dimanche 14 février 2021

Le Mal-épris de Bénédicte Soymier

Bon je vous préviens tout de suite ce post n’aura rien de bien original. Si j’avais pu attendre quelques semaines avant de le publier je l’aurais fait. Juste pour ne pas donner cette impression de trop-plein, ce rabâchage de voir un livre passer des dizaines de fois. Tellement de fois que sa couverture nous sort par les yeux et son titre nous donne le tournis. 




Paul Paul Paul. 


Quelle est cette vie que tu as vécu, cette enfance que tu as supportée, toi l’écorché, toi le « pas beau », toi qui n’intéresse personne et vit seul reclus. 


Les beaux. Tous ces faux moches du dedans, ces vernis à gratter. Que de la couche de surface, qui trompe et qui cache. Les beaux, c’est laid. 


Tu en as connu des femmes. D’abord Léa, ce fantôme qui t’a quitté pour un autre, un malabar. Puis Mylène, ah la belle Mylène aussi belle que toxique pour toi, Paul, qui ne sait pas différencier un sentiment d’un autre. 

L’amour, le désir, la jalousie, la honte, la fuite, la colère. 


Paul fait de la peine, il s’enferme dans sa tristesse jusqu’à sa rencontre avec Angélique. 

Peut-être y a-t-il un espoir, après tout Angélique non plus n’est pas un canon de beauté. Ce n’est pas Mylène. Elle est ronde et s’habille comme une pute cette aguicheuse. 

Enfin ça, c’est ce que pense Paul.  


Le Mal-épris raconte la descente aux enfers, la folie d’un homme perdu, d’un homme « qui n’est pas comme ça » mais qui doit bien reconnaitre qu’il l’est quand même. 

Un homme violent violenté toute sa vie. Sans repaire, sans attache, sans rien.


Paul c’est des beaux yeux et un bel intérieur, au-delà il n’y a rien. 

Mais pourquoi ? 


Est-ce que Paul ne sait pas aimer ? Est-ce qu’il y a besoin d’apprendre à aimer correctement ? 


Je pense que Paul aime, il aime à en crever, lui que personne n’a jamais vraiment aimé jusqu’à Angélique. Jusqu’à ce qu’il brise tout. Parce qu’on ne lui a jamais donné la possibilité d’aimer comme il faut. 


« Il ne sait que prendre comme lui-même on l’a pris, l’amour à l’arrache, sans douceur, sans conscience. Des miettes. Il ne sait pas aimer, lui qui aime si fort. »


C’est ce qui est le plus touchant et difficile dans cette histoire, la détresse de Paul. Sa détresse malgré sa brutalité, sa rancoeur. 

Le problème ce n’est pas qu’il ne sait pas aimer, le problème c’est qu’il ne sait pas parler, ne sait pas se confier. 


La rupture est consommée avant même le début de la relation car il ne sait pas raconter ses peines, ses blessures. Il ne sait pas comment partager ce qui le rend si dur, ce qui lui fait si peur. 


Paul le Mal-aimé. 


Paul que j’ai adoré détester et adoré aimer.


Bénédicte Soymier nous entraîne au coeur de cette douleur, au creux d’une histoire de souffrance, où l’un boxe les sentiments de l’autre, le met au tapis par la violence de ses mots d’abord, la violence de ses coups ensuite. 


L’empathie pour Angélique est immédiate. Comment faire autrement face à cette femme dont le seul tort a été de se bercer d’illusion ? De croire qu’elle pouvait espérer mieux, plus… 

Celle pour Paul est plus complexe, on la ressent avec parcimonie. L’envie de le secouer et celle de le câliner se rejoignent et c’est dérangeant. C’est énervant aussi. Comment aimer un tel homme ? 


Le Mal-épris percute, il touche juste. Le style de l’auteure est à l’image de son histoire : hachée, prise dans le vif. Son plus grand succès ? Écrire l’histoire de Paul sans chercher à l’excuser, la tension est là, toujours plus forte, toujours plus difficile à regarder en face. Son Paul, une figure entre le héros et l’anti-héros, quelque chose de flou, pour tenter de comprendre les mécanismes d’une telle histoire d’amour. 

Comprendre sans jamais excuser. 

Raconter sans jamais décharger. 


Une vive réussite.


Prends-moi. Aime-moi. Moi. Moi que tu ne vois pas. Moi, cachée derrière les rires et les talons. Aime mes peurs, mes chagrins et mes peines, prends mon passé et mon histoire. Aime-moi au-delà de ce que tu crois. Aime-moi parce que je suis moi.







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