mercredi 29 janvier 2020

Le Coin des libraires - Idaho d'Emily Ruskovich

Mon premier Gallmeister. Je n’aime pas lire les quatrième, alors je me fie beaucoup au titre, à l’auteur, à la couverture. Là, c’est cette couverture verte qui m’a attirée. J’avais envie de le découvrir, surtout que cette mention « Troublant obsédant et superbement écrit » faisait que de se répéter dans mon cerveau, comme un appel. 

J’entre donc au coeur du livre et là, c’est l’amour total.

Les thèmes sont nombreux, et sont tous parmi mes favoris : le drame familial, la mort, le désespoir, la nature… et la mémoire. 
Que demander de plus n’est-ce pas ? 

Oui ce livre, je le sentais ça allait être une de mes meilleures lectures de 2019, c’était sûr et certain.


Oui mais voilà que je poursuis ma lecture à tout berzingue et que, bon gré, mal gré, j’ai le sentiment qu’il manque quelque chose. L’aspect fragmenté, éclaté de la narration qui d’habitude ne me gêne pas outre mesure est trop haché cette fois. 

Je me suis prise d’affection pour l’héroïne, Ann, la deuxième femme de Wade. Celle qui a pris soin de lui après le drame, après que sa première femme, Jenny, a commis l’irréparable. Elle doit accepter d’aimer un homme qui va l’oublier, un homme atteint de démence sénile. Cette démence est comme qui dirait foudroyante, si bien que d’un jour sur l’autre, Wade oublie tout, jusqu’à ses petites filles mortes à cause de leur mère…

C’est la texture de ses souvenirs, non pas l’émotion, qui a disparu. Lentement, les choses se mélangent, les lignes se brouillent, les lieux se vident d’impressions.

Ann, dans une volonté farouche de découvrir la vérité avant qu’il ne soit trop tard tente le tout pour le tout. Elle veut savoir ce qu’il s’est passé, comment ça a pu se produire. 

Il faut accepter que pour certaines lectures, le doute demeure, que la quête de vérité restera inassouvie. 
J’ai adoré la beauté de la plume d’Emily Ruskovitch, pleine de justesse et de poésie — en tout cas j’imagine que c’est un très bon travail de traduction qui a été effectué par Simon Baril, alors bravo à lui ! 

J’aimerais dire que j’ai adoré de A à Z parce que c’est presque le cas, mais il reste cette tâche noire, celle où on ne nous dit pas clairement ce qui a déclenché la folie de Jenny, celle où on reste pantois et pantelant avec nos théories. Des théories invérifiables ; une histoire où la vérité n’a pas sa place. 

J’ai aimé Ann ainsi que Wade, complexe comme sa maladie. Ils forment un couple attachant a contrario de Wade et Jenny. 
On sent bien que l’auteure ne souhaitait pas écrire un thriller où la résolution nous serait donnée à la fin. Ce qui intéresse Ruskovich, il semble que ce soit plus le parcours de ces âmes, le cheminement qui les amène là où elles finissent. 

Idaho est un roman puissant, « troublant et obsédant » semblent être les mots justes. On frôle le coup de coeur, et l’unique raison pour laquelle ce n’est pas le cas, c’est ce manque de pistes, ce manque d’explication qui, pour mon petit cerveau qui veut toujours trouver les raisons du pourquoi et du comment, me laisse tel un chien mordant son os. 


Néanmoins si Emily Ruskovitch publie un autre roman et que Gallmeister se prend d’envie de le traduire, alors ils pourront compter sur moi pour le découvrir ! 

Il a perdu ses filles, mais il a également perdu le souvenir de les avoir perdues. En revanche, il n’a pas perdu la perte. La douleur est aussi présente dans son corps que sa signature l’est dans sa main. Il peut signer son nom parfaitement, mais il ne peut pas l’écrire. Déjà que le W est difficile, le A est impossible sans l’élan de la signature, qui permet d’enchaîner les lettres. Il connaît son prénom mais n’arrive pas à s’en représenter les différentes parties, à moins de pouvoir compter sur l’inertie de sa main. Il connaît sa douleur, aussi, mais la source de cette douleur est perdue sans le mouvement qui l’accompagne. Elle devient une chose statique, déconnectée, difficile à identifier.



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