mercredi 27 mars 2019

Série du moment - #24 Killing Eve (saison 1)

Ouh, mais quelle série ! Le moins qu'on puisse dire c'est que je comprends pourquoi Phoebe Waller-Bridge n'est pas encore revenue sur nos écrans pour la saison 2 de Fleabag
Elle sait nous faire attendre grâce à cette série diffusée au printemps dernier sur BBC America.

Lorsque j'ai entendu parler de cette série, j'ai directement eu très envie de la regarder et ce, pour deux raisons. La première est qu'il s'agit d'une série signée Waller-Bridge, ça promettait quelque chose de nouveau et de rafraichissant. La deuxième est que cette chaîne américaine est pour moi une valeur sûre. Elle est par exemple à l'origine d'Orphan Black ou encore Dirk Gently's


J'ai commencé la série après que tous les épisodes (8 pour la saison 1) soient sorties. 
La bonne nouvelle était déjà tombée : Killing Eve est reconduite pour une saison 2 avant même que la première soit finie d'être diffusée, c'est donc de bonne augure. 


Pour résumé très rapidement, on va suivre Eve (Sandra Oh) n'a pas exactement une vie très palpitante. Elle fait partie du MI5 britannique, mais nous sommes loin de l'effervescence des espions. En effet, Eve est à des années lumières de l'excitation du métier tel qu'on se le représente dans les films par exemple. Rapidement, Eve va vouloir plus, elle va tomber sur une tueuse qui opère dans diverses villes d'Europe. Et alors, la traque de celle que l'on surnomme Villanelle (Jodie Comer) démarre. 
Si Eve veut la coincer, c'est bien parce que Villanelle est une pro, petit génie dans son métier (qui consiste à tuer des gens) elle va au quatre coins de l'Europe pour s'occuper de sa cible. Néanmoins, on apprend assez vite que Villanelle n'est pas la grande méchante, elle est simplement au service d'une organisation beaucoup plus grande qu'elle : les Douze. 




Le personnage d'Eve est ambigu, parfois on ne sait pas vraiment comment la prendre. Elle aussi a des zones d'ombres (comme cette fascination pour les tueurs), à l'image de Villanelle, personnage complexe possédant une grande douceur à côté de sa barbarie. 
C'est un duo pour le moins étonnant que l'on découvre au travers de ces huit épisodes de traque. Un duo attachant et complexe, qui se complète merveilleusement bien. 

On pourrait s'arrêter au fait qu'elles sont toutes deux très différentes, mais on observe assez vite des points communs, dont le plus important est peut-être la détermination. 
Celle d'Eve de coincer Villanelle, celle de Villanelle de jouer avec le feu, de s'intéresser à Eve qui peut être celle qui détruira sa couverture, qui la privera de sa liberté. 

Franchement j'ai adoré cette série pour plein de raisons, pour ses personnages merveilleusement bien écrits, pour son scénario à la fois sérieux et rempli d'humour. L'humour noir s'invite dans les répliques, il s'immisce dans l'histoire et ça donne vraiment un côté hyper décalé à l'histoire. 
C'est en cela que cette série est intéressante : elle joue avec des codes bien connus de genre, celui du thriller psychologique, celui du polar, du film d'espionnage, mais ces codes sont déjoués grâce à l'humour de la situation, ce qui lui donne un côté novateur et très rafraichissant. 

Les épisodes s'avalent parce que l'on ne voit pas le temps passer. Parce qu'en plus de découvrir une traque absolument passionnante, nous sommes baladés à travers plusieurs villes ou pays européens tels Vienne dans l'épisode 1, la Bulgarie dans le 2, Berlin dans le 3 ou encore la Russie dans le 6. 
J'ai adoré le fait que l'on voyage, que la série se passe en Europe et pas seulement en Angleterre. Alors oui, il est vrai qu'on est énormément en Angleterre puisque c'est là où vit Eve, mais j'ai eu l'impression de voir autant Paris, puisque c'est la ville dans laquelle vit Villanelle. 

C'est le jeu du chat et de la souris dans l'Europe, une attraction-répulsion qui se révèle entre les deux femmes qui vont tenter d'apprivoiser l'autre dans le seul but de l'amadouer. 
C'est une réalisation dynamique que nous offre Phoebe Waller-Bridge que je ne connaissais que pour son travail en tant qu'actrice et scénariste pour Fleabag. Elle porte diverses casquettes et visiblement, toutes lui vont comme un gant !




Ce n'est clairement pas une traque comme les autres, déjà parce que l'on connaît le coupable depuis le début et parce que les deux femmes vont se rencontrer, se chercher dans un jeu aussi étonnant qu'obsédant. Il semble ne plus y avoir de barrières entre elles deux, si bien que le spectateur n'est plus vraiment choqué quand il voit Eve porter les vêtements que Villanelle lui envoie. Et pourtant, ce qui vient d'abord à l'esprit est ce gros WTF ? lorsqu'on prend la pleine mesure des événements.


C'est une série unique et prenante que la BBC America nous a offert, une série tout autant sérieuse qu'amusante, portée par des acteurs talentueux qui parviennent à choquer ou à faire rire dans des situations où l'inverse aurait été plus logique. 
Seul petit point négatif pour ma part : les deux femmes se rencontrent bien trop rapidement. Les épisodes s'avalent parce qu'il y a toujours quelque chose de nouveau à voir, mais j'aurais préféré que la rencontre se déroule plus tard. On ne peut pas s'ennuyer parce que tout s'enchaîne, mais justement, peut-être que pour une fois, il aurait fallu que ça s'enchaîne un peu moins rapidement. 
Je trouve que la tension retombe un peu une fois la rencontre passée et c'est bien dommage vu la qualité de la série. 

À part ça, la seule chose que je peux ajouter et que c'est série est un petit bijou, une histoire déjantée, décalée et novatrice dans son traitement. Une série qui aurait dû comporter plus de huit épisodes, et dont il faut attendre la suite avec une forte impatience.






samedi 9 mars 2019

Le Coin des libraires - #129 Aberrations I. Le réveil des monstres de Joseph Delaney

Merci à Babelio et aux éditions Bayard pour m'avoir permis de découvrir cet ouvrage ! J'ai longuement hésité avant de me décider à le lire. Comme vous le savez, j'adore la saga de L'Epouvanteur, et du coup j'avais un peu peur de retomber dans quelque chose d'un peu similaire... si j'avais su ! 


Le Shole, un monstrueux brouillard, a englouti des régions entières de l’Angleterre et continue son expansion vers le nord. Ceux qui s’y trouvent piégés meurent ou sont transformés en créature immondes : les aberrations.
Dans le duché de Lancaster, Crafty, treize ans, est l’un des rares survivants qui peut traverser ces étendues maudites. Recruté pour servir au château, il devient l’apprenti d’une mystérieuse guilde qui l’envoie effectuer des missions dans les zones dangereuses. Mais bientôt, le garçon devine que les aberrations ne représentent peut-être pas le plus grand danger…

Oseras-tu t’aventurer dans le brouillard ?



À la lecture des premières pages, je me suis littéralement dit "aïe ! ça part mal". J'avais le sentiment que Joseph Delaney faisait en quelque sorte de la récup : un jeune garçon doté de capacités, capacités qu'il a reçu grâce à son père, il est emmené au château afin d'être formé, bref ça me paraissait un peu téléphoné tout cela ! Et bien non, non, non, quelle erreur de ma part ! 

On avance rapidement dans l'histoire et tout aussi rapidement, on se rend compte que Crafty, même s'il a des points communs avec Tom (principalement dans le caractère), est un personnage entier. Encore, je dirais que Crafty est plus audacieux, il se laisse aller à l'insubordination ce qui est arrivé très rarement à Tom lorsqu'il était l'apprenti de John Grégory. Mais ce trait de caractère va lui jouer des tours et il ne va pas hésiter à risquer sa vie pour suivre ses instincts. 

D'ailleurs parlons-en de ce nouveau cycle. Toute cette histoire du Shole (qui serait une déformation de Shéol, autre nom pour qualifier l'Enfer) est bien mystérieuse et bien intéressante surtout. Énormément de questions se posent et évidemment comme il s'agit d'un premier tome, beaucoup restent en suspens. Mais attention, ce tome n'est certainement pas là uniquement pour installer l'univers. On sent que l'auteur a réfléchi à son univers, et à la fin de ses personnages à l'intérieur de celui-ci. Les espèces de caste qui résident au sein du château sont d'ailleurs révélatrices de l'innovation de l'auteur.

Le château est à lui seul une énigme (d'ailleurs à ce sujet, la fin nous contente tout autant qu'elle nous frustre, puisqu'il faudra attendre la suite, probablement l'an prochain), on se perd parmi les nombreuses salles, ô combien mystérieuses ! 





La hiérarchie du château est elle aussi assez étonnante. Très vite on se méfie de certains manciens, et à raison. L'ajout d'ailleurs de la secte des Capuchons Gris qui désire que la terre soit engloutie par le Shole m'a fait penser à L'attaque des Titans (avec les fanatiques du mur haha) et j'ai trouvé que ça  ajoutait une dimension en plus. Jusque-là, on nous dit qu'il faut se méfier des créatures dans le Shole, mais finalement il faut aussi se méfier des êtres humains vivant au château et ailleurs. Le danger est donc partout. 


Concernant les personnages je trouve que Tricky est intéressant, il a déjà de la substance, on s'attache rapidement à lui (après faut dire qu'avec la vie qu'il se trimbale, c'était un peu évident). 
Click est un personnage intéressant aussi même si on sait encore trop peu de choses la concernant. Un peu comme Lucky en fait qui, je trouve, est encore trop à l'état d'esquisse pour qu'on puisse le trouver véritablement attachant - et puis j'ai bien l'impression qu'il y a quelque chose qui ne tourne pas rond dans le fond. Pour moi, celui qui est le plus prometteur, c'est le Duc de Bois. L'idée est géniale et en plus le personnage a l'air d'être un poil plus malin que tous les manciens du château.

La plume est une fois encore addictive - je crois qu'il s'agit de la même traductrice que pour la saga de L'Epouvanteur, ceci explique donc cela. 

En bref, ce premier tome démarre sur les chapeaux de roue, on entre dans l'histoire avec une facilité déconcertante et quelle histoire ! ça me fait penser à L'Epouvanteur tout en étant très différent - à ce sujet, l'auteur s'est amusé à y faire des références, je pense notamment au moment où Crafty et Lucky attendent quelqu'un devant la taverne La Sorcière de Pendle, cette histoire se déroule-t-elle après la fameuse saga ? 







mercredi 6 mars 2019

Le Coin des libraires - #128 L'autre chambre de Diane Schmidt

Un court article, à l'image de L'autre chambre de Diane Schmidt, qui nous prouve que l'économie de mot peut faire les plus belles histoires. Mais avant ça, je ne peux pas écrire cet article sans d'abord remercier les éditions Envolume. Cette maison d'édition m'a contacté au sujet de ce livre, elle a été compréhensive concernant mon emploi du temps...
Bref, merci beaucoup François Sirot pour m'avoir permis de découvrir cet ouvrage !


Sans connaître le malheur, 
je ne suis pas heureuse. 
La vie glisse, sans larmes ni songes, 
comme une lente vague inutile et silencieuse. 

Le bonheur m’ennuie.
Parfois même jusqu’à me rendre triste. 
Comment font les gens pour avoir l’air 
d’aller bien ? 
Diane Schmidt, L'autre chambre


À noter : L'autre chambre sortira le 12 mars prochain


Une chambre. Deux femmes. Entre elles un homme… Deux héroïnes shakespeariennes au 21e siècle. Marine, 36 ans, cherche un homme pour sa première nuit. Ondine, 19 ans, danse dans un bar pour gagner sa vie.
Je suis devenue une femme à trente-six ans.
Avant je n’étais rien. Je n’avais pas envie.Je suis devenue une femme avec un vase,parce qu’il était à portée de main sur l’étagèrede ma chambre, et qu’il était joli.La première fois s’est faite sans lui.Je ne voulais pas qu’il parte à peine entré,à cause du fait que je n’étais pas encoreune femme, à l’âge où j’aurais dû l’être.Je n’ai rien senti. Ni douleur ni plaisir.Pas de quoi en faire un plat ou un poème.


La poésie n'est pas franchement pour moi (à l'exception de Baudelaire - comme tout le monde haha -, Musset et surtout Éluard), 
et pourtant l'auteure est parvenue à me faire entrer dans son histoire en un claquement de doigt. 

Poétique et crue à souhait voilà ce que c'est. Une histoire de deux femmes, très différentes et néanmoins fondamentalement les mêmes. Marine, Ondine. 
Ce sont les prénoms qui m'ont donné envie de prime abord. 
Ça, et les illustrations de la talentueuse Diane Schmidt. 
Ça donne un côté hypnotique, indistinct. 
Où commence Ondine et où se termine Marine ? 





La mer, l'image des sirènes, tout est présent pour métaphoriser la femme. 
Classique comme contemporaine. 
Ce qui les réunit, c'est leur sexe, autant que cet homme. 
Autant que leur solitude, leur douleur. 
J'ai été profondément touchée par leur détresse, 
et je considère que l'auteure est parvenue d'une main de maître à décrire leur faiblesse 
sans pour autant omettre l'importance des histoires de fesses. 

Je ne veux vous en dire plus, de peur de gâcher le plaisir, 
mais allez-y foncez découvrir cette histoire singulière 
et actuelle, qui vous fera compatir,
pour ces femmes en apparence sans avenir. 


Très sérieusement, cette histoire est magnifique, magnifiquement belle et dure. Diane Schmidt m'a donné envie de lire de la poésie, et il ne fait aucun doute que je suivrai ses futures publications.
Ce livre est un poème, poème qui me réconcilie avec la difficulté de lire de la poésie - chose que je n'aurais jamais cru possible !
L'autre chambre ne se lit pas, il se dévore. Il nous entraîne dans un monde en suspens où tout ce qu'il reste, c'est ses deux femmes. Deux femmes qui souffrent parce qu'elles ne souhaitent qu'être aimées. Deux femmes qui s'aiment l'une l'autre à défaut d'être aimée de l'homme. 
Une lecture enivrante où je me suis souvent retrouvée dans certains paragraphes.


Je ne parle pas, parce que je n’ai rien à dire. 
Je ne parle pas, parce que les mots silencieux 
de ma tête le sont aussi devenus 
de ma bouche. 
Qu’à force de ne plus les prononcer, 
je ne sais plus penser avec. 
Je ne parle pas, parce que je ne sais plus. 
Diane Schmidt, L'autre chambre.


Diane Schmidt écrit ce qu'Envolume qualifie de "roman", pour moi elle a écrit un poème, mieux, une chanson, dont chaque paragraphe figure à lui seul un moment hors du temps, un moment d'envoûtement où les mots nous enserrent et nous emprisonnent pour mieux nous tenir en otage jusqu''au dénouement. 
En un mot, ce texte est une beauté. 


L’absence est si présente, que je la sens 
parfois comme une personne réelle
se tenant tout près de moi. 
Le vide personnifié. Le seul à mes côtés, 
le seul à qui parler. 
Diane Schmidt, L'autre chambre.






Le ciel en sa fureur d'Adeline Fleury

Quand le varou m'emportera je m'endormirai dans le ciel de tes yeux. Sous les auspices de Jean de La Fontaine, Adeline Fleury nous ...