mercredi 14 avril 2021

Le musée des femmes assassinées de Marie Hummel

Ce titre, tellement accrocheur : Le musée des femmes assassinées m’a tout de suite donné envie. 



Maggie travaille pour le Rocque Museum à Los Angeles, un musée d’art contemporain. 

Chargée de traquer les coquilles dans les communiqués de presse et autres papiers officiels, Maggie nous entraîne au coeur de la vie d’un musée. 

Entre l’envers du décor, la scénographie, le personnel insoupçonné derrière chaque expo, etc., Maggie va nous donner un aperçu de l’artifice de l’art, des tractations douteuses et de l’omniprésence du bénéfice. On ne peut envisager une oeuvre d’art sans s’arrêter sur le prix que celle-ci pourrait rapporter. 


Ça c’est pour l’aspect « immersion dans le monde artistique » et c’est pas toujours réjouissant ! Mais l’auteure, Marie Hummel a elle-même travaillé dans un musée de ce style, elle s’est inspirée de son expérience personnelle pour pondre toute l’ambiance du Rocque et de ce milieu impitoyable. Force est de reconnaître que c’est intéressant comme plongée. 


Si les réflexions sur les oeuvres d’art, sur le concepteur, sur le galeriste et le collectionneur sont très intéressante, le propos du livre ne s’arrête pas là. 


En effet, le roman est très concentré sur le temps - l’essentiel des événements se passe sur une dizaine de jours - et il ne faut pas attendre pour que le vernissage de la troisième expo de l’extraordinaire artiste Kim Lord commence. 

Au programme, des portraits de femmes, toutes assassinées à L.A., toutes ont réellement existé. 


Je me souviens d’une déclaration de Kim Lord au sujet de la peinture, le médium qu’elle a choisi pour s’exprimer : le Tueur des Femmes esseulées, le Rôdeur nocturne, le Dormeur macabre - on donne aux monstres de Los Angeles des surnoms très évocateurs. Dans le même temps, leurs victimes ressemblent à des mannequins. Il y a ce vernis de glamour sur leur souffrance et leur humanité, a-t-elle dit.


Le seul hic c’est l’absence de l’artiste à son propre vernissage, où peut-elle bien être ? 

On suit Maggie qui n’a pas particulièrement d’affinités avec Kim mais qui va vouloir savoir ce qu’il en est. Est-ce qu’il s’agit d’un coup de pub de sa part ? a-t-elle été agressée, ou pire ? 


J’ai adoré l’ambiance et le sujet même du livre. En se fondant sur les histoires de multiples femmes ayant été tuées à L.A., Marie Hummel s’interroge aussi sur la ville, ce qu’elle promet et ce qu’elle donne. 

C’est passionnant et en même temps j’ai pas eu le sentiment d’aller au bout de la réflexion première : les femmes assassinées sont élevées au niveau de star presque (je pense par exemple à Elizabeth Short, le Dahlia noir…) et leur identité est d’une certaine façon engluée dans celle de leur meurtrier. 

Ou si celui-ci est inconnu, ces femmes ne sont définies uniquement par leur mort et non pour la vie qu’elles ont vécu… 


C’est assez horrible d’envisager les choses de cette façon et pourtant c’est bien ce dont il s’agit. L’attraction qu’on éprouve pour ce genre d’histoire (moi la première) oscille entre abjection et hommage. Le roman traduit bien ce paradoxe je trouve même s’il aurait pu aller encore plus loin. 



Le musée des femmes assassinées est intelligent. Marie Hummel s’est bien appropriée les codes du genre pour donner à voir une histoire prenante ! Son héroïne, Maggie, est elle aussi bien construite mais l’importance de son passé est sans doute ce qui m’a le moins intéressé — c’est tout à fait subjectif évidemment ! 


Pour celles et ceux qui éprouvent une certaine fascination pour les féminicides et la façon dont les médias s’en emparent, ou si vous êtes intéressés par l’envers du milieu de l’art. 


Avant longtemps le ravissant minois d’une énième femme assassinée apparaîtra à côté de celui de Laci, et celle-ci s’effacera pour rejoindre à son tour la toile de fond des autres victimes d’homicide. Nous qualifierons son cas de résolu ou non résolu, comme si connaître l’identité du meurtrier expliquait pourquoi elle a vu sa vie abrégée. Au final la raison de sa mort deviendra le cadre de toute son existence, et non pas le nombre infini de raisons pour lesquelles la défunte méritait de vivre. 


Le musée des femmes assassinées de Marie Hummel, traduit par Thierry Arson 


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