samedi 30 novembre 2019

Le Coin des libraires - #145 Valse mémoire de Violaine Ripoll

Valse mémoire raconte Émile, maître d’école, marié à Aurore depuis des décennies. Émile qui n’a plus jamais fermé l’oeil depuis son retour d’Algérie en 1962
Valse mémoire raconte Aurore, à qui on diagnostique Alzheimer. C’est le début de la maladie, le conseil d’un médecin qui est d’écrire avant d’oublier. Alors Aurore écrit, elle couche sur le papier, de façon hésitante, distante parfois. 




Entrecroisement de trois récits, celui d’Émile, d’Aurore et de Solange, la soeur d’Aurore, venue prêter main forte à un Émile impuissant. Aurore les a quitté, elle a passé ce stade où elle ne les reconnaît plus, où elle est devenue une autre. Émile est seul avec son passé, son amour pour Aurore. 
Et puis il y a l’Algérie, fantôme inoubliable. Et Solange aussi, avec qui la relation n’est pas si claire. 

À eux trois ils vont raconter des histoires, de l’Histoire inoubliable à l’histoire individuelle perdue dans les méandres de l’oubli, les personnages vont devoir se battre pour continuer à vivre malgré la douleur. Pour conserver ce qui fait leur identité, envers et contre tout. 

Découvrir que l’on est atteint d’Alzheimer, c’est apprendre le début de la déchéance, c’est perdre à petit feu sa vie tout en luttant pour en conserver des bribes, aussi infimes soient-elles. 


Il n’y a pas de passage pour rejoindre l’endroit invisible de ton absence. En creux, le manque de ton regard et de tes paroles. Tes cris parfois heurtent le silence qui s’est installé. Je me débats avec le chagrin.


Aurore est touchante dans sa confession. Désemparée elle suit les conseils de son médecin et raconte des souvenirs. 
Émile, pour qui on ne peut éprouver que de l’empathie face à une situation insoutenable. Privé de sa femme, il doit subir ses crises, celles où Aurore ne le reconnaît pas et prend peur. 

Émile doit accepter la réalité d’une vie qui ne lui a pas fait d’autre cadeau qu’Aurore et qui lui retire. 
Son récit, réaliste du point de vue des événements autant que de ses sentiments, est ce qui fait toute la force du livre parce qu’il complète magnifiquement bien le journal tenu par Aurore. 

L’élément décevant du roman c’est la présence de la guerre d’Algérie et le manque de soin qu’on lui apporte. Il n’y a que dans un chapitre vraiment qu’on l’aborde (sans doute le plus long), et je trouvais qu’au final, l’insérer dans l’histoire donnait un peu un prétexte pour mettre en confrontation la blessure d’un passé qu’on ne peut oublier et la maladie qui, quoi qu’il se passe, balaiera tous les souvenirs sur son passage. 


Il en va de même pour Solange, elle ajoute une note positive, elle permet d’éviter de tomber dans le mélo, mais en même temps elle n’ajoute rien à l’histoire en tant que tel je trouve, mais ce n’est comme toujours que mon avis. 


L’histoire des hommes n’est pas cousue du fil blanc des reliures des livres qui pèsent lourd dans les bibliothèques des bienpensants. L’innocence des uns ne vaut rien quand les crimes des autres ont été permis et encouragés, imposés à nous comme une victoire. Cette impunité court toujours, alors notre culpabilité de lâche perdure et nous gangrène. Le fil de barbelé de l’histoire est encore un bâillon sur nos bouches de taiseux horrifiés. Je me cache ici, derrière ces prés et ces vieux arbres, derrière des livres qui racontent un autre monde et pourtant toujours le même. Je me cache, car c’est dans l’obscurité de cette maison, dans son silence, dans ton souffle j’écoute la nuit, que mon coeur, que mon corps s’apaisent, expirent au fil des années le venin qu’ils ont fait couler dans mes veines. 





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