mercredi 8 juillet 2020

Thérèse Raquin d'Emile Zola

Écrit trois ans avant de se lancer dans la grande entreprise que représente les Rougon-Macquart, Zola fait de Thérèse Raquin une sorte d’introduction, ou même d’exposition de ce qui est pour lui le naturalisme. 


Il est loin le temps où je désirais lire l’intégralité de Zola, où j’ai commencé dans l’ordre chronologique avec La fortune des Rougon. Il est loin le temps où je lisais L’Assomoir ou Nana et me disait « quel grand monsieur quand même ce Zola ».



Il est loin parce que depuis il y a des centaines de livres qui me me sont passés entre les mains ; il est loin parce que depuis je suis tombée dans la littérature contemporaine et qu’il n’est pas toujours facile d’en sortir. 


Pourtant je ne désespère pas de me replonger dedans, et Thérèse Raquin m’a conforté dans cette envie. 


J’ai choisi ce livre dans ma bibliothèque pendant le confinement j’avais envie d’en profiter pour lire un classique, et puis surtout ma cop m’a dit qu’il est trop bien et du coup bah il m’en fallait pas plus ! 


Roman court (un plus on va pas se mentir !) et addictif. C’est bien simple j’ai eu l’impression de lire un thriller. Le genre d’histoire à suspense où tu as une idée précise de comment ça va se passer, et qui reste malgré tout sensationnel. 


Emile Zola nous présente la jeune Thérèse, fille d’une oranaise décédée en Algérie lorsque Thérèse avait deux ans. Le père décide de donner sa fille à sa soeur, madame Raquin. Ainsi la jeune Thérèse va grandir aux côtés de sa tante et du fils de celle-ci, Camille. 


Camille, de santé fragile (il a passé son enfance à être malade), sort par les yeux de Thérèse qui est dégoûtée à la vue de cet homme avec qui elle a partagé sa chambre dans son enfance. Malgré la gentillesse de Madame Raquin, Thérèse a eu une enfance des plus catastrophiques. Forcée de rester auprès de son cousin malade elle a dû prendre les mêmes médicaments que lui, elle a dû rester recluse auprès du malade. Bref son enfance s’est passée, bon gré mal gré, sans éclat, sans connaissance, sans vie. 


« Thérèse, vivant dans une ombre humide, dans un silence morne et écrasant, voyait la vie s’étendre devant elle, toute nue, amenant chaque soir la même couche froide et chaque matin la même journée vide. »


Néanmoins Camille, pourri gâté jusqu’à la moelle par sa mère qui le protège tel un diamant 24 carats, prend une décision dans sa vie : déménager à Paris. La mère ne peut qu’accepter ce souhait de son fils miraculé. 


La petite famille déménage à Paris, Madame Raquin qui est pourvue de quarante mille livres de rente prend une petite bicoque non loin du Pont Neuf. C’est pas franchement la folie mais ça permet aux deux femmes de faire tourner une boutique de mercerie et de vivre convenablement sans toucher à l’héritage. 


À 21 ans Thérèse épouse Camille. Promis depuis son enfance à ce garçon qui la dégoute elle s’enfonce toujours plus dans une forme de mutisme inquiétant. Thérèse n’est que le reflet d’elle-même, elle ne parle pas, elle est comme transparente, assise sur sa chaise à ne pas bouger d’un iota.

Camille de son côté trouve du travail et retrouve son vieil ami Laurent. 


S’instaure des dîners hebdomadaires : tous les jeudis soirs Laurent ainsi que des amis de madame Raquin se réunissent pour jouer aux dominos. Thérèse, fidèle à elle-même est une statue vivante. 

Jusqu’à ces jours où, fascinée par la liberté de Laurent, elle commencera à lui tourner autour. 

Laurent, l’exemple parfait de ce que la flemme peut avoir de motivant : 

« Au fond, c’était un paresseux, ayant des appétits sanguins, des désirs très arrêtés de jouissances faciles et durables. Ce grand corps puissant ne demandait qu’à ne rien faire, qu’à se vautrer dans une oisiveté et un assouvissement de toutes les heures. Il aurait voulu bien manger, bien dormir, contenter largement ses passions, sans remuer de place, sans courir la mauvaise chance d’une fatigue quelconque. »    

Les quatre personnages principaux sont tantôt attachants tantôt détestables ce qui ajoute forcément à l’ambivalence des personnages et à l’identification — même si je dois bien avouer que Madame Raquin m’a fait énormément de peine… : « Que se passait-il dans cette misérable créature qui vivait juste assez pour assister à la vie sans y prendre part ? Elle voyait, elle entendait, elle raisonnait sans doute d’une façon nette et claire, et elle n’avait plus le geste, elle n’avait plus la voix pour exprimer au-dehors les pensées qui naissaient en elle. Ses idées l’étouffaient peut-être. ».


Les personnages en demi-teinte sont les plus intéressants car c’est ce que nous sommes tous… ainsi le manichéisme est rejeté au profit d’une dualité des caractères, qui est directement lié au courant naturaliste. 


Comme je le disais Thérèse Raquin est une sorte de thriller psychologique avant l’heure. Zola entre parfaitement dans les méandres de la psyché humaine et même si le lecteur comprend assez vite où il veut en venir, le déroulé des faits continue et donne envie d’en savoir toujours plus. 


En faisant de petites recherches je suis tombée sur des critiques (notamment du Figaro de l’époque) à l’encontre du livre, accusant Zola de pornographie. J’en ai ris tellement ça m’a paru être dénué de sens. Mais bon, les moeurs d’aujourd’hui ne sont pas celles d’hier… 


Thérèse Raquin ça se lit très bien et très vite, la qualité de l’histoire qui est, je le crois, novatrice pour l’époque, tout ça saupoudré par un style absolument somptueux — n’est pas Zola qui veut ! — en font un roman qui mérite complètement sa notoriété. J’ai rarement passé un moment aussi délicieux en compagnie des personnages crées par l’écrivain, j’ai rarement été aussi dépaysée par une histoire se passant pourtant à Paris. 

Zola confirme son talent de conteur en donnant à voir une histoire édifiante, et dont le lecteur, à l’instar des protagonistes, ne sortira pas indemne.

« Tout au fond d’eux, il y avait de la crainte. Leurs désirs frissonnaient. Ils étaient penchés, en quelque sorte, l’un sur l’autre, comme sur un abîme dont l’horreur les attirait ; ils se courbaient mutuellement, au-dessus de leur être, cramponnés, muets, tandis que vertiges, d’une volupté cuisante, alanguissaient leurs membres, leur donnaient la folie de la chute. Mais en face du moment présent, de leur attente anxieuse et de leurs désirs peureux, ils sentaient l’impérieuse nécessité de s’aveugler, de rêver un avenir de félicités amoureuses et de jouissances paisibles. »


 








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