mercredi 10 février 2021

La Part des chiens de Marcus Malte

 « Sonia, Sonia, tu as pris mon coeur et mon âme avec toi. Ma maison est en flammes, Sonia. 

Sonia, mon amour. Est-ce trop demander ? 

Ce qui reste, tout le reste, n’étant que la part des chiens. »


Un roman qui laisse une trace. Comme une chaussure qui viendrait nous piétiner, incapable de bouger. 


La Part des chiens c’est le voyage de Zodiak et Roman le polac à travers une route toujours plus sombre et crasseuse.

C’est le périple de deux hommes à la recherche de la femme de l’un, la soeur de l’autre, Sonia. 






L’histoire est d’une rare obscurité. Pas un rayon ne passe, nous sommes confrontés à l’âme humaine dans tout ce qu’elle a de plus débauchée. 

Certaines scènes font vraiment froid dans le dos — je pense notamment à ce passage surréaliste dans un vieux cinéma, où le propriétaire et ancien projectionniste projette un film d’une brutalité et d’une atrocité assez hors norme. 

J’aime les lectures qui bousculent, qui brillent par leur violence, mais là ce n’était pas exactement ce sentiment. Plutôt une profonde gêne, un malaise sans fond. Quelque chose de dérangeant. Une place de spectateur non désiré, forcé de suivre une scène abominable sans que ça apparaisse comme tel dans le roman. C’était spécial, et passionnant - oui j’ai conscience de passer pour folle en cet instant ! 


Zodiak représente le roman à lui tout seul, tiraillé entre l’horreur du monde, sa solitude, et la beauté, l’espoir, sa femme. Le roman joue sur le même registre, c’est-à-dire qu’il joue toujours sur la beauté des choses, sur un certain lyrisme, quand en réalité il n’y a que des atrocités. 

Des atrocités qui montent crescendo au fur et à mesure de la lecture. 


Si bien qu’on arrive à un point de non retour. On arrive là où on aimerait ne pas être. On entend la réalité qu’on aimerait autre. Tout ça pour ça ? Toutes ces souffrances, toutes ces horreurs ? Comment est-ce que ça peut se terminer ? Comment est-ce que ça va se terminer ? 


La route est semée d’embuche, et La Part des chiens raconte ce voyage, plus que son arrivée… La fin est à la hauteur du roman, dur et probablement sans espoir. L’auteur nous convie à faire une balade avec ses personnages, une balade grinçante et dérangeante où le lecteur doit accepter la part d’ombre de chacun. 


Le style de Marcus Malte n’a rien d’ampoulé, les mots sont là, jetés à la figure et pourtant travaillés, assomant de brutalité. 

C’est violant, bien plus que les autres que j’ai pu lire de l’auteur, adepte du roman noir. 

Mais qu’importe ? Les personnages sont là, posés, et ne demandent qu’à être découverts. 

Zodiak, son enfance, sa rencontre avec Sonia, c’est à cela qu’il faut se raccrocher pour ne pas dériver. C’est l’amour le seul espoir. 

Et quand l’amour nous trahit ? 

Ou quand l’amour est mort, que se passe-t-il ? 

Est-ce qu’on continue à avancer ? 


Il faudra lire le roman pour le savoir ! 


« Nulle part, ni dans les traités, les précis, les manuels, les grimoires, ni sur la carte sans cesse renouvelée du ciel, nulle part n’était décrit cet élément à l’incommensurable puissance qui introduit la dissonance ou l’harmonie, qui engendre le chaos ou la paix, la souffrance ou la joie, qui créent le néant ou la plénitude, qui absorbe tout entière la matière d’une existence, qui la fait voler en éclats ou qui la comble au contraire, la parachève et la maintient dans son sens et son intégrité - selon qu’il vienne ou non à manquer. 

Nulle part il n’était question de son amour. »







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