur le statut d’artiste, la figure d’acteur (le développement sur l’expression être acteur de sa vie) en passant par les détails autour de la première représentation de La Tempête ou encore le théâtre élisabéthain et le théâtre (plus largement : l’état de la culture) d’aujourd’hui, permet une immersion complète dans ce monde. 


L’atmosphère tient pour beaucoup à la réussite du livre. Une tempête fait rage et effraie l’enfant qui n’en apprécie pas moins le récit d’une autre tempête, survenue lors d’un autre temps, un autre monde. 


Je ne sais comment le dire d’une meilleure façon : Éric Passan a fait de sa Tempête une sorte de calque contemporain de La Tempête

« […] une pièce de théâtre est toujours un miroir, sans cela, si elle ne reflète rien de nous, on s’y ennuie ferme. » 

Petite précision : le plaisir à lire ce roman réside en grande partie dans la connaissance préalable de La Tempête de Shakespeare. 

Lire Ma Tempête sans en être familier c'est peut-être prendre le risque de gâcher la découverte d'une magnifique pièce de théâtre et passer à côté d'un roman qui paraîtrait peut-être moins pertinent. 

dimanche 8 octobre 2023

L'Ultime Testament de Giulio Cavalli

 Les citoyens de DF étaient des esprits atrophiés qui erraient là où on les envoyait. 

Retour à DF qui n'est plus DF. 

Giulio Cavalli a conservé le nom de la ville pour son deuxième roman, l'ancrant ainsi dans le même genre : la dystopie. Mais c'est à peu près tout car la DF d'A l'autre bout de la mer, un village de pécheur sans grande importance, n'a rien à voir avec la DF de L'Ultime Testament qui est une ville développée, possiblement une capitale puisque le président y réside. 

La question des migrants abordée à son paroxysme par le prisme de l'économie et de la survivance des habitants de la petite DF est close. 

Fini le cannibalisme et la survie des uns menant à la mort ou à l'inhumanité des autres. 

Bonjour la science et ses dérives. 

Dans la nouvelle DF, rares sont ceux qui demeurent tels que la nature les a faits. Les membres du gouvernement sont les seuls à ne pas avoir reçu une dose d'un vaccin supprimant les émotions. Ils sont les seuls capables d'éprouver quelque chose, de s'interroger ou de réfléchir.

 ... car les membres du gouvernement de DF, depuis toujours, étaient sensibles et n'avaient pas de plafond en matière de sentiments contrairement aux autres citoyens, ils étaient au courant du brouillard injecté dans les veines des nourrissons. Comment ? Un simple additif mélangé aux vaccins traditionnels qui permettait de faire disparaître à vie la sensibilité ou, sans la faire disparaître totalement, ce qui réduirait les personnes à l'état de cailloux improductifs, de l'atténuer disons, pour obtenir des citoyens dociles et faciles à manoeuvrer tel un troupeau en file indienne dans la pente d'une colline. 

La population lambda est condamnée à recevoir le vaccin, à dépendre du gouvernement qui prend toutes les décisions pour eux. Le système fonctionne par le biais d'un système de note (chacun reçoit un nombre de 1 à 10) permettant de leur donner une place dans la société. On ne choisit pas plus son métier que son partenaire qui n'est d'ailleurs là que pour quelques années avant d'être relevé pour laisser place à un autre. 

C'est dans ce contexte qu'évolue Fausto, un employé sans histoire qui se retrouve à l'hôpital après un léger accident. 

Les citoyens de DF étaient des esprits atrophiés qui erraient là où on les envoyait. 

Gardé en observation, il fait la connaissance d'autres hommes qui, comme lui, sont gardés en observation à l'hôpital. Aucune dérive ne doit avoir lieu, personne ne doit réfléchir, poser des questions. Personne ne doit dessiner ou, sacrilège impardonnable, lire un livre. 

De toute façon lire est une tâche ardue quand les livres sont interdits. 

... si tu lisais un livre alors tu saurais que DF n'est pas un lieu comme un autre mais une nation amputée. 

Mais rien ne peut rester tel qu'il est. De tout temps, les uns refusent de ployer le genou quand les autres acquiescent le front bas et les yeux fermés. 

La résistance se forme, elle est maigre mais elle est prête à rallier quiconque partagerait la cause. Les livres passés sous les manteaux constituent la première étape pour éveiller les consciences. 

... la contrebande était le seul moyen de se sentir vivant, de ne pas se laisser écraser par tout le reste, de prouver que nous pouvons exister aussi, putain, que nous pouvons échapper au scénario fixé par le gouvernement dans lequel nous sommes tous des numéros à engrainer, à exploiter, à multiplier puis à envoyer à la décharge, non ? 

La résistance est active et prête à tout envoyer faire valdinguer. Et quand une médecin en partie responsable de la formule du vaccin s'en mêle, il ne peut y avoir que du grabuge. 

L'Ultime Testament est un récit débordant d'un sarcasme déjà présent dans A l'autre bout de la mer. Les descriptions de la société sont aussi drôles que graves, ce qui permet de désamorcer l'horreur des événements. 

Lecture exigeante dans la mesure où les phrases sont extrêmement longues (une ou plusieurs pages pour certaines) et où les dialogues se fondent dans la narration. Le sentiment d'urgence est palpable tout du long et on se prend à espérer un avenir qui semble impossible. 

La traduction, que l'on doit encore à Lise Caillat, est excellente et nous immerge dès les premières pages dans l'ambiance saturée et pleine d'interdits qu'est la ville de DF. 

Finalement, A l'autre bout de la mer m'avait passionné en prenant comme point d'appui la question des migrants, L'Ultime Testament est tout aussi savoureux en se fondant sur les pouvoirs de la science et des politiques, en s'intéressant à un vaccin dont l'idée - on peut légitimement le croire surtout au vu de la catastrophe que cela a été pour l'Italie - a pu venir de l'épidémie de Covid qui a frappé le monde en 2020.

Pour construire des émotions il faut en maîtriser le vocabulaire, or les citoyens de DF sont analphabètes. 


Collaboration commerciale non rémunérée. 

dimanche 24 septembre 2023

Pour qui s'avance dans la nuit de Claire Concruyt

Une île de la mer Adriatique comme cadre pour un roman doté d'une puissance évocatrice que l’on voit rarement ajoute au caractère surnaturel du récit. L'île est un lieu de repos, un lieu de retrouvailles, un lieu de disparition. L'île respire et bouge. Ses rivages charrient des âmes et les entraînent dans ses profondeurs. 

L'île était un songe, et l'univers entièrement réduit à ce petit bout de terre. 

L'incipit de Pour qui s'avance dans la nuit annonce la fin prochaine ("C'est notre dernier été tous ensemble."), une fin que l'on guette et qui nous cueille, comme ça, sans prévenir malgré tout. 


Pierre, le fils ainé et le narrateur, est témoin d'une disparition imminente, d'un déchirement, d'une perte incompréhensible. 

Témoin autant que victime car Pierre est différent de son cadet, différent de sa mère. 

Pierre est concret, logique, Orphée demeure enfantin, rêveur, artiste. 

C'est ainsi que nous nous aimions, tous les trois : Orphée et son coeur de feu, ma mère ballerine et moi, spectateur enchanté par ce joli désordre, moi, le grand frère chargé de porter le souvenir. Car le jour déclinait. 

Pierre ne comprend pas sa mère, il prend soin d'Orphée comme il peut bien qu'il soit en-dehors des croyances et des rêveries. De son enfance il ne reste rien. 

Comme le dit sa mère il n'est pas comme eux, il n'est pas Orphée. Sa mère qui ne l'aime pas de la même façon, sa mère qui est parfois cruelle ou inapte. Sa mère qui est là sans l'être. 

Ma mère avait en elle des monstres, c'est ainsi qu'elle les nommait. Sa part d'ombre avançait discrètement. "Même ici, je ne peux pas y échapper." 

Sa mère qui souffre, sa mère abîmée par la vie. Sa mère qui n'aime qu'Orphée et qui "n'a pas assez de place pour vivre."

Il était tout quand, moi, j'étais tous les autres. 

Pierre est lucide ce qui permet au récit de ne pas entrer dans le fantasme total. La gradation de la folie oscille entre une forme de rêverie imputable à l'écriture de Claire Concruyt et aux personnages d'Orphée et de la mère, et une forme de réalisme porté par le narrateur plus ou moins conscient au fil du récit. 

Entre rêve et cauchemar, fantasme et réalité le lecteur s'accroche à ce qu'il peut, mais incapable de rester en-deçà de l'histoire, il tombe lui aussi sous le charme incantatoire d'une écriture poétique à la métaphore sublime. 

Ma mère me serre la main. "Nous avons connu le noir, mon grand. Mais je vous ai enseigné que dans l'ombre, se cachent les fées. Je vais disparaître, mon fils, et tu connaîtras des jours plus silencieux que d'autres. Je serai ta grande blessure. Viens me chercher dans la prière, viens me trouver dans la suspension des heures, je vivrai dans une oeuvre d'art, dans un poème ou dans une mélodie. Ne te détourne pas du monde, sonde ce qui s'y camoufle. Je suis allée trop loin..." 


Collaboration commerciale non rémunérée.  

lundi 24 juillet 2023

De la main d'une femme d'Astrid de Laage

"Il ne méritait pas tant d'honneur, il suffisait de la main d'une femme"

Charlotte Corday, surnommée "Ange de l'assassinat" par Lamartine est une femme de l'ombre (une de plus !) entrée à la postérité pour une seule action : l'assassinat du citoyen Marat. 

Astrid de Laage tente d'en apprendre plus sur cette cousine "au cinquième degré", sur sa famille et son héritage sur "Marat, Corday. Me raccorder à mon histoire. L'ouvrir. La désosser." 

De la main d'une femme est à la fois une enquête généalogique et une recherche historique sur la femme la plus célèbre de la Terreur. C'est un livre qui retrace les jeunes années de Charlotte à l'Abbaye aux Dames de Caen, qui nous apprend que Charlotte vivait rue Saint Jean et que le bâtiment a disparu avec les bombardements durant la Seconde Guerre mondiale. 

J'ai appris tant de choses sur le passé de la région et sur la ville de Caen (qui est ma ville de résidence), rien que pour cette raison j'ai adoré me plonger dans ce livre. 

Au-delà de Charlotte Corday, dont la particule a été supprimée avec la Révolution en 1790 (initialement elle était Charlotte de Corday, sa famille était noble mais sans fortune), Astrid de Laage s'intéresse également à Simonne Evrard. Bien que sa présence soit parcimonieuse, elle tient enfin la place qu'elle aurait dû tenir de tout temps : celle de la fidèle femme du Marat qui possède son propre nom et qui n'est pas juste une figure palote dans le sillage de l'Ami du peuple. 

Mais revenons à ce qui nous intéresse : pourquoi un tel geste ? quelqu'un a-t-il mis ces idées dans la tête d'une femme ? 

C'est ce qui a été avancé lors du procès de Corday. Oui, évidemment, pourquoi une femme irait-elle tuer un citoyen, un Montagnard qui plus est ? et au nom de quoi si ce n'est au nom de ceux qui lui ont mis des idées dans la tête ? Forcément Corday était une femme, forcément elle ne pouvait penser par elle-même...

Pourtant il faut comprendre qu'à Caen, Marat et son Ami du peuple ne sont pas très bien considérés, pire "A Caen, on voit en lui un dictateur en puissance." 

Et d'ailleurs, Charlotte Corday est une femme de conviction : "Dans sa famille on voit d'un mauvais oeil sa passion des philosophes et la manière dont elle prend la parole pour exprimer des idées politiques, parfois avec violence. Cela ne sied pas à une femme, lui dit Madame de Bretteville. N'oubliez pas qu'à une femme, il ne sera pas pardonné de n'être pas modeste. La modestie et tous ces mots qui lui sont attachés : humilité, abnégation, douceur, déférence."

Ce sont ses convictions qui l'ont menées à Paris chez le citoyen Marat. 
De même que ce sont les convictions de Marat qui l'ont poussées à accepter la visite de Corday bien qu'elle ait été refoulée une première fois. 

Marat qui n'est pas sans reste puisque l'auteure prend le temps de revenir sur ses origines, sur son parcours (médecine à Londres notamment), Marat qui a ajouté lui-même un -t à la fin de son nom de famille quand il a publié Les Chaînes de l'esclavage, le seul de ses ouvrages signé de son nom.

De sa plume sortent les mots de ceux qui n'ont jamais eu la parole, qui n'ont jamais eu le choix. C'est ce qu'elle a aimé chez lui, tout de suite. Ce sens radical de la justice.

Finalement son Adresse aux Français (à l'origine d'une bataille entre Etat et collectivités concernant son appartenance) révèle mieux que quoi que ce soit d'autre la motivation à l'origine de l'acte meurtrier. 

"Encore un peu de temps, pense-t-elle, et il ne restera de vous que le souvenir de votre existence." 

dimanche 2 juillet 2023

Vidocq ou l'énigme du Temple de Louis Bayard

Un ouvrage ne fait pas l'autre ! la preuve : je suis passé à côté d'Un oeil bleu pâle. En revanche j'ai beaucoup aimé Vidocq ou l'énigme du Temple

L'atmosphère change radicalement, exit le gothique et le double d'Edgar Allan Poe, exit les Etats-Unis des années 1830 et bonjour le Paris de la Restauration. 

En 1818 les Bourbons sont de retour, mais les tensions demeurent. A peine trois ans plus tôt la Terreur blanche avait lieu. Le pays est entre le souvenir sanglant de la Terreur, les conquêtes flamboyantes et la débâcle de Napoléon et le retour d'un système que l'on croyait révolu. 

C'est dans cette atmosphère trouble que vont évoluer les personnages principaux, Hector Carpentier, étudiant en médecine et Vidocq. 

Le personnage éponyme n'est autre qu'Eugène-François Vidocq. Figure historique, elle remplace en quelque sorte le Poe d'Un oeil bleu pâle

Fidèle à l'Histoire, Louis Bayard dépeint un ancien bagnard devenu chef de la "brigade de sûreté" en 1811 mais officiellement reconnu comme tel lors de sa grâce en 1818. Physionomiste d'exception Vidocq était un détective hors pair ; l'auteur ne l'a pas inventé. 

En puisant dans l'Histoire de la France du 19ème, Louis Bayard questionne un événement toujours discuté : le Dauphin, fils de Louis XVI et Marie Antoinette est-il mort au Temple comme tout le monde le croit ? N'a-t-il pas pu être sauvé, emmené, caché...? n'a-t-il pas pu être sauvé car malgré son statut et le sang royal coulant dans ses veines, n'était-il pas qu'un enfant de dix ans ? 

Vidocq ou l'énigme du Temple referme une double temporalité : 1818 avec Hector et Vidocq et une plus ancienne, probablement en 1795 puisque c'est l'année où la mort de Louis-Charles est annoncée. 

Cette double temporalité modifie la narration : la première raconte les événements des années après qu'ils soient survenus, la seconde nous plonge dans le passé actuel puisqu'il s'agit d'un journal tenu par un médecin ayant accès au Temple. 

La reconstruction historique est réussie au point que l'on se croirait effectivement dans le Paris de la Restauration. Le personnage de Vidocq renforce d'ailleurs cette impression de réalisme - d'où l'intérêt d'ajouter une figure réelle qui est à la fois reconnue par certains et méconnue pour beaucoup d'autres. 

L'enquête est d'autant plus prenante qu'il s'agit d'un véritable mystère : qu'est-il arrivé à Louis-Charles ? est-il mort en 1795 comme annoncé ou plus tard ? 

La fin du roman est magistrale. L'auteur nous balade comme il l'entend. Il nous donne à voir une solution, mais l'est-elle réellement ? 

J'ai adoré l'ambiance, le mystère et l'inconnu entourant le Temple, cette dernière prison pour la royauté, ce lieu de infesté de vermines et de mort. J'ai aimé être aux premières loges grâce au journal autant que de revenir sur les lieux sans y être invité grâce aux recherches d'Hector et Vidocq. Ficelé comme une enquête doit l'être, l'auteur nous tient en haleine jusqu'au bout des 470 pages. Bel exploit puisqu'on ne s'ennuie pas un instant !


[collaboration commerciale non rémunérée]


dimanche 25 juin 2023

Le roman d'un chef-d'oeuvre des éditions Ateliers Henry Dougier

Les Liaisons dangereuses selon Fragonard d'Anne de Marnhac

« Il faut peut-être que l’œil apprenne à voir comme la langue à parler », avait écrit Diderot.

Chaque ouvrage offre une plongée au cœur de l’œuvre picturale mais pas que. Avec Hopper on rencontrait Joséphine, la femme-muse effacée, avec Manet c’était le modèle, avec Munch, c’était un point de vue autobiographique, un retour sur sa relation avec les femmes dans sa vie et dans son œuvre.



Anne de Marnhac n'entre pas dans la peau du peintre à l'aide d'un je faussement autobiographique, elle instaure une distance qui permet de suivre le peintre et son époque. Le contexte est central pour comprendre comment l’œuvre a été conçue, pourquoi et pour qui. Ce sont d’ailleurs les questions au centre de ce texte : pourquoi le verrou ? la scène décrit-elle quelque chose qui s’est déjà passée ? au contraire, amorce-t-elle une scène plus sensuelle ?


Tout en revenant sur le parcours de Jean-Honoré Fragonard, sur la vision que lui portaient ses contemporains, on entre dans son intimité en quelques phrases : Fragonard a vécu la majeure partie de sa vie au Louvre, avec sa femme, sa fille et sa belle-fille. Considéré à tort comme un libertin, Fragonard était en réalité un homme simple, un peintre différent de ce que ses contemporains et la postérité ont cru :

Contrairement à ce que laisse supposer sa réputation de peintre spécialisé dans les images galantes, les scènes de vie familiale occupent une place importante dans son activité artistique. 

Fragonard n’a pas une très bonne réputation de son vivant. Si prometteur, il a tout gâché en s’éloignant de la dynamique des Salons et des commandes interminables.

Que lui reproche-t-on, finalement ? En fait, on lui en veut d’avoir abandonné le grand genre, c’est-à-dire la peinture d’histoire.

Mais qu’importe, Fragonard est soutenu par le marquis de Véri, un amateur d’art qui lui laisse le temps, qui lui offre des projets ambitieux et intéressants. Des projets scandaleux aussi. C’est le cas de cette commande du Verrou qui doit être le pendant d’un autre tableau, religieux celui-ci, L’Adoration des bergers (1775).

L’élaboration du Verrou est passionnante, la gestuelle, le choix des couleurs... L’auteure nous plonge au cœur de l’œuvre tout en s’interrogeant sur son sens : s’agit-il d’une scène qui donnera lieu à une agression sexuelle ou à une scène tendre entre deux amants ?

Le Verrou n’est pas une scène de contrainte mais une chorégraphie amoureuse ;

Le temps s’est arrêté. C’est un moment unique. Un moment où les êtres sont vrais, où leurs corps parlent pour eux : prosternation, étreinte. Un moment où leurs visages disent la profondeur de leurs sentiments, leur lien ineffable à l’autre.

Qu’est-ce qu’aimer ? »

Les vêtements défaits de l’homme, le regard fuyant de la femme, ce bras posé sur le verrou en un geste mystérieux, tout évoque le mouvement, l’action en train de se faire, une des choses que Fragonard affectionnait particulièrement :

Il a peint et dessiné tant de paysages… Ils portent tous la marque de cet amour vibrant : des arbres qui se balancent dans le vent, des feuilles qui frémissent, de l’eau qui s’écoule dans les fontaines, des nuages vaporeux, qui filent dans le ciel… Le mouvement, toujours le mouvement.

La mort du marquis de Véri a entraîné la dispersion de sa collection et, fatalement, la séparation des deux tableaux initialement conçus pour être accrochés ensemble.

De même, lors de la vente aux enchères apparaît une gravure intitulée L’Armoire et qui n’est pas sans rappeler le Verrou. S’agit-il du véritable pendant ? De la scène qui aurait pu se produire si l’homme n'avait pas poussé le verrou ?

La gravure montrait un couple surpris par des intrus, un lit défait, une porte entrouverte que les amants auraient été bien inspirés de fermer à clé… 

Le Verrou revient sur le devant de la scène en 1974, suite à son achat par le musée du Louvre. Aujourd’hui il est visible aux côtés de son pendant, L’Adoration des bergers.

En prenant le point de départ du Verrou, Anne de Marnhac donne un aperçu du XVIIIe d’un point de vue historique (la naissance de Fragonard correspond au règne de Louis XV et à la tendance au libertinage) et artistique. Autant pictural que littéraire d’ailleurs, puisque l’auteure va jusqu’à s’arrêter sur Les Liaisons dangereuses de Laclos publié en 1782.

 

Pour celles et ceux qui souhaitent découvrir Fragonard ! et pour les initiés, Les Liaisons dangereuses selon Fragonard est une belle synthèse sur ce fameux tableau dont l’énigme ne sera probablement jamais résolue.

-----------------------------------------------------------------------------------

angoisses et désir selon Munch de Marc Lenot 


Lundi, le 23 janvier, c’était l’anniversaire de la mort de Munch, dimanche dernier la fin de la super expo Un poème d’amour, de vie et de mort au musée d’Orsay. 




Si l’on connaît tous Le Cri et son atmosphère angoissante, la plupart de ses œuvres n’ont pas de notoriété similaire (excepté Une soirée sur l’avenue Karl Johan peut-être) mais pourtant Edvard Munch ne se résume pas à cette image d’un cri infini, Edvard Munch c’est avant tout un peintre à cheval entre deux siècles, un peintre avec des préoccupations de son temps. 


angoisses et désir selon Munch prend pour point de départ l’année 1902, le 11 novembre précisément. Un événement majeur, inoubliable, arrive ce jour-là : son amante, Tulla, lui tire dans la main gauche. 


Cette entrée intimiste de Munch a le mérite de nous plonger au cœur du thème principal choisi par Marc Lenot : les femmes dans la vie du peintre. 


Dans cette biographie romancée, l’auteur s’arrête sur les expériences de Munch tout en développant les sentiments qu’il puise directement à la source en citant le peintre pour être au plus vrai

« La vérité se situe entre deux mensonges »

ou bien il cite des tableaux et c’est dans l’analyse que l’on comprend où le peintre norvégien a voulu en venir. 


Ce qu’il a voulu montrer, ce qu’il a voulu dire… ses relations aux femmes sont complexes mais n’ont rien de misogynes contrairement à ce que l’on peut croire. 

Oui il a appelé des tableaux Vampire, Madone, Jalousie, oui il y a eu de nombreuses femmes dans sa vie, de nombreuses femmes qui l’ont fait souffrir, qui l’ont abandonné, qui l’ont mal-aimé.

Oui Edvard Munch a une relation très complexe avec les femmes, relation que sa peinture traduit plus que n’importe quel mot. 


Il faut dire qu’il souffre d’un abandon originel : sa mère, tuberculeuse, n’a jamais eu de marque d’affection de peur de transmettre son fardeau. Lorsque le petit Edvard a cinq ans sa mère s’éteint et c’est sa tante qui prend le relais. Par la suite c’est son pilier, sa sœur aînée Sophie, qui succombe à la maladie. 

« Les femmes de mon enfance furent tragiques et désincarnées. »

Munch est seul car sa famille est maudite. 


Cette certitude d’une génétique meurtrière est ce qui le persuade de ne jamais avoir d’enfant : à quoi bon transmettre son mal-être, ses angoisses (de liberté), sa solitude, sa peur du désir ? A quoi bon avoir un enfant car son héritage reviendrait à le condamner ? 


Mais Marc Lenot le montre très bien, il n’y a pas de haine des femmes, il y a une réflexion, et même un désir prégnant, il y a l’envie et l’interdit ; un mélange d’interrogations sans fin que Munch a tenté d’illustrer grâce à sa multitude de tableaux mettant en scène des femmes — un tiers de sa production représente des femmes, preuve qu’elles étaient pour lui une source inépuisable d’inspiration. 


En s’arrêtant sur les figures féminines qui ont marqué sa vie (le primo romancier va jusqu’à prendre la voix de deux femmes de l’entourage du peintre) Marc Lenot nous entraîne à la découverte de la psyché de Munch, au cœur des interrogations essentielles de l’homme autant que de l’artiste. 

On découvre un homme malheureux, mais un homme qui pense que son malheur est en partie le moteur de sa création. 


Car tout n’est pas noir. Si la dépression (et l’alcoolisme notamment) n’a eu de cesse de planter ses griffes dans ce corps au désir famélique, elle n’en demeure pas moins une des raisons expliquant la variété d’œuvres signées Edvard Munch. 


Mention spéciale pour l’inclusion des mots du peintre norvégien, ainsi que pour les descriptions picturales qui donnent une autre vision des œuvres, diverses, qui n’ont que peu de choses à voir avec Le Cri - peinture que Marc Lenot a eu la bonne idée de laisser de côté. 

Mais je n’ai pas décrit que des stéréotypes de « la Femme » ; j’ai peint des femmes, ni vampires, ni madones, ni prostituées, figures humaines individualisées, complexes et diverses : un tiers de mes cent quarante portraits est constitué de portraits féminins et, de tous mes tableaux, il y en a bien un tiers qui parle d’amour, des femmes, de l’énergie sexuelle, d’une manière ou d’une autre.

Merci encore Atelier Henry Dougier pour cette découverte. 


↗️ Pour tous les amoureux du peintre norvégien ! 

---------------------------------------------------------------------

Le dernier sommeil selon Caravage d'Alain le Ninèze


En s’intéressant au tableau représentant la Vierge montant au ciel, Alain le Ninèze aborde les dernières années de la vie du Caravage. 

En prenant pour narrateur un fidèle apprenti du peintre italien, l’auteur se concentre sur les sources historiques. 



On retrouve donc la plupart des éléments déjà vus dans le roman historique de Peter Dempf à quelques exceptions près - si le peintre italien vous intéresse et que vous aimez les thrillers, Le Mystère Caravage est fait pour vous ! - dont la plus importante est le fait qu’il n’y a pas autant d’intrigues et de personnes qui souhaitent faire tomber le Caravage. 

Néanmoins on retrouve les mêmes protagonistes (les mêmes protecteurs notamment), ainsi que le même postulat de départ : un corps de femme a été retrouvé dans l’eau, le peintre va récupérer le cadavre pour peindre sa Vierge. Problème c’est une prostituée et une ancienne maîtresse avec ça ! 


Un livre très court pour en apprendre plus sur les dernières années de la vie de Michelangelo Merisi da Caravaggio (appelé le Caravage en référence à son village de naissance : Caravaggio), mais aussi sur son tableau La Mort de la Vierge (1601-1606), exposé au Louvre. 

Saviez-vous que le Caravage et Rubens se sont rencontrés ? C’est à l’artiste flamant, grand admirateur de l’italien, que l’on doit l’achat du tableau par le duc de Mantoue. 

Aussi, l’auteur s’intéresse aux techniques de création du peintre et si la tableau au centre du texte est celui de La Mort de la Vierge, il n’empêche qu’il en mentionne d’autre comme c’est le cas de Madone aux serpents

Mon tableau illustre cette phrase de la Vulgate où il est écrit que Jésus « écrasera la tête du serpent ». Jésus ou bien Marie, il y a une incertitude sur ce point dans le texte latin de Jérôme : selon le choix qui est fait entre l’un ou l’autre, on est jugé bon catholique ou, au contraire, partisan caché de ceux qui ne vénèrent pas la Vierge Marie, je veux dire les réformés. J’ai contourné le problème en leur faisant poser tous deux en même temps le pied sur la tête du serpent. Mais cela n’a pas suffi aux cardinaux de Saint-Pierre, ils ont jugé que je n’avais pas tranché assez nettement en faveur de Marie. Autrement dit, pour eux, je fais des concessions aux luthériens, je suis de leur côté… 


J’ai pris plaisir à retrouver la plume d’Alain le Ninèze qui va droit à l’essentiel comme c’était déjà le cas avec La femme moderne selon Manet, bien que le traitement soit radicalement différent. 

L’auteur nous dévoile qu’il s’est inspiré des deux premiers biographes du peintre milanais : Giovanni Baglioni et Giulio Mancini, mais il n’empêche, les sources ont beau être existantes, elles demeurent incomplètes et mystérieuses, notamment quand il s’agit d’élucider la mort du Caravage…


Le dernier sommeil selon Caravage donne un aperçu de la fin de la vie du grand peintre Caravage tout en mettant en valeur sa peinture et son génie. 


-----------------------------------------------------------------------------------


La femme moderne selon Manet d'Alain le Ninèze 

Pendant mes années lycée j’ai choisi de prendre l’option Histoire de l’art ce qui m’a permis de découvrir une multitude de choses et d’en apprendre un peu sur l’histoire picturale. Je ne dis pas ça pour raconter ma vie (pas seulement), mais bien parce que j’ai eu l’impression d’être face à ma professeur d’HIDA lors de ma lecture de ce titre. 

En s’intéressant à Édouard Manet et à sa magnifique OlympiaAlain le Ninèze revient notamment sur l’année 1863, très importante dans la peinture, car à cette époque les peintres sont esclaves du Salon, ils dépendant du jury de celui-ci, jury pour le moins conservateur. 


En 1863, Manet et ses amis peintres sont refusés, mais face à une nouvelle injustice (le classicisme perdure tandis que ceux que l’on appelle les modernes sont laissés sur le carreau, ce qui, une vingtaine d’années auparavant, a commencé à faire des remous. Baudelaire a par exemple pris la plume pour défendre ces peintres qui entraient en rupture avec le rigidité du Salon officiel), il n’est pas question d’en rester là. 


C’est d’ailleurs pour cette raison que Napoléon III a pris la décision d’exposer les refusés dans une aile du Palais de l’Industrie qui abrite déjà le Salon officiel. 

Ce salon des refusés a permis à Manet d’y exposer son Déjeuner sur l’herbe, considéré comme moralement discutable. 


L’année 1863 est aussi celle où Manet a peint l’Olympia (présenté au Salon deux ans plus tard), ce tableau que l’on peut aujourd’hui admirer au Musée d’Orsay. Ce qui est amusant d’ailleurs c’est que la Vénus moderne de Manet se trouve à proximité du tableau qui a rencontré un vif succès au Salon cette année-là : La Naissance de Vénus de Cabanel, chef-d’oeuvre de l’art académique. 


L’Olympia et la Vénus sont radicalement différentes et témoignent d’un changement de goût et d’approche picturale. 

Manet entend renouveler la peinture : au diable les anges et autres thèmes religieux, au diable les convenances et bonjour à la réalité. Bonjour à cette femme, Victorine Meurent, modèle de Manet et narratrice du livre qui nous intéresse. 


Victorine a posé à de nombreuses reprises pour le peintre sur une période de dix ans, avant de devenir elle-même peintre, mais Alain le Ninèze s’intéresse uniquement à la relation entre Manet et Victorine en imaginant un journal intime écrit par la main féminine. Journal intime relatant ses rencontres avec Manet ou certains de ses amis - la « bande des Batignolles ». Elle raconte sa relation avec le peintre, uniquement platonique (elle était lesbienne), les réalisations et la réception des toiles… elle nous entraine dans l’intimité du travail du peintre, là où Catherine Guennec nous emmenait dans l’intimé familiale de Hopper


Ainsi le peintre est omniprésent mais il est en même temps une figure fantomatique du livre. Présent et transparent.

Victorine s’impose comme la figure forte, à l’instar de sa présence dans les toiles de Manet : elle concentre toute l’attention. 


La femme moderne selon Manet reprend l’histoire de l’art et cette fameuse rupture entre classique et moderne. On rencontre des noms connus au détour des cafés et on est transportés dans ce Paris des années 1880 pour notre plus grand plaisir. 



Bien différent du livre sur Cape Cod Evening de Hopper, Alain le Ninèze parvient à nous immerger dans une époque révolue mais ô combien passionnante ! Mais toujours par le biais d’un personnage considéré comme secondaire par l’Histoire. 




――――――――――――――――――――――――――――――――




Les heures suspendues selon Hopper de Catherine Guennec

 

Il interrogeait Ed sur l’absence de personnages, ou leur isolement. Ed, et ça je m’en souviens parfaitement, avait répondu, à contrecoeur, presque à voix basse : « C’est sans doute le reflet de ma propre solitude, je ne sais pas… C’est peut-être aussi toute la condition humaine. »


Qui n’a jamais eu envie d’entrer dans un tableau ? De connaître sur le bout des doigts ses traits, ses nuances de couleur ? Qui n’a jamais souhaité connaître son histoire ? Sa clé de fabrication ? 

Avec sa nouvelle collection « Le roman d’un chef-d’oeuvre », les éditions Henry Dougier nous offre cette possibilité. 





Catherine Quennec s’est penché sur l’immense Edward Hopper et son tableau Cape Cod Evening

C’est l’occasion pour le lecteur de plonger à la fois dans l’oeuvre picturale mais aussi de découvrir la relation du peintre avec sa femme, Josephine. 

C’est par le point de vue de cette dernière que l’histoire du tableau, et plus largement de sa vie avec Hopper, nous est racontée. 

On peut dire qu’Hopper n’était pas des plus faciles à vivre. 

Et que Joséphine a été malheureuse et laissée dans l’ombre. 


La vie du couple, celle de l’artiste… tout était bon pour aspirer la belle Joséphine, elle-même peintre, mais qui peut bien s’en souvenir ? 

N’a-t-elle pas tout abandonné pour lui ?   


J’ai lu ce roman comme un hommage au peintre évidemment, mais surtout un hommage à celle qui a partagé sa vie, qui a été son seul et unique modèle, celle qui méritait tellement plus et s’est contentée de si peu. 


J’ai refermé Les heures suspendues selon Hopper avec l’impression d’avoir découvert un destin brisé et malgré tout si brillant ! J’ai fait la rencontre de la femme de mon peintre préféré (avec Courbet !) et j’ai pu assister à une plongée au coeur de son oeuvre grâce aux renvois à certaines de ses toiles. 


Si vous aimez Hopper, si vous aimez le mélange réalité/fiction, ce livre est fait pour vous ! 

Pour les autres, les ateliers Henry Dougier ont également publié des histoires autour de tableau de Géricault, Van Gogh, Klimt ou encore Gauguin. 

Et pour ma part il me reste à découvrir « La femme moderne selon Manet » avec son célébrissime tableau Olympia


Après avoir lu ce titre, quelle n’a pas été ma tristesse quand j’ai lu que Joséphine a fait don de toutes les oeuvres de son mari mais aussi des siennes avant de mourir. La plupart de ses toiles ont tout simplement été jetées par manque de place. 

Aujourd’hui, Joséphine n’a toujours pas eu la renommée qu’elle méritait : elle n’a encore jamais été exposée… 


« Chez Hopper, on a toujours l’impression que quelque chose de terrible vient de se passer ou va se passer » confie encore Wim Wenders.






La promise au visage de fleurs de Roshani Chokshi

Il était une fois un homme qui croyait aux contes de fées. Il était une fois un homme qui savait que les contes révèlent ce qui demeure cach...