dimanche 24 mai 2020

Le Coin des libraires - Dernières lettres de Montmartre de Qiu Miaojin

Qiu Miaojin était une écrivain taïwanaise. Rêvant de la France et en particulier de Paris, elle y est venue pour ses études au début des années 1990. En 1995 elle se suicide, quelques temps après avoir achevé l’écriture de Dernières lettres de Montmartre

La préface de ce livre est écrite par Hélène Cixous, féministe et femme de lettres. 
Cette préface, qui aurait dû être exceptionnelle, m’a refroidie. 
Je ne comprenais pas où Cixous voulait en venir, je me suis emmêlée dans les noms, bref, ça commençait mal. 

Le début aussi il commençait mal (mais le début seulement). 




Zoé, la narratrice-protagoniste est double de l’auteure s’adresse à différentes personnes dans des lettres qui, pour le lecteur, demeurent sans réponse. Ce livre est un ovni, une célébration de son amour pour Xu autant que l’aveu de sa douleur. La séparation d’avec Xu : un crève-cœur. 
Que l’on ne s’offusque pas de la mention présente en tête du livre : ce roman n’a rien de linéaire. Fragmenté, éclaté, chaque lettre peut être lue indépendamment des autres, même si certaines sont directement liées (d'où l'importance des dates). 

Les Dernières lettres de Montmartre sont un objet atypique, un livre original où l’on ne sait très bien si Qiu Miaojin y raconte sa vérité ou si ce ne sont que des appels à l’aide, des déclarations d’amour perdues ou évanouies.

Trop sensible, trop rêveuse peut-être. 
Ou alors simplement trop meurtrie ? 
Depuis la lecture de ce livre je me le demande : pourquoi Qiu Miaojin en est-elle venue à ça ? pourquoi a-t-elle choisi de s’ôter la vie à l’aide d’un couteau de cuisine ? 
C’est à n’y rien comprendre.

Ou alors ces dernières lettres sont une possibilité de compréhension, un moyen d’effleurer un semblant d’explication ? Peut-être bien que oui. Ou alors pas du tout. 

J’ai personnellement choisi de voir dans ce livre des allures d’autobiographie. 
Le quotidien parisien, le lien avec Taïwan, l’amour à sens unique. L’amour lesbien. 
C’est un élément central de cette oeuvre l’amour de la narratrice pour les femmes, cette libération sexuelle effectuée par la littérature est tabou dans son pays natal à cette période.

Xiaoyong, cette souffrance qui m’accable jour et nuit n’a pas pour cause un malentendu avec le monde, ni les douleurs d’un corps en déroute ; elle provient de la fragilité de mon âme et des blessures qu’elle a subies. Je souffre de tout ce mal qu’on m’a fait, je pleure tout ce que j’aurais pu donner, aux autres, et au monde, alors que je suis dans l’incapacité de rendre ma propre vie un peu meilleure. Le tort n’en revient pas au monde, mais à nos âmes fragiles, nous ne savons pas nous soustraire aux blessures que le monde nous inflige, nos esprits en tombent durablement malades.

Dernières Lettres de Montmartre cri à la planète l’amour homosexuel, l’amour d’une femme pour une autre, l’amour jusqu’à la haine, jusqu’à la destruction totale. 

Comme souvent dans ces cas-là, les motifs de la mort de l’écrivain sont obscurs, le lecteur peut choisir de laisser les ombres là où elles sont, ou bien de creuser dans les écrits pour tenter d’en trouver un semblant d’explication. 
Finalement, ce choix revient à chacun et l’attrait possible que l’on peut éprouver face à cet ovni littéraire, c’est justement son originalité, son aspect éclaté pour traduire d’un état d’esprit, d’une relation amoureuse vaine. 

Ce roman est hors norme dans le fond comme dans la forme. Je suis contente d’avoir découvert cette belle âme qu’était Qiu Miaojin et ce, encore une fois grâce aux éditions Noir sur Blanc et à leur sublissime collection Notabilia. 


À savoir : les éditions Notabilia publient le premier roman de l’auteure intitulé Les Cahiers d’un crocodile. Sortie décalée suite au Covid, je crois qu'il est reporté à fin décembre mais à confirmer ! 


Je rêve de retrouvailles, j’ai le coeur qui tangue, pour l’apaiser, il n’y aurait que ma tête posée sur ta poitrine…




Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire

Le ciel en sa fureur d'Adeline Fleury

Quand le varou m'emportera je m'endormirai dans le ciel de tes yeux. Sous les auspices de Jean de La Fontaine, Adeline Fleury nous ...