dimanche 4 octobre 2020

La Montagne de minuit de Jean-Marie Blas de Roblès

J’ai rencontré Jean-Marie Blas de Roblès lors du salon du livre de ma ville il y a plus de deux ans. J’ai pu échanger avec lui pendant un petit moment. J’ai rencontré un monsieur intéressant et surtout adorable. Je lui ai confié (avec un peu - pas mal - de honte) que je n’avais jamais lu de livre de lui, mais que j’aimerais découvrir Là où les tigres sont chez eux (pavé, lauréat du Médicis 2008). 



Il a été compréhensif et il m’a plutôt conseillé L’île du Point Némo pour démarrer. 

Le temps a passé et je ne l’ai toujours pas lu. Et puis je suis tombée sur La Montagne de minuit, un roman court. 


Même pas 200 pages pour raconter une histoire où il est question de solitude, de rejet, de passion pour le Tibet et le lamaïsme… et même, contre toute attente, de Seconde Guerre mondiale. 


La Montagne de minuit m’a plu. On fait la connaissance de Bastien, gardien d’une école jésuite. Voilà des années qu’il aurait dû partir en retraite, mais il n’a pas de famille, pas d’amis, pas d’argent. 

Une mère et son fils viennent s’installer dans l’immeuble où il vit. 


Cela va être l’occasion pour Bastien de sortir de son mutisme, mutisme dans lequel il a été plus ou moins forcé. Les raisons sont obscurs mais tout le monde se méfie de lui, surtout quand il s’agit des enfants - au début je croyais, un peu interdite, qu’il s’agissait d’une histoire d’attouchement… 

Quelle a donc été ma surprise quand j’ai compris qu’en réalité il était question de faits survenus pendant la Seconde Guerre mondiale ! 


Bastien semble pourtant inoffensif. Fasciné par le Tibet, il est touchant parce qu’il est seul et qu’il rêve d’une vie à des années lumières de la sienne. 


Sur un coup de tête, Rose (la mère, tout récemment rencontrée) décide de l’emmener au Tibet. 


Voyage initiatique, le Tibet s’affiche comme terre promise pour Bastien qui s’y sent parfaitement dans son élément : il parle la langue, connaît les lieux, etc. 

C’est aussi l’occasion d’en apprendre plus sur son passé, sur le fait que son père et son frère étaient des collabos, sur le fait qu’il est parti en Allemagne, dans une sorte de couvent pour moines tibétains. Ce serait-là que Bastien aurait tout appris. 


C’est grossièrement l’histoire de La Montagne de minuit (sans la fin évidemment !!), mais ce roman c’est aussi tellement plus que ça. 


C’est l’interrogation sur la place du narrateur dans l’histoire, tension qui ressort par le biais des interventions de la mère, Rose, qui s’adresse à son fils, le narrateur, qui a choisi d’écrire sur la vie de Bastien, cet obscur personnage. 

C’est aussi l’interrogation sur la tension entre fiction et histoire. C’est pile le questionnement qui m’intéresse pour mes études, et le retrouver là, sans s’y attendre, c’était inespéré… et passionnant. 


La Montagne de minuit est une illustration du mal que peut faire la littérature à l’histoire. C’est un exemple du fait que les mauvaises informations peuvent rapidement être prises pour vraies. Dans ce sens, le personnage de Rose, historienne de métier, en est la représentante, elle illustre du danger que peut représenter le mensonge, la déformation. 


« - Regarde Dan Brown et son Da Vinci Code. Je me fiche que ce type écrive mal ou raconte des conneries, la seule chose que je lui reproche c’est de commencer son livre en disant : « attention, tout ce que vous allez lire est la stricte vérité, je n’ai rien inventé », alors qu’ensuite il te raconte le Petit Chaperon rouge. 

- Alors j’écris « ceci est un conte », et je fais ce que je veux ?

- Juste une question de conscience personnelle. Quoi que tu dises, de toute façon, cela n’empêchera pas les gens de croire dur comme fer à leurs fantômes préférés. » 



Finalement Bastien demeure un personnage obscur, opaque, insaisissable. On ne sait comment il a appris tout ce qu’il sait. On ne sait comment il a vécu pendant la Seconde Guerre mondiale. 

Ce que l’on sait, c’est qu’il était un homme bon, ce qui devrait être suffisant. 


La Montagne de minuit a été une bonne découverte. Un court roman autour de questions nécessaires, avec des personnages attachants et étoffés. La plume de l’auteur est accessible (la plupart du temps) et agréable. On sent dès le début les immenses connaissances de Jean-Marie Blas de Roblès sans que ça passe pour de l’étalage. Bien au contraire l’auteur distille ici et là des bribes d’informations sur le Tibet, des morceaux d’interrogation, pour donner un roman court sur la quête identitaire et sur ce que la littérature vole à l’Histoire - ou inversement ? 









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