dimanche 29 juillet 2018

Le Coin des libraires - #105 Une jeunesse au temps de la Shoah de Simone Veil

On parle toujours énormément de Simone Veil, ça s'est un peu calmé ces derniers temps, mais depuis son décès l'année passée, elle a comme qui dirait le vent en poupe - comme tous les artistes/célébrités une fois leur mort annoncée, mais bref. 

À la base il n'était pas dans mes projets de me procurer Une vie, son autobiographie. J'admire énormément la femme qu'elle était, ses idéaux, ses combats, c'est évidemment une figure féminine importante pour toutes et tous, mais au-delà de ça, je ne sais pas, sa vie personnelle ne m'intéresse pas plus que ça. 
Puis j'ai décidé non pas de me lancer dans Une vie, mais dans Une jeunesse au temps de la Shoah. Un livre plus court, un livre regroupant les quatre premiers chapitres de  son autobiographie. 


L’idée d’extraire de ma biographie les quelques passages qui peuvent être regardés comme d’utile pédagogie vis-à-vis de la jeunesse d’aujourd’hui m’a paru séduisante. Simone Veil. Cette édition pédagogique regroupe les quatre premiers chapitres d’Une vie et couvre la période 1927-1954. Ce que Simone Veil a vécu durant ces années – où elle passa d’une enfance protégée à l’horreur des camps de concentration, puis retourna à la « vie normale » – sans pouvoir partager son expérience avec ceux qui ne l’avaient pas connue, s’inscrit dans le nécessaire devoir de mémoire des jeunes générations. Source de réflexions, son sobre récit est également une leçon de courage et d’espoir.


Le livre démarre bien évidemment avec l'enfance de Simone, cette jeune fille joyeuse, entourée d'une famille aimante dans la ville de Nice. Ses parents sont juifs, mais pas croyants. Sans doute est-ce pour cette raison si la jeune Simone Jacob va se retrouver dans l'incompréhension. Dans ce chapitre, elle souligne combien la laïcité était importante dans sa famille. Progressivement l'étau se resserre, on sait que les événements vont s'accélérer jusqu'à la déportation. 
Le premier chapitre s'achève lorsque celle-ci a douze ans. Nous sommes en 1939, c'est l'annonce de la guerre en septembre de cette même année.

Le deuxième chapitre débute donc avec la guerre. Rapidement, la pression monte, son père décide d'envoyer ses enfants chez leurs oncles et tantes, puis ils reviennent à Nice. Les cinq années à venir (1939-1944) seront sous le signe de l'indécision. Y a-t-il un réel danger pour eux ? Doivent-ils fuir ou rester ? Finalement, c'est en 1944 que la famille est attrapée. D'abord envoyé à Drancy comme tant d'autres français, ils devront attendre un peu avant de partir dans un convoi direction Auschwitz. L'auteure précise que même à Drancy, ils ne savaient pas exactement ce qui les attendaient. 
Là se pose de nouveau la question : pouvait-on savoir ce qu'il se passait ? la population française était-elle au courant de certaines pratiques ? sans forcément tout savoir, pouvait-elle rester naïve sur le sort de la population envoyée dans les camps ? 

Et puis c'est finalement "L'enfer" comme l'auteure l'a titré. Cet enfer, c'est bien évidemment Auschwitz avec sa mère. C'est tout d'abord la peur, et aussi un peu l'entraide. Si cette femme ne lui avait pas dit de répondre qu'elle était plus vieille, peut-être serait-elle morte. Si elle n'avait pas obtenu tel poste, peut-être serait-elle morte. 
Ce chapitre est évidemment celui qui m'a intéressé. Comme je le disais plus haut, la vie de Simone Veil dans son intégralité ne me passionne pas plus que ça, son enfance, son adolescence relativement simple et parfois même banale, ça n'est pas ce que je voulais découvrir. 
L'auteure nous livre alors son quotidien, la peur d'être la prochaine, de perdre sa soeur ou bien sa mère. Elle ne le sait pas encore, mais son frère et son père ont été déportés autre part, dans un lieu inconnu, d'où ils ne reviendront jamais. 


Une jeunesse au temps de la Shoah de Simone Veil, éditions Livre de poche.


Son récit est sincère, sans chi-chi et vraiment, chapeau bas. Je commence à avoir lu quelques livres sur l'époque maintenant, et de voir une femme qui n'est pas juive pratiquante, qui n'est pas communiste ou une menace pour le nazisme, se trouve condamnée à être emmené dans cet enfer en compagnie de sa mère et sa soeur, c'est parfaitement inhumain. 
Les trois femmes vont tout faire pour rester en vie, elles vont quitter Auschwitz et partir pour la célèbre et macabre marche de la mort. Elles ont été au camp de Dora, puis à celui de Bergen-Belsen. La fin était proche, mais pas tout à fait là. 
Puis c'est la mort. La mort de sa mère, Yvonne, affaiblie par la faim, détruite par le typhus. 
Et ensuite, c'est la fin, la vraie, la libération. 

C'est ensuite les problèmes administratifs, le retour en France, le retour à la "vie normale" comme disent les rescapés. Revivre, d'après Simone Veil. C'est le titre du quatrième et dernier chapitre du livre. Le chapitre où elle nous explique comment elle s'est remise à vivre, comment elle a continué à respirer malgré l'horreur. Comment elle s'est mariée, a eu des enfants, a fait des études. 


Il est évident que certains passages sont très importants. Chaque témoignage est différent de l'autre, le vécu de chacun est toujours différent, même si les manques, les peurs sont les mêmes. Certaines réflexions de l'auteure m'ont paru extrêmement clairvoyantes jusque dans une certaine mesure. 
Par exemple, elle condamne la collaboration, mais elle passe rapidement là-dessus pour souligner le courage de certains soldats français. Bien évidemment il est important de rappeler que tout le monde n'était pas collaborateur, mais de là à faire comme si il n'y avait qu'une poignée de soldats français, je trouve ça un peu facile. De dire que la plupart des français ont eu un "comportement exemplaire", me paraît également être un peu simple. Ou dans ce cas, il faudrait alors expliquer pourquoi il y avait des dénonciations absolument tout le temps - si on se réfère aux archives du Commissariat général aux Questions juives, il y aurait eu entre 3 et 5 millions de lettres de délation envoyées aux autorités entre 1940-44 (j'ai trouvé ces chiffres dans le livre La délation antisémite sous l'Occupation de Laurent Joly). 

De plus, Simone Veil s'évertue à ne mentionner que la question juive, mais il n'y a pas que des juifs qui ont été déportés, il n'y a pas non plus que des "juifs français", mais aussi des juifs d'autres nationalités pensant qu'ils étaient en sécurité dans notre pays... 

En dehors de ça, je dois dire que j'ai trouvé intéressant le fait qu'elle cite énormément de livres, films et autres, qui traite de la Seconde Guerre mondiale et plus précisément de la déportation. Je n'ai donc pas été étonnée de retrouver Si c'est un homme dans les recommandations. Il y a certains titres que je ne connais pas, c'est donc pour moi l'occasion de découvrir d'autres auteurs, d'autres témoignages. 


"Là-bas, dans les plaines allemandes et polonaises, s’étendent désormais des espaces dénudés sur lesquels règne le silence ; c’est le poids effrayant du vide que l’oubli n’a pas le droit de combler, et que la mémoire des vivants habitera toujours."
Simone Veil,Une jeunesse au temps de la Shoah







dimanche 22 juillet 2018

Le Coin des libraires - #104 L'asphyxie de Violette Leduc

Cela fait longtemps que je n'avais pas lu de livres de Violette Leduc, après avoir commencé avec La vieille fille et le mort & La femme au petit renard, j'avais un peu mis de côté l'auteure. J'ai toujours La Bâtarde chez moi, mais je ne l'ai toujours pas lu. J'aimerais lire ses livres dans leur ordre de parution, du coup, j'ai acheté L'asphyxie, son premier ouvrage paru en 1946. 

J'avais déjà été assez étonnée lors de ma lecture de La vieille fille et le mort. Je ne le qualifie pas forcément comme un roman, mais peut-être plus comme un semblant de tranche de vie. On ne connait pas franchement bien le personnage et tout ce qui est mis en avant c'est sa solitude et sa relation étrange avec cet homme mort qu'elle retrouve dans son épicerie. 

Ici, c'est un peu la même chose. Je trouve en fait assez grossier de qualifier cette oeuvre de roman, c'est plus que ça, c'est une sorte de déclaration, un mal-être jeté à la face du monde. 



L'asphyxie, c'est l'atmosphère dans laquelle grandit la Bâtarde. Sa mère ne lui donne jamais la main. Bien au contraire. Elle lui fait porter le poids d'une faute qu'elle n'a pu accepter. Quant à son regard sur sa fille, c'est à peine un regard : c'est dur et bleu.


Si j'ai décidé de suivre les publications de l'auteure dans l'ordre chronologique, c'est aussi parce que Violette Leduc puisait énormément dans sa vie pour écrire, L'asphyxie ne déroge pas à la règle. 
D'ailleurs, ce livre représente les prémisses, l'enfance de l'auteure, son sentiment de rejet. Ce rejet qui transparaît dès la première phrase. Phrase marquante, extrêmement dure de par sa simplicité et son propos : "Ma mère ne m'a jamais donné la main..." 

Avec L'asphyxie, on en apprend un peu plus sur cette femme qui se sentait sûrement honteuse d'être une bâtarde, une enfant qui, dès l'enfance a compris que sa mère n'était autre qu'une étrangère. Une femme tantôt méchante, tantôt absente. Une femme qui n'a que faire d'une petite fille sans père. 
Si la figure de la mère en prend pour son grade (jusque dans une certaine mesure, j'ai personnellement trouvé qu'elle admirait la mère dans un certain sens), celle de la grand-mère se trouve être rehaussée, presque fantasmée tellement cette vieille femme représente l'enfance en tant que telle pour la jeune fille. 

Dès ce roman on trouve le besoin d'aimer, d'être acceptée, d'être heureuse. Mais ce besoin se confronte forcément avec le mal d'aimer, cette difficulté, non, cette impossibilité même. La fillette n'aura donc jamais droit au bonheur après le décès de sa grand-mère ? 


L'asphyxie de Viollete Leduc, Imaginaire Gallimard.


Je me suis plongée dans ce livre avec beaucoup d'enthousiasme. Je me souviens à quel point j'avais aimé La vieille fille et le mort, à quel point j'ai été marquée par la solitude, par la nécessité d'être aimé  pour soi. Cette vieille femme m'avait beaucoup touché dans ses réflexions et ses façons de faire. 
À la fin de ma lecture, je suis toujours autant enthousiaste, parce que j'ai aimé, malgré le fait que des éléments m'ont un peu gêné. 

L'asphyxie est un livre de même pas 200 pages, ce n'est pas vraiment une écriture linéaire - même pas du tout - puisque l'on passe d'un événement à un autre, une époque à une autre, sans qu'il soit toujours facile (ou possible) de faire le lien entre les chapitres. Il est vrai que j'ai parfois eu un peu de mal à comprendre où l'auteure voulait nous mener. Il est vrai aussi que certains chapitres ne m'ont pas paru fondamentaux pour comprendre l'état d'esprit de la fillette et par extension celui de l'auteure. 

Néanmoins, pour un premier roman, je dis chapeau bas. Dès ce premier écrit on retrouve ce qui fera la patte de l'auteure : un récit très concentré sur la vie personnelle alternant des passages fictionnels à des passages sans doute plus autobiographiques. Aussi un leitmotiv qui est celui de la mal aimé, celle que l'on ne pourra jamais complètement aimer, qui n'aura jamais complètement sa place, qui, pour le dire grossièrement, n'est pas légitime - forcément, on retrouve une fois encore l'idée de la bâtardise. 


Même si j'ai trouvé certains passages en trop, d'autres m'ont paru extrêmement éclairant lorsqu'on veut comprendre l'environnement dans lequel a grandi la jeune Violette, entre un père inexistant, une mère insensible et une grand-mère formidable, la jeune fille va devoir se construire seule, avec cette idée de rejet, d'existence injustifiable aux yeux du monde, parce que c'est ce qu'elle semble être à ses yeux, une enfant coupable. 


Prochain ouvrage de l'auteure : L'Affamée


Vous connaissez cette auteure ? Ou certains de ses livres ? 







dimanche 15 juillet 2018

Le Coin des libraires - #103 La Shoah à l'Est : Regards d'Allemands d'Andrej Umansky

Comme toujours dans ce cas, je remercie Babelio ainsi que les éditions Fayard pour ce livre.
Cet ouvrage m'a procuré tout un tas de sentiments forts, du dégoût principalement, mais aussi de la gêne parfois. Il est aussi le premier livre pour lequel j'ai cru ne pas pouvoir respecter la règle de la masse critique - c'est-à-dire en trente jours : lecture + critique publiée. 

Ce livre m'a procuré une grosse panne de lecture - j'en ai toujours une à cette époque de l'année. Je termine mes cours, les vacances approchent et du coup je m'enfile tout un tas d'ouvrages à la vitesse de l'éclair et puis, au bout d'un mois, j'ai un moment à vide où il m'est difficile de lire quoi que ce soit. 
Lorsque j'ai commencé ma lecture ça allait encore, mais une fois l'introduction passée, une fois entrée dans le vif du sujet, je dois admettre que ça a été chaotique. 


2,2  millions. C’est le nombre minimum de Juifs exterminés en territoire soviétique occupé par les nazis –  la majorité par balles  – lors de la Shoah entre 1941 et 1944. Des milliers d’exécutions se déroulèrent de la Galicie orientale en Ukraine jusqu’aux rives de la mer Baltique, les forêts moscovites et les confins du Caucase. Femmes, hommes et enfants juifs furent fusillés, parfois au plein milieu des villes et villages mais aussi des villageois. L’auteur Andrej Umansky, s’est rendu à nombreuses reprises auprès des sites d’extermination dans le cadre des recherches de l’Association Yahad – In Unum.
L’ouvrage révèle la présence d’un public oublié, les Allemands venus eux aussi regarder les exécutions des Juifs pendant la guerre : un employé civil, un soldat curieux ou même l´enfant d’un bourreau. Ils racontèrent plus tard ce qu’ils avaient vu dans des journaux intimes, des lettres ou des dépositions judiciaires.En livrant ces documents exceptionnels, Andrej Umansky met au jour la présence d’Allemands venus assister, pour un jour parfois, au crime commis contre les Juifs pendant la Shoah à l’Est. Ce texte nous fait pénétrer dans la curiosité des Allemands ordinaires que suscitait l’assassinat des Juifs.


Forcément, mon premier conseil si je puis dire, c'est "âme sensible s'abstenir"
Si je commence maintenant à être familière avec les témoignages de camps, je dois dire que j'étais assez intriguée par cette partie du titre : "la Shoah à l'Est". Ma connaissance de la Seconde Guerre mondiale reste partielle sur bien des aspects, à titre d'exemple, je m'y connais bien mieux sur les camps en Pologne, sur la situation en France, que sur la guerre du Pacifique entre le Japon et les États-Unis. De même, je ne suis pas experte quand il s'agit des événements qui se sont passées sur le front de l'Est, sur l'alliance puis l'affrontement entre l'Allemagne et la Russie. 


L'ouvrage est découpé en trois parties (sans compter l'introduction extrêmement bien écrite, dans le sens où elle explique bien la démarche de l'auteur, et sa volonté de montrer, d'éclairer ce moment de l'histoire par le biais de témoignages (sous forme d'interrogatoires, de journaux intimes ou encore de lettres envoyées aux proches)), chacune étant titrée : les bourreaux, les petites mains, les spectateurs. 
Chacun possède forcément une place plus ou moins importante dans les exécutions. 

J'ai mis du temps à le lire parce qu'il est vraiment très dur, on est bel et bien aux premières loges et même si d'un point de vue pédagogique j'ai adoré ma lecture, il m'était impossible de lire plus de deux "témoignages" d'affilés. La partie sur les bourreaux est abominable, mais ce qui m'a le plus choqué, c'est évidemment de voir comment, finalement, pas mal de tortionnaires s'en sont sortis sans être vraiment inquiétés. Il y a eu des enfermements à perpétuité qui duraient une décennies, et au final, le coupable termine sa vie tranquillement en liberté bien qu'il ait tué des dizaines, des centaines de personnes - parfois même des milliers de personnes. 

Les témoignages sont durs, on trouve des interrogatoires menés dans les années 60 ou encore des journaux intimes et autres lettres personnelles. L'auteur est parvenu à compiler des récits parfaitement différents quand on regarde le ressenti de certains, mais également des témoignages qui se recoupent et accusent parfois la même personne. 

À titre d'exemple : Paul Blobel, dépeint comme un des pires êtres humains qui soit, responsable de milliers d'exécutions, jugé lors des procès de Nuremberg et exécuté en 1951. 
On observe plusieurs témoignages dans lesquels Blobel est présent, comme celui de Wilhelm Findeisen, chauffeur d'un camion à gaz et donc complice de l'extermination d'au moins 10 000 Juifs. 

D'ailleurs, ce chapitre concernant Findeisen nous éclaire sur les jugements rendus concernant certains complices nazis. Considéré comme "simple exécutant" il n'a été condamné qu'à un peu plus de 3 ans de prison. Je dis "qu'à" parce que c'est inconcevable pour moi de voir que des complices, littéralement, des personnes au courant de l'extermination et participant à cette dite extermination soient condamnés à une peine aussi courte. 
Alors oui, il n'a été que le chauffeur, mais s'il n'y avait pas de chauffeur pour ce camion à gaz, il aurait été impossible d'éliminer des Juifs avec. 

Ce que je veux dire, c'est que pour moi la justice n'est pas là. Pour moi une peine de trois ans pour un crime si grave, ce n'est pas acceptable. Et j'ai clairement été choquée de voir à quel point certains s'en sont sortis à si bon compte. 


La Shoah à l'Est : Regards d'Allemands, Andrej Umansky, éditions Fayard.


J'ai donc été choquée, dégoûtée, mal à l'aise aussi souvent. La plupart des témoignages n'ont aucune humanité, les exécutions parfois quotidiennes apparaissent dérisoires face au manque des proches par exemple. On parle des exécutions comme d'un simple travail, comme s'il s'agissait de passer un petit coup de balai et voilà. Bon oui ça fatigue, mais au-delà de ça, c'est pas bien méchant...

Des récits m'ont donné envie de vomir, littéralement. C'est aussi pour ça si j'ai mis autant de temps à le lire. Par moment, je le refermais au beau milieu d'une phrase. Je ne pouvais plus lire autant de haine, autant de normalité pour quelque chose qui est tout sauf normal. Je l'ai terminé il y a deux jours et j'ai toujours autant de mal à écrire mon ressenti, j'en ai parfois les mains qui tremblent et une sérieuse nausée se fait sentir. 

Évidemment, tous les témoignages ne sont pas comme cela - disons que la plupart le sont -, certains sont encore imprégnés d'humanité, de cette chose que l'on pense être commune à tous, mais qui se révèlent être absente chez beaucoup. Il y a des soldats, des nazis purs et durs, et il y a des gens lambda, des êtres incapables de générosité, incapable d'accepter autrui, des êtres littéralement abjects dans leur pensée, mais jamais condamnés. 
Et puis, il y a ce témoignage d'Elfriede Nehring, allemande et épouse d'un Juif battu à mort à Kolomea. 
Et puis, il y a le témoignage de Harald M., fils d'un gardien de camp, spectateur de certains méfaits de son père. 
Je recommande ces deux témoignages qui viennent donner un éclairage différent des autres et surtout, qui transpire l'humanité et le rejet de l'antisémitisme ou de toute autre forme de racisme. 


J'ai énormément appris avec cet ouvrage. Comme je le disais, je savais peu de chose sur la Shoah à l'Est, excepté l'Aktion Reinhard. J'en ai appris plus encore dessus d'ailleurs. Par exemple, il est très souvent fait mention du camp de Belzec, (personnellement, je connaissais surtout celui de Treblinka et uniquement de nom celui de Sobibor). En faisant quelques recherches supplémentaires, j'ai appris que ce camp était en gros le premier à avoir mis en place le gazage de manière systématique. 
J'ai également pu me rendre compte à quel point les pratiques étaient différentes de ce côté de l'Europe puisque si le gazage et les camps sont à la base de l'extermination à l'Ouest, les 2,2 millions de Juifs exterminés en territoire soviétique (chiffre minimum donné sur la 4e) ont principalement été abattus à l'aide de pistolets. D'où l'utilisation de "Shoah par balle". 
On observe la cruauté de ces pratiques : séparer les Juifs par groupes, séparer parfois les familles, les laisser mourir ensemble d'autres fois, mais à peu de chose près, c'est toujours le même mode opératoire : creuser des fosses extrêmement longues, placer les Juifs soit dans la fosse et tirer, soit les placer devant la fosse et tirer dans la nuque... 

Cette cruauté me paraît d'autant plus insupportable qu'elle était accessible pour les villageois et autres habitants de Galicie, d'Ukraine, etc. 
Définitivement, ce livre me marquera à vie. Ça a été une lecture extrêmement éprouvante, difficile, et je dois avouer que lire ce livre en même pas un mois était un véritable challenge, étant donné que ce n'est pas le genre de lecture que l'on peut lire d'une traite. Mais comme toujours, j'ai pu en apprendre plus sur cette période et c'est bien ce qui est le plus important pour moi. 







dimanche 8 juillet 2018

Le Coin des libraires - #102 Grisha I. de Leigh Bardugo

Après avoir plus qu'adoré la duologie Six of Crows qui figure d'ailleurs dans mon top de l'année 2016, j'ai longuement hésité avant de me procurer Grisha, le premier volet d'une trilogie écrite avant Six of Crows, et mettant en scène le même univers - mais les personnages et l'intrigue n'ont rien à voir ! 

À vrai dire, je me souviens qu'après avoir partagé mon amour pour Six of Crows, les éditions Milan m'avait annoncé la prochaine réédition de Grisha chez eux. Sur le moment je m'étais dit que je n'allais sans doute pas me la procurer. Et puis avec le temps, j'ai pas mal repensé à Six of Crows et comment dire ? J'étais, disons, nostalgique de la plume de l'auteur, des personnages évidemment, mais aussi de l'univers. Voilà comment j'ai sauté le pas et le moins qu'on puisse dire, c'est que depuis que je l'ai (mi-novembre) j'ai eu du mal à ne pas y toucher. 


Bon forcément la beauté du livre m'a aussi influencée on ne va pas se mentir, j'aime son format, sa prise en main (il est très souple) et évidemment, sa couverture. 



OMBRE. GUERRE. CHAOS.

Un royaume envahi par les ténèbres.
Une élite magique qui se bat sans relâche contre ce mal.
Des citoyens envoyés en pâture aux créatures qui peuplent le Shadow Fold.
Parmi eux : Alina Starkov.
ESPOIR. DESTINÉE. RENOUVEAU.
L’avenir de tous repose sur les épaules d’une orpheline qui ignore tout de son pouvoir.
L’Invocatrice de lumière.


On suit donc Alina qui, comme on s'en doute très vite n'est pas comme les autres. Bon je n'ai pas envie de raconter l'histoire et d'ailleurs soit-dit en passant, je trouve que le résumé de 4e (qu'on trouve  à l'intérieur de la couverture) est bien trop révélateur, ça spoile quoi, les cinquante premières pages ? et quand un livre en fait même pas 350 et que c'est écrit gros, c'est dommage.

Ce livre qui n'est que le tome 1 est une mise en bouche, une façon pour l'auteure de nous faire entrer dans son univers et c'est bien ce qu'il est. Je ne veux pas dire qu'il n'y a pas d'enjeux ou quoi, simplement, on sait pertinemment que tout ne va pas se jouer dans ce tome. 
Pour ma part, j'ai passé un très bon moment, je suis entrée facilement dans l'histoire, j'ai dès le début apprécié le personnage d'Alina, mais évidemment, j'ai des petites choses à redire sur son personnage et l'intrigue en elle-même. 


La première est que je déplore un peu le manque d'originalité dans le sens où, on se doute dès le début que la normalité d'Alina n'est qu'apparence, même si elle-même ne sait pas qu'elle est différente. J'aurais préféré qu'on nous dise d'emblée ce qu'elle est, ou qu'elle soit purement ordinaire, mais là, je ne sais pas, j'ai trouvé que c'était trop commun. 
Deuxième chose, il en va de même pour la relation d'Alina avec son meilleur ami, Mal. Leur relation est des plus basiques, elle, la fille que personne remarque, celle qui est la bonne amie, mais pas suffisamment belle pour être autre chose, lui, le beau gosse qui parvient à se faire des Grisha alors qu'il est lui-même qu'un gars ordinaire, bon ok, c'est un super bon traqueur, mais il n'a pas de pouvoirs, il n'est pas un Grisha ! 



Grisha de Leigh Bardugo aux éditions Milan.


Je pense que ce sont les deux éléments qui m'ont un peu déplu. Après faut le dire, j'avais des attentes, même si ça a été écrit avant, j'ai trouvé Six of Crows tellement original que je m'attendais à plonger en terrain inconnu et non pas à avoir un scénario des plus communs dans la littérature young-adult. 
Au-délà de ça, et ben c'est prenant ! J'ai eu du mal à décrocher, j'aurais adoré avoir la suite afin de pouvoir enchaîner un bon coup ! Même si je suis immédiatement rentrée dedans, il n'empêche que j'ai préféré le moment où Alina et Mal se retrouvent, je n'ai pas trouvé que c'était long avant, mais il était plutôt évident qu'il y avait anguille sous roche, que tout était bien trop parfait pour être réel. 

Pour ce qui est du tempérament d'Alina, comme je le disais, j'étais un peu gênée au début, et puis au fur et à mesure on découvre un personnage avec sa propre personnalité, avec sa gentillesse et sa naïveté. Son personnage est attachant parce que même en étant la fille la plus badass du livre, elle reste tout à fait humaine et modeste. 
Mal m'a clairement ennuyé au début, le délire du tombeur et tout, ça fonctionne pas avec moi - peut-être que c'est pour cette raison si je ne lis pas de romance ? - alors quand ils ont été séparés, je me suis dit "bon vent !". Il est vrai qu'il m'a profondément agacé après avoir retrouvé Alina, le délire de "je t'ai jamais vraiment vu avant" ne m'a pas plu, mais pour le reste, je dis cent fois oui ! 

On trouve enfin un personnage qui possède des blessures, des peurs, mais qui est aussi extrêmement courageux, qui est prêt à tout en fait, et c'est ce qui m'avait tant plu dans les personnages de Six of Crows, celui de Kaz surtout. J'ai refermé le bouquin avec un réel attachement pour ces deux-là, et donc forcément, avec une terrible envie de savoir ce qui allait bien pouvoir leur arriver ! 
J'ai été emportée par l'histoire, par les promesses du Darkling et son obscurité, par les personnages ambivalents que sont Baghra et Genya. J'espère qu'on les reverra, ce sont des personnages prometteurs mais dont on sait trop peu de choses après la lecture de ce volet. 








dimanche 1 juillet 2018

Le Coin des libraires - #101 L'invitée de Simone de Beauvoir

L'invitée (1943) est le premier roman de Simone de Beauvoir et accessoirement, le premier roman que je lis d'elle. Après avoir fait la rencontre de l'auteure par le biais de son autobiographie - le dernier volume lu est La force des choses I et je pense lire la deuxième partie très prochainement - j'ai voulu me plonger dans son oeuvre romanesque. 

"Voyez-vous, dit Pierre, le temps n’est pas fait d’un tas de petits morceaux séparés dans lesquels on puisse s’enfermer successivement ; quand vous croyez vivre tout simplement au présent, bon gré, mal gré, vous engagez l’avenir." 
Simone de BeauvoirL'invitée.


J'ai cette tendance un peu psychorigide de vouloir commencer par les premières oeuvres, c'est donc pour cette raison et parce qu'elle nous parle de la rédaction de ce dit roman dans La force de l'âge. J'avais d'ailleurs aimé cette façon de revenir sur son oeuvre et de la remettre dans le contexte, donc forcément, ça m'avait donné envie de lire ce premier roman. 
Enfin, je pense que je me suis décidée parce que mine de rien, j'ai déjà lu quasiment la moitié de son autobiographie, alors j'essaie de me concentrer sur ses autres oeuvres afin d'en découvrir le plus possible avant d'avoir terminé La cérémonie des adieux (dernier volume de son autobiographie). 


« Je me sens coupable, dit-il. Je me suis reposé bêtement sur les bons sentiments que cette fille me porte, mais ce n'est pas d'une moche petite tentative de séduction qu'il s'agissait. Nous voulions bâtir un vrai trio, une vie à trois bien équilibrée où personne ne se serait sacrifié : c'était peut-être une gageure, mais au moins ça méritait d'être essayé ! Tandis que si Xavière se conduit comme une petite garce jalouse, si tu es une pauvre victime pendant que je m'amuse à faire le joli cœur, notre histoire devient ignoble. »


L'invitée m'intriguait énormément, on me l'a plusieurs fois conseillé et surtout, même s'il ne faut pas prendre ce livre pour un récit vrai au sens où il s'est produit dans la réalité, l'auteure a puisé dans sa propre vie, son entourage et sans aucun doute ses sentiments pour pondre cette histoire. 
En effet, Xavière (prénom que je n'avais jamais croisé auparavant) ne serait autre qu'un mélange d'Olga et sa soeur. Olga - à qui le livre est d'ailleurs dédié, comme on le voit avec l'épigraphe - était une ancienne élève de Simone de Beauvoir lorsqu'elle enseignait à Rouen, l'auteure l'a fait venir sur Paris et l'a introduite dans le milieu théâtral. Elle a par ailleurs eu une aventure avec Sartre avant de se marier avec un des membres de la bande. 

Il n'en reste pas moins que Simone de Beauvoir a choisi d'aborder un sujet qui la concerne directement puisque ce qui est au centre de l'intrigue est bien une relation à trois, une relation de "partage". Sartre et Beauvoir ont passé cette espèce de pacte où, ils partagent leur vie (et durant un certain moment, aussi leur lit), en se vouant un amour inconditionnel, tout en allant voir ailleurs. Enfin, apparemment c'était surtout lui qui avait la bougeotte, mais elle a fini par s'ouvrir aux autres hommes de son côté. 
Bref, tout ça pour dire que cette histoire ne sort pas de nulle part même si je pense qu'une grande partie ne s'est pas déroulée de la façon dont elle l'écrit. 


Le roman se découpe en deux parties, la première consacre évidemment la mise en place, on fait la rencontre de Françoise, la protagoniste et double de l'auteure, ainsi que Xavière comme je le disais plus haut, mais aussi Pierre (largement inspiré de Sartre). À eux trois, ils forment le noyau dur du roman, la plupart des événements sont liés à eux - même si on a de très rares chapitres sous le point de vue d'Elizabeth. 
Cette partie se termine sur la réunion du ménage, après de longues interrogations et même un bref séjour à l'hôpital, les trois décident finalement d'être ensemble et de vivre en osmose à trois. 
La deuxième partie est bien évidemment dans la continuité, mais je n'en dirais pas plus là-dessus. 

Je ne vais pas y aller avec le dos de la cuillère, que ce soit une auteure que j'adore et admire ne change rien au fait que pour le coup, elle a eu le don de pondre des personnages tout à fait insupportables. 
Non mais sans rire, je pense que Xavière décroche la médaille de l'emmerdeuse ! Son personnage est tout à fait antipathique, à tel point qu'à un moment je me suis demandée si l'auteure ne l'avait pas fait exprès, mais je me dis qu'Olga était son amie, alors ce ne serait quand même pas très sympa ! 
Françoise est bien plus attachante malgré le fait que je l'ai trouvé un peu trop passive, notamment dans la première partie où elle encaisse sans sourciller alors que ça la gêne très clairement - ce qui est tout à fait compréhensible ! 
Pierre ne m'a pas plus non plus, trop coureur de jupons et un poil manipulateur, j'ai trouvé son personnage à moitié détestable et en même temps assez pathétique.


L'invitée de Simone de Beauvoir, éditions Folio.


À vrai dire, c'est assez bête étant donné que c'est un personnage secondaire - dans la mesure où il n'appartient pas au trio -, mais j'ai bien accroché avec Elizabeth. Sans en faire trop, j'ai trouvé intéressant d'avoir une autre immersion dans une relation à trois, une relation qui apparemment dure depuis un bout de temps, mais une autre relation qui dès le début, nous est donnée comme étant un véritable échec et une illustration du mécontentement que peuvent ressentir certaines parties. Même s'ils sont très rares (il doit y en avoir trois à tout casser), les chapitres qui épousent son point de vue m'ont intéressé en grande partie grâce à la réflexion qu'elle a sur le monde, sur ce qui l'entoure. 


Après coup, je garde en mémoire cette cruauté entre Françoise et Xavière, cette fausse gentillesse. On imagine dès le départ la fin, on garde à l'esprit que si la fiction est un tant soit peu fidèle à la réalité, Xavière se retrouvera évincée, ou bien elle évincera les autres, et par là j'entends Pierre, car on a beau dire, pour moi Françoise et Xavière gâchent leur relation en y incluant Pierre. 
Mais je ne peux m'empêcher de me demander où commence la fiction, qu'y a-t-il de vrai, et de faux ? Enfin je veux dire, à la fin, c'est quand même très sympa tout ce qui se passe et finalement, par le biais de son personnage, Simone de Beauvoir dépeint une femme jalouse et indécente, prête à écraser son adversaire, rien de plus, rien de mois. 

Je ne m'attendais pas exactement à cette histoire, à avoir toute cette jalousie dévorante puis quelques pages plus loin, un amour d'apparence parfait. C'est surtout que je ne me suis pas attachée aux personnages (excepté Elizabeth et peut-être aussi Gerbert), si bien qu'à part au début, je n'ai jamais eu d'empathie pour eux. Françoise me touchait au début et puis avec le temps, elle a commencé à me dégoûter, montrant à chaque fois qu'elle méritait peut-être ce qui lui arrivait. Comment ressentir de l'amertume pour quelque chose si tu en es l'instigateur, si tu le fais de ton plein gré ? C'est difficile. 

Enfin, ce que je garde, c'est bien évidemment la qualité de la plume, un style concis, sans fioritures qui nous fait entrer dans le monde qu'elle décrit en un claquement de doigts. Il y a des réflexions pertinentes un peu partout, principalement de Françoise et de Pierre, des remarques qui font réfléchir, que l'on soit d'accord ou pas, on ne peut pas rester sans s'interroger. 

D'un côté, je pensais adorer ce roman, je m'étais naturellement dit qu'ayant plus qu'aimé son oeuvres autobiographiques et plus largement la femme qu'elle était, j'allais adorer. Alors attention, j'ai beaucoup aimé et je suis très contente de l'avoir lu, pas de doute là-dessus, mais je n'ai pas franchement accroché aux personnages et c'est dommage. 
D'un autre côté, je suis contente de l'avoir découvert pour la simple et bonne raison que j'ai découvert un autre visage de l'auteure, celui qui choisi d'écrire un livre sur la jalousie, sur les vices et qui, à mon humble avis, devait ressentir cette jalousie. On découvre une facette plus sombre de Simone de Beauvoir à travers ce roman et j'ai trouvé ça tout aussi intéressant que bouleversant. 


"L’angoisse qui la saisit soudain était si violente qu’elle eut presque envie de crier ; c’était comme si brusquement le monde se fût vidé ; il n’y avait plus rien à craindre, mais plus rien non plus à aimer. Il n’y avait absolument rien. Elle allait retrouver Pierre, ils diraient ensemble des phrases, et puis ils se quitteraient ; si l’amitié de Pierre et de Xavière n’était qu’un mirage creux, l’amour de Françoise et de Pierre n’existait pas davantage ; il n’y avait rien qu’une addition indéfinie d’instants indifférents ; rien qu’un grouillement désordonné de chair et de pensée, avec au bout la mort."
Simone de BeauvoirL'invitée.








Le ciel en sa fureur d'Adeline Fleury

Quand le varou m'emportera je m'endormirai dans le ciel de tes yeux. Sous les auspices de Jean de La Fontaine, Adeline Fleury nous ...