mercredi 15 juillet 2020

Sauvage de Jamey Bradbury

Il y a des livres comme ça où les avis sont plus difficiles à écrire que d’autres. 

C’est le cas de Sauvage de Jamey Bradbury, lu pendant le confinement. Ça doit paraître loin à l’heure où je publie ces lignes (parce que j’ai écrit cet avis bien après et parce que j’ai dû mettre des plombes à vous le partager — c’est le souci quand on a trop d’articles en attente d’écriture et de publication…). 



On m’a offert Sauvage à cause de sa couv’ je pense, à mon avis l’une des plus belles de chez Gallmeister. Mais bref. 


J’avais très envie de le lire et aussi un peu peur ; j’aime le nature writing mais c’est parfois trop contemplatif pour moi et du coup il arrive que je m’ennuie un peu.


Rien à voir ici puisqu’il n’y a pas eu une seule page que j’ai trouvé en trop, il n’y a pas eu un seul mot qui ne sonne pas juste dans mon esprit. 


Sauvage raconte Tracy Petrikoff, dix-sept ans. Elle vit en Alaska avec son père, un musher renommé (en gros un guide de chiens de traineau). Sa mère est décédée quelques années plus tôt mais son ombre demeure au-dessus de la forêt mystérieuse entourant la maison de Tracy. 

On est arrivés à l’endroit où les arbres commencent à s’éclaircir aux abords de la rivière, et c’est là que j’ai été frappée par une sensation, une sensation qui m’est tombée dessus si violemment que j’en ai perdu le souffle et que des larmes me sont montées aux yeux. Comme si quelqu’un m’avait volé mon coeur sans que je le sache et que j’avais passé mon temps à errer en me sentant vide sans comprendre pourquoi, jusqu’à cet instant-là, où la chose m’est revenue, alors que je me tenais debout sur les patins du traîneau. Je l’ai sentie à l’intérieur de moi, ça battait fort dans ma poitrine, pour la première fois depuis la mort de Maman. En vie. Chaque particule de moi était en vie. 

Sa mère, avant de disparaître bien trop tôt lui a inculqué trois grands interdits, trois « tu ne dois pas » aussi nécessaires qu’incompréhensibles. Du moins en apparence. 


Tout s’enchaîne et Tracy, chasseuse née, qui aspire à gagner l’Iditarod junior mais aussi adulte (elle aura dix-huit ans juste avant le début de la compet’) ne pense qu’à la forêt et à ses chiens de traîneau. 


L’iditarod c’est une course qui a lieu chaque année en Alaska, une course de chien de traîneau qui est franchement longue. La distance fait plus de 1500 km… et a toujours lieu au début du mois de mars. 


Jamey Bradbury nous entraîne au coeur de l’Alaska, état sur lequel je n’ai jamais rien lu excepté Into the wild. 

Je voulais dire que le décor est un plus dans le roman, que l’ambiance créée par l’auteure est exceptionnelle et que c’est aussi ce qui permet d’entrer dedans aussi rapidement. Quasi instantanément presque. 


Mais ce n’est pas encore suffisant de dire ça. 

La vérité c’est que le livre entier est exceptionnel. La création des personnages, ambivalents et tout ce qu’il y a de plus attachants. L’insertion d’un fantastique qui sonne un peu comme une parabole, symbole de la fraternité entre les animaux et les humains autant que la mise en garde d’un péril. 

Et puis cette fin, bon Dieu j’en ai encore des frissons rien qu’en y pensant… 


Autant que je m’arrête là. 

Mieux vaut que je m’arrête là. 

Parce que finalement tout ce que je peux vous dire c’est allez-y, allez-y les yeux fermés ; ce livre est un coup de coeur. 

Immense. Fulgurant. 

J’y pense depuis mars et depuis mars je me dis « ok il s’agit d’une de mes meilleures lectures de 2020, mais aussi une de mes meilleures lectures tout court ». 

Sauvage est entrée dans mon top, dans ce classement très sélect où à l’origine seuls les livres du 19e et 20e avaient leur place… 


On retrouve une ribambelles de thèmes dans le roman, l'amour entre un père et sa fille, la jalousie, l'homosexualité, la violence des hommes, la quiétude de la nature qui, elle aussi, peut être menaçante. 


Sauvage de Jamey Bradbury, traduit par Jacques Mailhos et paru en mars 2019 aux éditions Gallmeister. 

Et profitez-en, il vient de paraître en poche toujours chez Gallmeister (vous n’avez donc plus d’excuse pour passer à côté !) 

Chaque arbre que je voyais, chaque pierre, chaque branche tombée, tout était comme un trou sur le chemin qu’on oublie sans arrêt. On y tombe à chaque fois, on se foule la cheville et on se dit, ce trou, il faut que je m’en souvienne, mais dès que la cheville cesse d’être douloureuse, on oublie de nouveau, et c’est cet oubli qui fait qu’on remarche exactement dans le même trou la fois d’après.





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