dimanche 17 janvier 2021

Les Fleurs d'hiver d'Angélique Villeneuve

Les Fleurs d’hiver d’Angélique Villeneuve était sur ma liste de souhait depuis au moins 5 ans. 

Comme souvent, on oublie, on s’offre d’autres livres, et puis voilà qu’un jour, par un heureux hasard, on le trouve en seconde main, pour une bouchée de pain. 

Aussitôt acheté, aussitôt lu. 




Roman court (150 pages environ), Les Fleurs d’hiver nous entraîne en 1918, en octobre plus précisément. La guerre est encore là, même si nous savons très bien aujourd'hui qu’il reste un mois avant que soit déclarée l’armistice. 


Jeanne, la femme de Toussaint vit à Paris, dans un minuscule appartement avec sa fille, Léonie. Léo est la deuxième fille du couple, la première étant décédée quelques années plus tôt. 

Cette petite fille, Toussaint ne l’a pas vu grandir. Il a dû, comme tant d’autres, partir sur le front. Et malgré les espérances, malgré les idées de « d’ici Noël on sera rentrés », la guerre se perpétue et avec elle, la séparation, les privations, les morts. 


Toussaint est finalement rapatrié. il est une gueule cassé. 

Hospitalisé à Val-de-Grâce, il envoie une lettre à sa femme pour lui dire… et bien de ne pas venir.

Toussaint ne veut pas la voir et Jeanne se trouve alors dans une situation délicate. Elle qui rêve de retrouver son mari, sa légèreté, leur amour, elle ne peut même pas lui rendre visite. 


Cette lettre, elle sera comme si Jeanne avait mangé du plomb : elle reste sur l’estomac et l’abîme en même temps. 


Voilà que Toussaint rentre enfin. Affublé d’un bandeau qui mange la moitié de son visage, il est silencieux, presque inexistant. Il ne bouge pas, il reste prostré à attendre on ne sait quoi. 

Il refuse de parler, de se laisser regarder. 

Jeanne a peur de son retour, elle a peur parce qu’au final, elle est presque plus seule depuis qu’il est rentré que quand il n’était pas là. 


Parallèlement on suit d’autres personnages, deux autres femmes, qui vivent elles aussi dans le même immeuble que Jeanne. Dont une femme, celle qui a tout perdu. Il lui restait un garçon avant la guerre, et voilà que ça aussi, on lui a pris.


Les Fleurs d’hiver interroge sur la perte. La perte inexorable et la perte "partiel". 

Comment appelle-t-on ces femmes dont leur mari revient mais dont il n’est plus le même ? Jeanne n’est pas veuve, mais son mari, à l’instar d’un fantôme, n’est plus que le reflet de ce qu’il était. 

Comment appelle-t-on une petite fille qui n’a jamais rencontré son père, que l’on décrit d’une telle façon, et qui s’avère, à cause des aléas de la vie, complètement différent ? 


Les Fleurs d’hiver se concentre sur un type bien particulier de perte. Sur la mort, tangible et immanquable, et sur la guérison, qui ressemble parfois à une mort lente. 


Jeanne m’a ébloui par sa force, Toussaint m’a touché par son mutisme, par sa honte peut-être à devoir vivre avec ces pensées atroces, à devoir vivre avec son visage, cette gueule cassée qui ne peut que lui rappeler des mauvais souvenirs. 


Tous victimes de la guerre mais à des degrés différents, Les Fleurs d’hiver est un roman délicat sur l’amour indestructible, sur les gueules cassées et la difficulté de retourner à la vie après cela. 

Un court roman intimiste et touchant, tant par le style fin de l’auteure, que par le choix de son sujet, fort et fragile. 








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