dimanche 6 septembre 2020

Dans le jardin de l'ogre de Leïla Slimani

« Ça n’en finit pas, Adèle. Non, ça n’en finit pas. L’amour, ça n’est que de la patience. Une patience dévote, forcenée, tyrannique. Une patiente déraisonnablement optimiste. » 


Lors de la sortie de Chanson douce en 2016, avec son couronnement par l’Académie Goncourt, j’avais trop envie de le découvrir. Surtout le nom de l’auteure m'était inconnue. Mais trop de médiatisation, une visibilité à en vomir. 




Alors j’ai repoussé et à la place, je me suis procurée Dans le jardin de l’ogre publié initialement en 2014 et réédité en 2018 dans cette magnifique édition collector de chez Folio. 


Dans le jardin de l’ogre parle de d’Adèle, mariée, mère d’un garçon, et accro au sexe

Enfin je ne suis pas bien sûre qu’il s’agisse uniquement d’une dépendance. Car Adèle est esclave de son sort. Incapable de ne pas coucher à droite à gauche, avec des collègues journalistes ou alors avec un mec un tant soit peu à son goût, de ne pas courir les rues de Paris, pendant que son mari l’attend chez eux.


Adèle souffre, Adèle est malade. Maladie de sexe, probablement de celle qu’on appelle trouble du comportement sexuel compulsif. À cause d’un manque d’amour aigu dans son enfance, sans doute ressent-elle le besoin de reconnaissance. Là où sa mère, jalouse de sa fille n’a engendré qu’un manque, une incomplétude, les hommes dont elle fait la rencontre au gré des nuits, des voyages d’affaires la font de sentir entière. Du moins rassasiée pour un temps. 


Voilà que son mari, Richard, désire quitter Paris, s’installer dans une maison, à la campagne, loin des remous de la ville. Quitter Paris ça signifie quitter les autres, les hommes, ceux qui peuplent ses pensées et ses cauchemars. 

Puis un jour, le pire arrive.


Adèle, démunie face à la réalité des choses se voit contrainte de se battre, de se réfugier auprès de son mari et d’espérer des jours meilleurs car personne ne la sauvera. 


C’est un premier roman audacieux que livre ici Leïla Slimani en s’attaquant à un sujet encore largement tabou : la sexualité féminine, plus particulièrement la dépendance sexuelle chez les femmes. Dans le jardin de l’ogre s’impose et cri à qui veut l’entendre que les femmes aussi ont des désirs, des fantasmes. Elles aussi peuvent être accro au sexe.


Jonglant entre l’énervement et l’émotion, Adèle apparaît comme un personnage fin, tiraillée entre une vie rêvée par beaucoup : le mari aimant, le fils, la carrière qui pourrait être quelque chose si on s’en donne la peine, la maison à la campagne pour se ressourcer ; et une vie de dépravée, à écumer les soirées, à ramener des hommes chez elle pendant que son mari est en déplacement. À mettre de côté sa vie familiale à cause de ça, de cette obsession qui ne la quitte jamais vraiment. 


Adèle est un personnage qui m’a touché parce que c’est un malheur qu’elle vit, une prison mentale. J’aurais aimé la suivre encore un peu plus, pouvoir me faire une idée de Richard, mais je ne me sens pas le droit de juger, ni Adèle, ni Richard, deux âmes en peine, forcés de compiler avec leur chagrin. 

La tristesse de Richard m’a touché dans les dernières pages, sa retenue face au corps de cette femme qui est la sienne. 


Dans le jardin de l’ogre est pour moi une lecture unique. J’ai été chamboulée, traversée d’émotions contradictoires pour les personnages. De la pitié à la haine, de l’énervement à la clémence. Un premier roman maîtrisé et intelligent sur des souffrances de femmes encore peu abordées. 


Adèle a déchiré le monde. Elle a scié les pieds des meubles, elle a rayé les miroirs. Elle a gâché le goût des choses. Les souvenirs, les promesses, tout cela ne vaut rien. Leur vie est une monnaie de singe. 


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