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lundi 24 juillet 2023

De la main d'une femme d'Astrid de Laage

"Il ne méritait pas tant d'honneur, il suffisait de la main d'une femme"

Charlotte Corday, surnommée "Ange de l'assassinat" par Lamartine est une femme de l'ombre (une de plus !) entrée à la postérité pour une seule action : l'assassinat du citoyen Marat. 

Astrid de Laage tente d'en apprendre plus sur cette cousine "au cinquième degré", sur sa famille et son héritage sur "Marat, Corday. Me raccorder à mon histoire. L'ouvrir. La désosser." 

De la main d'une femme est à la fois une enquête généalogique et une recherche historique sur la femme la plus célèbre de la Terreur. C'est un livre qui retrace les jeunes années de Charlotte à l'Abbaye aux Dames de Caen, qui nous apprend que Charlotte vivait rue Saint Jean et que le bâtiment a disparu avec les bombardements durant la Seconde Guerre mondiale. 

J'ai appris tant de choses sur le passé de la région et sur la ville de Caen (qui est ma ville de résidence), rien que pour cette raison j'ai adoré me plonger dans ce livre. 

Au-delà de Charlotte Corday, dont la particule a été supprimée avec la Révolution en 1790 (initialement elle était Charlotte de Corday, sa famille était noble mais sans fortune), Astrid de Laage s'intéresse également à Simonne Evrard. Bien que sa présence soit parcimonieuse, elle tient enfin la place qu'elle aurait dû tenir de tout temps : celle de la fidèle femme du Marat qui possède son propre nom et qui n'est pas juste une figure palote dans le sillage de l'Ami du peuple. 

Mais revenons à ce qui nous intéresse : pourquoi un tel geste ? quelqu'un a-t-il mis ces idées dans la tête d'une femme ? 

C'est ce qui a été avancé lors du procès de Corday. Oui, évidemment, pourquoi une femme irait-elle tuer un citoyen, un Montagnard qui plus est ? et au nom de quoi si ce n'est au nom de ceux qui lui ont mis des idées dans la tête ? Forcément Corday était une femme, forcément elle ne pouvait penser par elle-même...

Pourtant il faut comprendre qu'à Caen, Marat et son Ami du peuple ne sont pas très bien considérés, pire "A Caen, on voit en lui un dictateur en puissance." 

Et d'ailleurs, Charlotte Corday est une femme de conviction : "Dans sa famille on voit d'un mauvais oeil sa passion des philosophes et la manière dont elle prend la parole pour exprimer des idées politiques, parfois avec violence. Cela ne sied pas à une femme, lui dit Madame de Bretteville. N'oubliez pas qu'à une femme, il ne sera pas pardonné de n'être pas modeste. La modestie et tous ces mots qui lui sont attachés : humilité, abnégation, douceur, déférence."

Ce sont ses convictions qui l'ont menées à Paris chez le citoyen Marat. 
De même que ce sont les convictions de Marat qui l'ont poussées à accepter la visite de Corday bien qu'elle ait été refoulée une première fois. 

Marat qui n'est pas sans reste puisque l'auteure prend le temps de revenir sur ses origines, sur son parcours (médecine à Londres notamment), Marat qui a ajouté lui-même un -t à la fin de son nom de famille quand il a publié Les Chaînes de l'esclavage, le seul de ses ouvrages signé de son nom.

De sa plume sortent les mots de ceux qui n'ont jamais eu la parole, qui n'ont jamais eu le choix. C'est ce qu'elle a aimé chez lui, tout de suite. Ce sens radical de la justice.

Finalement son Adresse aux Français (à l'origine d'une bataille entre Etat et collectivités concernant son appartenance) révèle mieux que quoi que ce soit d'autre la motivation à l'origine de l'acte meurtrier. 

"Encore un peu de temps, pense-t-elle, et il ne restera de vous que le souvenir de votre existence." 

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