mercredi 1 juillet 2020

Le Coin des libraires - Elle s'appelait Sarah de Tatiana de Rosnay

Zakhor, Al Tichkah. Souviens-toi. N’oublie jamais. 


Dès lors qu’il est question de romans sur la Seconde Guerre mondiale, Elle s’appelait Sarah de Tatiana de Rosnay revient souvent. 

J’en ai tellement entendu parler que je me suis dit qu’il était un passage oblige pour mes recherches, qu’il fallait le lire parce qu’il avait sans doute quelque chose de plus que les autres. 





Je l’ai lu, et effectivement j’ai aimé (jusqu’à une certaine mesure), je l’ai trouvé délicat et intéressant en grande partie parce que l’auteure a choisi de mettre en avant la culpabilité de la France, chose qui était encore largement tabou lorsqu'elle a écrit son ouvrage. 

C’est d’ailleurs pour cette raison si son manuscrit a été refusé dans plusieurs maisons d’édition. On a beau dire, il demeure des sujets sensibles, la preuve. 


Sans doute que depuis la pilule est passée, les nouvelles générations ne sont pas dupes et savent très bien que la France n’était pas toute blanche dans l’histoire, alors maintenant ce qu’on voyait comme un sacrilège, un blasphème, devient une simple vérité. 


Elle s’appelait Sarah figure tellement parmi les « classiques » des romans sur l’époque que j’y voyais quelque chose d’exceptionnelle alors qu’au final quand je l’ai refermé je me suis dit que oui, ce roman est très bien, mais j’en ai lu des tout aussi bien. 

Sans doute que c’est l’effet médiatique qui me fait dire ça. Faut dire que dès que je raconte à quelqu’un que je travaille sur des fictions sur la Seconde Guerre mondiale, une des premières choses qu’on me demande est : « Oh tu as lu Elle s’appelait Sarah ? c’est vraiment fou comme livre ». 


Oui effectivement c’est bien. Mais de là à en faire presque LA référence en matière de roman sur cette guerre, ça me semble exagéré. 


Comme dit plus haut, j’ai trouvé pertinent ce soulèvement, le fait que notre pays a joué un rôle dans la destruction de nos citoyens Juifs. Mais j’ai trouvé plus intéressant encore le fait qu’aucun « bourreau », c’est-à-dire policier français, ou complice de près ou de loin avec les nazis, n’a été interrogé par l’intrépide Julia, l’américaine. Peut-être que Tatiana de Rosnay lançait un message aux auteurs, une façon de dire « ce sujet est inexploré, emparez-vous-en ! ».


Finalement, je crois que ce qui me chiffonne, c’est d’avoir choisi une américaine pour protagoniste. Une autre façon de dire « vous êtes coupables, pas moi », une façon de dire aussi que nous sommes coupables (oui encore aujourd’hui visiblement. Vous n’avez pas connu la guerre ? mais vous êtes français alors c’est aussi de votre faute). 

Voir le devoir de mémoire de cette façon, en mettant en avant la culpabilité je trouve ça nul et contreproductif. Un enfant n’est pas responsable des actes de ses parents, là-dessus il n’y a pas à tergiverser. 


Après c’est facile d’être une journaliste, mariée à un français et de venir dire des décennies après « vous, vous êtes coupables et je vais écrire un papier pour le dire ». Julia, la protagoniste se ramène un peu histoire de poser sa cerise sur le gâteau des horreurs. 


J’ai l’impression que mon développement part dans tous les sens, et sans doute est-ce le cas parce que j’ai beau avoir terminé ce bouquin depuis quelques jours, je n’arrive pas à me faire un avis qui soit suffisamment clair pour dire si j’ai aimé ou si j’ai trouvé ça un peu trop facile. 


La démarche de l’auteure est intéressante : l’importance du devoir de mémoire, de la culpabilité française dans les déportations, mais j’ai trouvé ça sacrément maladroit. Le choix de nationalité, l’espèce d’aura de supériorité qui transparaît de cette nana à qui on a rien demandé mais qui se permet quand même jugements de valeur sur jugements de valeur. 


Si on s’attache uniquement au romanesque l’oeuvre est très bien, elle est addictive, le choix de la chronologie double est intéressant, le suspense lié aux recherches de Julia est bien là et il nous tient en haleine jusqu’au bout. 

Là-dessus rien à dire parce qu’il est vrai que le roman se lit très vite, qu’il est agréable à lire.


C’est vraiment sur le fond où oui j’ai des problèmes. Alors sans doute qu’on a pas tous été piqué au vif comme ça, sans doute que d’autres y ont vu un très bel hommage et une mise en avant de la culpabilité française sans jugement moral. Mais ce n’est pas mon cas et aujourd’hui Elle s’appelait Sarah est, dans mon imaginaire, lié à un enchevêtrement de difficulté auctoriales : comment représenter une époque qu’on n’a pas vécu et le faire tout en sincérité et avec un recul nécessaire pour justement empêcher ce sentiment d’un jugement porté sur les autres ? 


À mon sens, Elle s’appelait Sarah c’est un peu un roman d’essai, une première ébauche pour parler de la guerre, pour parler de l’importance du devoir de mémoire (parce qu’il est nécessaire et qu’il ne faut pas l’oublier !!) et de la responsabilité d’un pays. Une première ébauche parce qu’il est gauche dans sa façon de mettre en avant, parce qu’il est par moment discutable et parfois trop dans la sanction au lieu de la compréhension. 

Mais ce n’est, comme toujours, que mon avis. 


Vous savez, Miss Jarmond, faire revivre le passé n’est pas chose facile. On a parfois des surprises désagréables. La vérité est plus terrible que l’ignorance. 








2 commentaires:

  1. Ta chronique m'intrigue sur ce livre qu'on m'a conseillé à de nombreuses reprises... Je crois comprendre le sentiment que tu décris et j'avoue que je ne sais pas si cela me freine ou m'intrigue encore plus...

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    1. Je trouve intéressant de le lire pour se faire sa propre opinion. Après il est vrai qu'il revient toujours comme "référence" et c'est ce qui m'a un peu gêné au final... c'est l'éternel clivage entre la médiatisation, l'avis dithyrambiques des autres, et ton propre ressenti

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