mercredi 7 avril 2021

Rouvrir le roman de Sophie Divry

Dans la collection Notabilia des éditions Noir sur Blanc, Rouvrir le roman de Sophie Divry tient à une place un peu différente des autres. Seul et unique essai de la collection, l’auteure a tenté, avec ce livre, de penser le romanesque d’une autre façon. 


De prime abord il semble que l’essai s’adresse aux professionnels, aux auteurs principalement. Mais le lecteur peut y trouver son bonheur (la preuve !). 


Sophie Divry, par le biais de deux parties (Sur quelques idées reçues / Sur quelques chantiers) s’attaque à la très difficile tâche de commenter le roman contemporain. Et elle le fait avec une clarté que beaucoup doivent envier ! 


« Pour Bergounioux, un bon livre doit nous faire vivre d’autres vies, palpiter avec d’autres existences. Ce qu’il admire dans la littérature, « "c’est la capacité de notre esprit à se détacher de lui-même, à s’introduire dans un autre esprit. […]." » 


Je ne suis pas adepte des essais parce que c’est un peu à celui qui aura le langage le plus pompeux, le plus spécifique pour perdre le lecteur. Et malgré le fait que j'ai fait des études de lettres, ça ne signifie pas que je connais toutes les théories, les concepts, ou même les mots — loin de là même !

Alors les essais, bah ils ont tendance à me tomber des mains ! 


Là par contre, pas une seule fois j’ai eu envie de le refermer pour ne plus jamais l’ouvrir. Sophie Divry donne dans sa première partie des pistes intéressantes, elle interroge le narrateur, la présence du passé simple, le besoin de changer le roman. 


Surtout, ce que j’ai adoré, ce sont les exemples choisis. L’auteure est aussi lectrice est bon nombre de ses exemples sont tirés de littérature dite "populaire" comme la science-fiction par exemple. Elle cite des théories, les commente. 

Le style est fluide et agréable et c’est vraiment, pour moi, le gros point fort de ce livre parce qu’il permet de saisir ce qu’elle veut dire et où elle veut en venir. 


Alors oui, j’en vois déjà venir pour me dire : non mais n’importe quoi, son style est pompeux, elle se regarde écrire, etc. peut-être bien, mais en tout cas pas une fois j’ai eu ce sentiment. Au contraire j’ai trouvé qu’elle mettait en avant son avis de manière modeste, sans la prétention de délivrer une vérité mais bien de discuter de la situation et en quelque sorte de relancer un débat inépuisable. 


Rouvrir le roman est un essai stimulant qui interroge autant les pratiques d’écriture que de lecture. Même si l’auteur tient une place de choix dans les développements, le lecteur n’est pas éclipsé et on lui redonne la place qu’il aurait dû avoir depuis toujours : celle, indispensable de récepteur d’un texte. 


« Alors, pour les plus sensibles d’entre nous, savoir que le monde va mal, que les inégalités se creusent, et rester dans sa mansarde à se torturer sur la place de ses virgules, ce n’est pas possible, tôt ou tard, ça nous démange : la culpabilité. L’écrivain se sent coupable  d’être inutile, inactif, improductif, oisif, entretenu, coupable d’écrire dans la langue des dominants, dans celle des colonisateurs, coupable d’être passé de l’autre côté, coupable de trahir les valeurs des siens, coupable d’être fasciné par des enfantillages, coupable de jouir de fins plaisirs, alors que l’injustice, la guerre, la famine, etc. »






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