samedi 28 août 2021

Eichmann à Buenos Aires d'Ariel Magnus

 Ricardo Klement ça vous dit quelque chose ? 


Nom d’emprunt d’Adolf Eichmann lors de sa fuite en Amérique du Sud, Ariel Magnus, petit fils d’un exilé juif, nous raconte l’échappée du responsable de la logistique de la solution finale. 


Eichmann à Buenos Aires prend pour point de départ l’arrivée de sa femme Vera et de ses enfants. Klement se doit d’expliquer les événements survenus à la suite de la défaite, mais celui-ci ment effrontément. Oui il a été attrapé par les Américains, non il n’a pas été retenu parce qu’il est coupable de rien. 

Ce qu’il tait, c’est la vérité : retenu en camp, il s’est enfuit, et il doit se cacher.


À l’instar de La disparition de Josef Mengele d’Olivier Guez, l’auteur s’attache à décrire un milieu composé d’allemands si bien qu’on se croirait toujours en Allemagne s’il n’y avait pas ce poids de l’exil qui tient une place fondamentale dans la vie d’Eichmann. 

L’appeler Klement dans le récit s’inscrit comme une tentative d’enfouir sa vie passée qui ne cesse pourtant de le hanter, mais tout demeure intact : l’amour pour son pays, son engagement envers l’idéologie. 


L’idéologie, la grandeur passée, tout est intact à cause de ce cercle proche et on baigne toujours dans une réflexion sur l’extermination des juifs : comment s’en débarrasser ? 

Son fils Hans, démontrant de l’intérêt pour une petite fille de déporté (son grand-père, juif bolchévique, a été envoyé à Dachau), permet de délivrer le point de vue de l’Obersturmbannführer : « L’extermination physique ayant échoué, la dissolution générique semblait la seule option viable, même si elle requérait l’exposition de sa propre race à une contamination transitoire. » 

 

Le mot d’ordre de cet homme : les ordres, la hiérarchie. Comme un bon soldat il a suivi le mouvement. Instigateur de rien il ne devrait pas être trop inquiété, pense-t-il. 

Et les réflexions qui jalonnent le roman confirme l’idée qu’il a rempli sa mission, ni plus ni moins. Comment pourrait-il être coupable dans ce cas ? 

Comment pourrait-il ressentir du remords ? 


Malgré tout la réalité le rattrape toujours et il faut se « punir » avec l’aide de Vera, grâce à un rite, celui de s’enfoncer une carotte dans les fesses (oui oui), il faut éviter les fantômes du passé, les hommes comme Helmut Gregor, médecin à Auschwitz, spécialiste des jumeaux. 


Entre une envie de vivre sous sa propre identité (il envie Mengele de l’avoir fait) et la peur d’être découvert, le lecteur ne sait pas très bien si Eichmann n’a pas bêtement essayé d’être retrouvé afin d’arrêter cette course, ce cache-cache sans fin. Se décrivant comme un idéaliste, n’est-ce pas trop facile de se ranger sous la bannière des suiveurs ? N’a-t-il pas largement contribué au génocide, lui, l’expert des routes ferroviaires ? Ne tente-t-il pas vainement de se justifier quand il remâche les mêmes mots : je n’ai aucun remords car j’ai obéit ? 


Finalement Eichmann aura eu la fin qu’on lui connait. Condamné à mort en Israël, il a été pendu le 31 mai 1962. 

Dernier membre du groupe des décisionnaires (rappelons quand même sa présence lors de la Conférence de Wannsee le 20 janvier 1942), Eichmann a sans doute trinqué pour les autres, les absents, ceux qui ont lâchement fuit grâce aux ampoules de cyanure. 


Contrairement à La Disparition de Josef Mengele qui était (pour moi) trop centré sur la situation en Argentine et notamment sur Perón, grand ami des nazis, Ariel Magnus se concentre uniquement sur Klement et ses états d’âme. 

Le fait que ce soit un roman n’enlève rien à la force du récit puisque l’auteur s’est largement documenté sur la personnalité du nazi (voir la bibliographie).


Enfin, la postface rédigée par l'auteur fournit un éclairage nouveau sur sa démarche, elle conclut le livre avec brio ! 














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