mercredi 19 décembre 2018

Le Coin des libraires - #120 La goûteuse d'Hitler de Rosella Postorino

Merci aux éditions Albin Michel et à Babelio pour m'avoir permis de découvrir ce roman en avant-première. Sa sortie officielle est prévue pour le 2 janvier 2019

À la base j'avais décidé de refuser toute opération privilégiée jusqu'à la fin de l'année, j'ai déjà tellement d'ouvrages à lire pour mes études et plus largement, chez moi, que je ne voulais pas me rajouter de lecture. Oui mais ça c'était avant de recevoir un mail me proposant ce livre. 
Comme vous vous en doutez maintenant, il m'a suffit de lire le titre pour avoir envie de le découvrir. Même si je ne vais pas lire que ça durant les deux prochaines années, j'ai décidé de travailler sur les récits de fiction documentés sur la Seconde Guerre mondiale (mes recherches ne concernent que la littérature française !) et ma curiosité a forcément été piquée quand j'ai vu ce titre. 


1943. Reclus dans son quartier général en Prusse orientale, terrorisé à l’idée que l’on attente à sa vie, Hitler a fait recruter des goûteuses. Parmi elles, Rosa. 
Quand les S.S. lui ordonnent de porter une cuillerée à sa bouche, Rosa s’exécute, la peur au ventre : chaque bouchée est peut-être la dernière. Mais elle doit affronter une autre guerre entre les murs de ce réfectoire : considérée comme « l’étrangère », Rosa, qui vient de Berlin, est en butte à l’hostilité de ses compagnes, dont Elfriede, personnalité aussi charismatique qu’autoritaire. 
Pourtant, la réalité est la même pour toutes : consentir à leur rôle, c’est à la fois vouloir survivre et accepter l’idée de mourir.

Je suis parvenue à me plonger dedans, mais pas de la manière que j'aurais souhaité - je lisais une dizaine de pages par-ci une dizaine de pages par-là. Le début ne m'a pas franchement enchanté. J'ai trouvé la mise en place assez longue. Bref, après avoir mis une petite semaine à lire les cent premières pages, je me dis que ce n'est pas exactement ce que j'attendais. 

Et pourtant, une fois passée cette centaine de pages, immersion directe. La mise en place est longue, on suit Rosa dans son quotidien répétitif et parfois sans grand intérêt. Et pour moi, tout s'enchaîne avec l'entrée du personnage de Ziegler. Toute la complexité du roman apparaît avec ce personnage. C'est à ce moment que Rosa est tiraillée entre son statut de femme mariée qui vit chez ses beaux-parents parce que son mari a dû partir au front et celui de simple citoyenne allemande qui doit accepter la tyrannie des SS. 


Ce déchirement du personnage à partir de Ziegler m'a énormément plu. J'ai trouvé les questionnements vraiment pertinents et pas seulement là pour faire avancer l'histoire. Il en va de même pour les autres goûteuses. Si je trouvais leur présentation un peu invraisemblable, du moins pas vraiment intéressante, au fur et à mesure l'auteure parvient à bien détailler ses personnages et à en faire des êtres vivants et non plus de simples figures fantomatiques dans une histoire qui ne les concerne pas réellement. Le personnage d'Elfriede est sans conteste celui que j'ai préféré. On sent qu'elle cache quelque chose derrière son tempérament assez bipolaire, mais je ne pensais pas que ce serait ça pour autant. 

L'histoire s'enchaîne très bien, le personnage de Rosa est à mon sens vraiment trop sage. C'est vraiment l'archétype de la bonne allemande qui refuse la guerre, refuse Hitler, bref elle a déjà compris tous les problèmes liés au Troisième Reich, bref elle semble un peu trop parfaite. Jusqu'à l'arrivée de Ziegler qui va remettre en cause tout un tas de choses. 
D'ailleurs, pour ce qui est de ce personnage, je trouve que c'est un des mieux réussis. Il est complexe dans le sens où il ne semble pas particulièrement méchant ni même cruel, mais il n'est pas franchement bon non plus. C'est pour moi le plus aboutit de tous parce que l'auteure a su en faire un être humain, un être qui a commis des atrocités au nom de ses idéaux (lorsqu'il raconte à Rosa pourquoi il a demandé à être muté), et qui est hanté par ce qu'il a vu. On retrouve donc ici aussi l'image du bourreau dépeinte de manière réaliste, tout en essayant d'une certaine façon de le rendre attachant au lecteur. 

Le bémol de cette histoire avec Ziegler, c'est la finalité. Alors là j'ai pas compris pourquoi ils arrêtent de se voir avec Rosa, il raconte un peu ce qu'il faisait avant d'arriver à la Wolfsschanze, puis il part retrouver sa famille, il revient, les goûteuses sont confinées dans un même bâtiment et tout est fini. J'ai trouvé ça expéditif et sans vraie raison, c'est dommage. 




J'ai particulièrement aimé le côté rétrospectif de l'histoire, ça fait très "témoignage", ça ajoute, à mon sens, de l'épaisseur au récit. Mais des fois, je trouve ça un peu gratuit aussi. Rosa nous répète plusieurs fois "je ne l'ai appris que plus tard", ce genre de choses, sans forcément s'étaler dessus. C'est bien de le savoir, mais ce serait mieux de développer un peu. Par exemple, on ne sait pas ce que Ziegler devient une fois qu'il l'a fait évacuer vers Berlin. On n'a jamais aucune nouvelle de lui et c'est dommage quand l'on sait qu'il est un des personnages principaux de l'histoire - oui, je déteste rester dans l'ombre haha ! 

L'auteure amène très bien le passé de Rosa. Le fait d'invoquer sa famille, notamment la disparition de son père, puis celle de sa mère permet de mieux comprendre le personnage sans pour autant tomber dans le pathos. On comprend un peu mieux pourquoi elle prend ces décisions, pourquoi elle est si farouchement opposée à Hitler et à son gouvernement. Alors oui, ça fait peut-être un peu le cliché de la bonne allemande qui a dû subir sous peine d'être supprimé, mais finalement n'est-ce pas simplement ce qu'il s'est passé en réalité ? 

Je voudrais enfin ajouter que la dernière partie m'a laissée sur ma faim. Son mari, Gregor revient, mais ça ne colle pas ? Je ne comprends pas. Je ne comprends pas comment on peut nous parler d'une relation durant 300 pages, de la douleur d'une femme qui apprend que son mari a disparu, pour finalement en arriver à cette conclusion. Je trouve la fin bien trop pessimiste par rapport au reste du roman. Donc oui, pourquoi pas j'imagine, mais c'est dommage de terminer de cette façon, sur la solitude de Rosa et sur ses secrets finalement. Tout ce qu'il s'est passé durant son absence est passé sous silence et c'est bien les non-dits qui ont détruit leur relation. Et la femme qui a inspiré Rosa est restée avec son mari jusqu'à ce que celui-ci décède bien des années après la guerre. 

Globalement ça a été une très bonne lecture. Un démarrage plutôt difficile, mais une fois entrée dedans, il devient difficile de lâcher le bouquin. Un personnage principal charismatique et intéressant, et surtout, un personnage inspiré de la réalité. 
Tout au long de l'ouvrage, je me demandais ce qu'il y avait de réel dans l'histoire. À titre d'exemple, est mentionné l'attentat qui a failli coûter la vie à Hitler en juin 1944, les éléments relatés dans l'ouvrage sont fidèles à la réalité. 
L'auteure mentionne dans une note que cette idée lui est venue par le biais d'une interview d'une femme, Margot Wölk, qui, en 2013 a donné une interview en Allemagne où elle racontait justement son métier de goûteuse pour Hitler qui a duré deux ans. 

Pour ceux que ça intéresse, j'ai trouvé un article qui relate rapidement ce qu'a vécu cette femme durant la guerre et on se rend rapidement compte que Rosella Postorino s'est largement inspirée de son vécu pour écrire son roman. Elle dit d'ailleurs qu'elle souhaitait la rencontrer, mais que malheureusement, Margot Wölk est décédée avant qu'elle puisse le faire. 


La goûteuse d'Hitler de Rosella Postorino est donc un roman documenté comme j'en cherche, c'est-à-dire une histoire où l'auteure ajoute des éléments imaginaires, mais où il y a aussi une grande part de vérité. Pour répondre à ma question de savoir si les romans documentés sur la Seconde Guerre mondiale peuvent permettre au lecteur d'apprendre quelque chose sur l'Histoire, ici, je dirais cent fois oui. J'ai passé un très bon moment de lecture et j'ai appris des choses, je ne peux donc que remercier l'auteure pour la qualité de son ouvrage et une fois encore les éditions Albin Michel pour m'avoir donné l'opportunité de le découvrir en avant-première. 









mercredi 21 novembre 2018

Séries du moment - #7 novembre 2018

J'ai envie d'essayer d'écrire un article tous les deux-trois mois sur trois séries comme je l'ai fait en septembre dernier où je vous parlais d'Orange is the new black, Preacher et 3%
Mon article de novembre sur trois séries est consacré à Atypical, Daredevil et Sharp Objects - et oui, il faut bien faire un choix ! 

  • Atypical (saison 1 & 2)


Si je ne vous ai jamais parlé de cette série avant, c'est bien parce que je ne l'avais pas encore découverte !
Dans cette série créée par Netflix on va suivre les péripéties et autres déboires de la famille Gardner. En réalité, la série se focalise surtout sur l'aîné, Sam 18 ans, atteint d'autisme (ce qu'on appelle aujourd'hui dans le jargon un trouble du spectre de l'autisme - TSA). 

Sans raconter ce les événements de la saison 1 (et encore moins ceux de la 2), je peux dire que cette série est une pépite dans son genre, mais une pépite bien trop courte. 
Et oui, la saison 1 sortie en août 2017 est composée de seulement huit épisodes, la saison 2, sortie en septembre dernier n'en compte, elle, que dix. 

Juste pour vous donner l'eau à la bouche, le postulat de départ est que Sam désire se trouver une petite-amie. Cette quête va donner lieu à des événements hilarants et parfois difficiles, mais il faut bien garder à l'esprit qu'Atypical est une comédie, c'est une série qui nous dévoile ce que peut être le quotidien de quelqu'un atteint d'autisme dans ce qu'il a de plus dur et touchant. 

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À mon sens si la série fonctionne c'est grâce à un scénario extrêmement bien dosé, on ressent de la compassion pour Sam, mais jamais de la pitié. Il nous fait rire aux larmes, mais ce n'est jamais de la moquerie. 
Et puis il y a les acteurs. Franchement, chapeau bas pour Keir Gilchrist, l'acteur qui incarne Sam, il joue parfaitement bien, il arrive à dépeindre les difficultés que posent l'autisme pour soi, et pour autrui. Si on a tous le sentiment de ne pas trouver sa place lorsqu'on est adolescent, c'est plus compliqué pour Sam qui est un adolescent-jeune adulte, Sam a bien des raisons de se trouver différent des autres. 

Mais finalement, au fur et à mesure des épisodes on découvre une famille tout sauf uni, un père (Michael Rapaport) pour le moins effacé, une mère qui flippe pour rien et qui surprotège son fils (Jennifer Jason Leigh) et enfin une soeur cadette (Brigette Lundy-Paine) qui doit toujours prendre soin de son frère aîné au détriment de sa propre vie parfois. 
On découvre par la suite d'autres personnages hilarants et attachants comme c'est le cas du meilleur ami Zahid (Nik Dodani). 

Bref, après qu'on m'ait chaudement recommandé cette série, je la recommande à mon tour et jusqu'à présent, on ne m'en a dit que des choses positives. 
Si vous souhaitez regarder quelque chose de mi-doux, mi-amer, si vous voulez découvrir quelque chose de neuf, vraiment regardez cette série, elle vaut le détour tout simplement. 




  • Daredevil (saison 3)


À la base je comptais vous parler de la saison 8 d'American Horor Story, nommée Apocalypse, mais j'ai à peine vu la moitié de la saison, du coup je préfère la garder bien au chaud pour écrire un article complet dessus une fois que je l'aurais terminé - j'espère avoir le temps de vous en parler ! 

Du coup j'ai décidé de vous parler d'une autre série dont j'ai commencé la dernière saison, j'ai nommé la saison 3 de Daredevil
Bizarrement je ne crois pas en avoir déjà parlé ici, malgré le fait que j'ai adoré la première saison. À savoir que ça partait mal étant donné que les seuls éléments connus sur ce justicier venaient du navet Daredevil sorti en 2003 avec Ben Affleck et Jennifer Garner... On ne dira rien de plus sur ce film ! 

Je disais donc que j'ai énormément aimé la saison 1, je trouve Charlie Cox parfait dans son rôle de démon de Hell's Kitchen, j'aime le personnage de Foggy (Elden Henson) et par-dessus tout j'ai pu retrouver Deborah Ann Woll qui jouait un de mes personnages fétiches dans la série True Blood !! 

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La saison 1 était très bien, et puis il a fallu attendre des plombes pour la deuxième puisqu'entre temps Netflix a décidé de sortir Luke Cage, Jessica Jones, Iron Fist, et enfin les Defenders.
Mouais, bof quand même. 

Je n'ai pas accroché à Luke Cage et encore moins à Jessica Jones, j'ai trouvé Iron Fist pas mal, mais pas transcendant et les Defenders, j'ai trouvé ça extrêmement lent. 
Autant d'attente pour ça, n'est-ce pas... 

Mais voilà que la troisième saison arrive, qu'on apprend enfin ce qui est arrivé à Matt depuis son dernier affrontement. On retrouve le trio plus désuni que jamais, et il semble que la menace qu'est Fisk ne partira jamais. Malgré l'emprisonnement de ce dernier, il continue à tout contrôler et là où j'en suis (j'ai vu l'épisode 7 avant-hier) ça n'a pas l'air d'être différent. 

Pour le moment je trouve cette saison un peu en-dessous de la première qui est pour moi la meilleure. Je ne retrouve pas forcément la dynamique qui me faisait adorer le personnage et la série. Je suis toujours ses aventures avec plaisir, mais ce n'est plus le même engouement, sûrement à cause des crossovers qui dénaturent la fiction quand on essaie d'en faire trop. 

Je materai sans doute la saison 2 de Defenders, mais pour l'instant, ça a surtout fait de l'excellente Daredevil un simple grain de sable dans un océan beaucoup plus grand, mais pas nécessairement utile ni même agréable. 



  • Sharp Objects (saison 1) 


L'été dernier j'ai découvert la nouvelle série HBO : Sharp Objects, réalisée par Jean Marc Vallée (qui n'est autre que le réalisateur de Big Little Lies) et adaptée d'un roman de Gillian Flynn, auteure surtout connue pour son ouvrage Les apparences, également adapté, mais au cinéma cette fois sous le nom Gone Girl - film que je recommande et dont j'avais d'ailleurs écrit un article lors de sa sortie

Ce qui m'a donné envie de regarder cette série ? Le fait que ce soit HBO qui est quand même reconnue pour ses très bonnes séries, le fait que ce soit l'adaptation d'un roman (Sur ma peau, que je n'ai pas lu, mais quand même !) et enfin parce que la série est portée par Amy Adams qui est une actrice que j'aime beaucoup - notamment pour son rôle dans Premier contact ou encore Nocturnal Animals

Et bien de prime abord, cette série m'a énormément fait penser à Top of the lake avec Elizabeth Moss. 
Le postulat de départ y ressemble étrangement : la disparition de jeunes filles dans un endroit à peu paumé. Même si d'autres éléments peuvent être rapprochés (il faut avoir vu les deux pour s'en rendre compte), on va dire que la comparaison s'arrête ici. 

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Sharp Objects est une série difficile à regarder. Je comprends d'ailleurs pourquoi Amy Adams a refusé de tourner une deuxième saison, ça doit être très éprouvant pour une actrice de devoir se mettre dans ce type de rôle. Et en effet, Camille Preaker est une femme pour le moins tourmentée. 

Après avoir quitté sa ville natale de Wind Gap, elle doit revenir sur ordre de son rédacteur en chef pour suivre l'affaire concernant la disparition de deux adolescentes. Et le moins qu'on puisse dire, c'est que les retrouvailles avec sa famille ne sont pas des plus agréables. Sa mère, Adora (Patricia Clarkson) est une véritable folle, atteinte du syndrome de Münchhausen (ou trouble factice) mais par procuration. C'est-à-dire qu'elle a le besoin de simuler une maladie ou du moins des symptômes afin d'attirer la compassion. Sauf qu'elle, elle rend ses filles malades (au point d'en mourir) afin d'être indispensable pour celles-ci. 

Le petit point négatif c'est qu'au fond, la disparition des adolescentes et amies d'Amma (nom ??), la petite soeur de Camille, est au final un prétexte pour explorer la famille Preaker. Mais faut dire qu'il y en a des choses à dire sur cette famille entre la mère et les filles ! 
Le dernier épisode tout aussi oppressant que les précédents nous révèle une vérité pour le moins glaçante. 

Cette série m'a retourné, elle est tout sauf simple à regarder - j'ai dû mentionner 10% de ce qui se passe dans la saison. Camille est un personnage tourmentée, trop dépressive, trop penchée sur la bouteille, elle est dans l'excès de douleur si je peux le dire ainsi. D'une certaine façon il en va de même pour Amma qui a été façonnée par sa mère et pour laquelle elle semble prête à mourir, excès de soumission, qui mène à un excès de violence.

Je ne sais pas si j'aurais souhaité une deuxième saison, celle-ci était déjà difficile à regarder et même si la fin peut laisser présager une suite, je pense que je préférerais me pencher sur le bouquin - surtout que j'ai entendu qu'il y a quelques différences entre le livre et la série. 









samedi 10 novembre 2018

Le Coin des libraires - #119 Nord-Michigan de Jim Harrison

Mon premier Jim Harrison. Lorsque j'ai commencé à lire des livres de façon "sérieuse", je me suis pas mal intéressée à la littérature américaine et anglaise (en plus de la française), et puis, entre temps, je me suis découvert une grande passion pour la littérature allemande/autrichienne, si bien que j'ai un peu délaissé la littérature américaine. 

J'en lis toujours, mais quand même assez peu au final. Je n'ai pas rencontré les grandes figures du XIXe-XXe siècle américain comme Edith Wharton, Jack London, Charles Bukowski ou encore William Faulkner - cette mini liste d'auteurs est non exhaustive et ne contient que des auteurs que j'aimerais lire, donc par définition, que je n'ai pas encore personnellement découvert. 

Néanmoins, je dois contraster en soulignant que je ne suis pas non plus une vraie bille, j'ai déjà lu Poe, Sallinger, Hemingway, Fitzgerald... 
Et puis, j'ai lu, pleuré, relu, repleuré face à Des souris et des hommes de Steinbeck qui est pour moi un des meilleurs livres jamais écrit au monde. 
Fin voilà, ma culture en littérature américaine est passable, mais mes lectures, bah, elles le sont bien moins. 

J'ai reçu Dalva pour mon anniversaire (ou Noël ?) en 2016. Je ne l'ai pas encore lu non plus. À vrai dire j'ai un peu de mal à me plonger dans un pavé lorsque je n'ai encore rien lu de l'auteur en question. Lorsque j'ai vu que les éditions 10/18 sortait une édition limitée de Nord-Michigan, troisième roman de l'auteur paru aux États-Unis en 1976, je n'ai pas hésité bien longtemps, j'ai commencé par celui-ci car il a été écrit avant Dalva et parce qu'il est plus court, c'était donc pour moi l'occasion de découvrir l'auteur plus rapidement. 


Instituteur dans une bourgade rurale du Nord-Michigan, Joseph coule des jours tranquilles dans la ferme de ses parents. Entre la chasse et la pêche, il partage ses nuits avec Rosalee, l’amie d’enfance, l’éternelle fiancée. Quand survient Catherine, une de ses élèves, âgée de dix-sept ans et très affranchie, déterminée à bouleverser le cours des choses… 

Sur un thème presque banal, Harrison a composé le plus simple mais aussi le plus beau de tous ses romans. 


Après la lecture des premières pages, une question s'impose : dans quoi me suis-je embarquée ? 
Une fois passée les trois pages d'un espèce de prologue, on est catapulté dans la nature, on nous parle de pêche de manière assez pointue quand on y pense. 
Bon, après coup je me suis dit "normal, vu le passif de Joseph, la pêche, la chasse et la nature vont avoir une place importante, si ce n'est centrale dans cette histoire". 

Pourtant, une fois passée les premières pages au sujet de la pêche, je me rends compte que je suis entrée dedans à la vitesse de l'éclair et que ma lecture est pour le moins agréable et enrichissante. 

Il faut dire que le personnage de Joseph, qui m'est apparu comme étranger de prime abord m'a rapidement touché. Ce quadragénaire, instituteur (un peu) aigri rêve d'évasion, plus précisément de l'océan. Déjà, pour moi, un des gros points forts du livre, c'est ce tiraillement, cette hésitation entre terre et mer, entre la chasse et la pêche, entre Rosalee, celle qu'il aime depuis des années et Catherine, celle avec qui il occupe ses journées, celle qui semble être un peu l'illustration de sa crise de la quarantaine. 

C'est une vie banale que nous montre Harrison, une petite vie tranquille de fils de fermier dans le Michigan, près de la Pine River. C'est un lieu commun pour cet auteur, membre du mouvement  nature writing - courant littéraire naît avec le fameux Wilden de Thoreau (si je ne me trompe pas) qui mêle des passages autobiographiques à des réflexions et descriptions de la nature. 

C'est bien ce qu'est Nord-Michigan : un court roman issu du nature writing. 
On y trouve en tout cas bon nombre de descriptions des lieux (qui, d'ailleurs, donne envie de découvrir le nord de cet état) et certains traits du personnage semblable à son auteur. 
À titre d'exemple, il y a évidemment les racines de l'auteur qui, comme son protagoniste, est d'origine suédoise de par ses parents. Il y a également le fait que Jim Harrison est né et a vécu au Michigan. 
Sans doute y en a-t-il d'autres, mais le but de cet article n'est pas de prouver que ce roman fait partie de ce mouvement littéraire américain. 


Nord-Michigan de Jim Harrison, éditions 10/18 collector.


C'est alors dans cette banalité de la vie qu'évolue Joseph, habitant de ce Michigan rural où il n'y a qu'une seule école pour tous les élèves. De ce Michigan où il vit avec sa mère mourante, dernier enfant de la famille à être resté dans les environs - ses soeurs sont parties de ce trou perdu depuis belle lurette -, de ce Michigan où il est hanté par le souvenir de son meilleur ami décédé, Orin, ex-mari de son amour de jeunesse, j'ai nommé Rosalee. 

Las de vivre une vie paisible, sans accroc, il découvre la fraicheur de la nouveauté en la personne de Catherine, ado de 17 ans qui n'est autre qu'une de ses élèves. À partir de là, Joseph va jouer à un jeu dangereux, un jeu qui brûle, qui abîme. Forcément, il va faire souffrir son amour de toujours, forcément il va devoir grandir et alors décider de la suite. Il va devoir faire un choix entre des éléments irréconciliables, entre la terre et la mer. 


Comme je le disais plus haut, j'ai eu du mal avec les premières pages, avec les descriptions de la nature, etc. et puis on comprend vite l'importance de ces descriptions pour l'ambiance d'une part, pour imprimer un paysage, et pour le personnage d'autre part. C'est un personnage fragile, attachant, émotif que l'on découvre. 
Jim Harrison nous offre un tableau passionnant, bucolique du nord du Michigan, et avec lui, l'illustration d'un homme fatigué d'être là où il est, d'être ce qu'il est, mais néanmoins heureux d'être environné de ces paysages si familier, de ces terres pour chasser, des lacs et autres rivières pour pêcher. 
C'est simplement que ce n'est pas l'océan. 


Honnêtement, je me suis plongée dedans un peu au hasard. Avec l'envie de découvrir ce grand monsieur de la littérature américaine du XXe siècle et avec le pressentiment que ce roman allait vraiment être trop centré sur la nature, et pas assez sur le personnage. Je me suis trompée. 
J'ai énormément aimé ce roman, je l'ai trouvé juste et touchant, à l'image du personnage de Joseph. 
Il ne fait pas de doute que je découvrirai d'autres romans de l'auteur, à commencer par Dalva qui m'attend sagement dans ma bibliothèque. 



"Il s’arrêta à l’idée que la vie n’était qu’une danse de mort, qu’il avait traversé trop rapidement le printemps et puis l’été et qu’il était déjà à mi-chemin de l’automne de sa vie. Il fallait vraiment qu’il s’en sorte un peu mieux parce que chacun sait à quoi ressemble l’hiver."
Jim Harrison, Nord-Michigan.





samedi 3 novembre 2018

Le Coin des libraires - #118 La fille qui tressait les nuages de Céline Chevet

La fille qui tressait les nuages me faisait de l'oeil depuis sa sortie, j'avais envie de le lire pour sa couverture, et surtout pour son titre aussi poétique qu'intriguant. Mais malheureusement les ouvrages des éditions du Chat Noir ne sont pas disponibles partout - je n'en avais jamais vu en vrai avant d'ailleurs. 

Quelle n'a donc pas été ma joie lorsque j'ai vu que cet ouvrage figurait dans la Masse critique du mois d'octobre ! Et puis comme vous pouvez le constater, j'ai eu la chance de le recevoir, il ne me restait donc plus qu'à le lire. 
J'en profite pour remercier Babelio et les éditions du Chat Noir pour cette découverte ! 



Saitama-ken, Japon.
Entre les longs doigts blancs de Haru, les pelotes du temps s’enroulent comme des chats endormis. Elle tresse les nuages en forme de drame, d’amour passionnel, de secrets.
Sous le nébuleux spectacle, Julian pleure encore la sœur de Souichiro Sakai, son meilleur ami. Son esprit et son cœur encore amoureux nient cette mort mystérieuse. Influencée par son amie Haru, Julian part en quête des souvenirs que sa mémoire a occultés. Il est alors loin de se douter du terrible passé que cache la famille Sakai…
Fable surréaliste, la Fille qui tressait les nuages narre les destins entrecroisés d’un amour perdu, une famille maudite et les tragédies d’une adolescence toujours plus brève.

Catégorisé comme un thriller, que l'on ne se méprenne pas, ce livre ne fait pas franchement peur - même pas du tout je dois dire - mais il n'empêche qu'il y a une ambiance un peu angoissante, ressenti notamment grâce aux personnages, Haru et Souichiro en tête évidemment. 

On suit donc Julian qui n'a pas toujours eu la vie facile. Et pour dire, il est victime de racisme parce qu'il est... à moitié anglais. Alors déjà, j'ai aimé le fait que soit mis en avant sa différence, le fait qu'il soit métis est pour lui un grand désavantage parce qu'il est justement différent des autres. 
On parle énormément du racisme envers les noirs, les arabes ou les asiatiques, mais je n'avais jamais lu de livres où il est question de racisme envers les blancs.
Après il est vrai que je ne m'y connais pas sur le sujet, je n'ai quasiment rien lu en littérature asiatique donc je ne sais pas s'il existe ce genre de discriminations en Asie (et plus particulièrement au Japon puisque c'est le pays dont il est question dans l'histoire). Si quelqu'un peut m'apprendre des choses à ce sujet, je suis mille fois preneuse !!


Revenons en à l'ouvrage en lui-même. 

Une fois ma lecture terminée, je me suis fais plusieurs réflexions : la première était que ce livre s'est lu à une vitesse folle, la deuxième était que cette histoire m'a enthousiasmé parce qu'elle est réellement inspiré du Japon. On retrouve un bon nombre de croyances à travers les personnages ou l'histoire en elle-même. 

Petite parenthèse : si vous me suivez sur Instagram, vous avez sans doute vu ma publication sur l'expo Enfers et fantômes d'Asie, et bien La fille qui tressait les nuages m'a énormément fait penser à cette expo, étant donné qu'il est question de fantôme, d'âme vengeresse et ce genre de chose. 

De prime abord je n'ai pas aimé le personnage de Julian, je l'ai trouvé un peu niais et pas franchement attachant. Au fur et à mesure des pages ça allait mieux, on sent que l'auteure veut donner une épaisseur et une authenticité à chacun de ses personnages et c'est quand même réussi. 
Pour moi, le vrai protagoniste, celui que j'ai véritablement aimé suivre, c'est Akiko. Je considère qu'elle est la véritable enquêtrice, elle met sur la piste, elle fait des recherches. Et puis, c'est entre ses mains que tombe le carnet bleu. 

D'ailleurs, parlons en du carnet bleu. Ah mais j'ai adoré ces passages ! 
L'incrustation d'un récit passé à travers un journal intime qui permet d'en savoir plus sur le présent, c'est quelque chose que j'adore et là encore ça n'a pas manqué. Ce carnet nous en révèle suffisamment pour nous donner envie de creuser sans pour autant nous donner toutes les réponses. 
Et c'est en ça que le dosage est bien réalisé, Céline Chevet est parvenue à écrire une histoire haletante, de prime abord un peu bancal, un peu ado et qui pourtant se révèle passionnante. 


La fille qui tressait les nuages de Céline Chevet aux éditions du Chat Noir.


C'est pour cette raison si je trouve que l'ouvrage se lit très vite : l'intrigue est prenante, on découvre des indices ici et là, mais il faut aller jusqu'au bout pour connaitre le fin mot. 
J'avoue que je n'avais pas vu venir cette fin - ainsi que d'autres éléments qui nous sont dévoilés au fur et à mesure. Elle est bien trouvée et surtout elle s'emboite complètement avec les infirmations glanées au cours du récit. 

La discussion finale entre Julian et Souichiro m'a plu parce qu'elle permet de faire la lumière sur le gros du mystère, de comprendre par exemple pourquoi Julian voit Haru, mais pas Souichiro. 
J'ai été entraînée dans cette histoire, dépaysée par un récit empli de d'âmes vengeresses. C'est exactement le genre d'histoire qui m'intéresse et que j'aime lire. 
Mais finalement, j'aurais aimé que le point de départ ne soit pas la mort de la soeur de Souichiro, je ne trouve pas que ce soit le plus important et c'est peut-être le seul bémol que j'ai à soulever. 
Ça tourne trop autour de l'amour de Julian pour celle-ci. C'est un peu trop mielleux pour moi, mais il n'y a que ça. 

Pour le reste, l'histoire m'a enthousiasmé, j'aurais aimé qu'on voit plus Akiko, qu'elle sorte véritablement de sa place de personnage introverti pour en faire un être fondamental pour l'histoire. J'ai aimé son caractère et sa manière d'être, c'est juste le fait que d'après moi, il aurait été préférable de la voir plus souvent. Après je peux comprendre qu'elle soit reléguée au second plan étant donné que cette histoire est avant tout une histoire familiale, ou plus précisément, une malédiction familiale. 

Enfin la plume de l'auteure est vraiment agréable, elle est poétique, empreinte de surréalisme ce qui m'a énormément plu - en même temps avec un titre comme ça, il était évident que ça allait l'être vous me direz. 

Un bon premier roman pour la collection Neko des éditions du Chat Noir, roman qui inaugure d'ailleurs cette collection. En espérant qu'ils en éditent d'autres dans la même veine et qu'ils soient trouvables autre part que sur internet...


Connaissez vous ce roman ? Ou avez-vous déjà lu des romans des éditions du Chat Noir ? 






samedi 27 octobre 2018

Le Coin des libraires - #117 Rituels d'Ellison Cooper

Quelle n'a pas été ma joie lorsque j'ai appris que je fais partie de la deuxième édition de la Team Thriller du Cherche midi !! Voici donc Rituels d'Ellison Cooper, le premier ouvrage de cette nouvelle année qui démarre sur les chapeaux de roue ! 
Je tiens (encore une fois) à remercier la maison d'édition et surtout Benoit pour sa gentillesse ! 


Spécialiste des neurosciences, Sayer Altair étudie pour le FBI les profils psychologiques de tueurs en série. Déroutée par une scène de crime très particulière, sa hiérarchie fait appel à elle. On vient de trouver, dans une maison abandonnée de Washington, le corps d’une jeune fille à qui l’on a injecté une drogue hallucinogène utilisée par les shamans d’Amazonie durant les cérémonies rituelles. Lorsque l’on découvre d’étranges symboles mayas sur les lieux, l’enquête se dirige vers un tueur aussi passionnant qu’insaisissable.

Docteur en anthropologie, Ellison Cooper ouvre avec Rituels une série consacrée à Sayer Altair, qui mêle meurtres, neurologie et superstitions. Un univers aussi inédit que fascinant, des intrigues captivantes, un personnage inoubliable… on attend déjà avec impatience son prochain thriller, Sacrifices, à paraître en 2019 au cherche midi.


Le résumé est prometteur, c'est en tout cas exactement le genre d'histoire que j'adore - ouais, je sais bien qu'il est étrange d'être fasciné par les tueurs en série, mais que puis-je dire pour ma défense ? 
Dès les premières pages, je commence à déchanter : la protagoniste, Sayer Altair est une neuropsychologue persuadée de pouvoir trouver l'origine de la psychopathie par le biais du cerveau des tueurs en série. À partir de là, ça part mal. 
Comme c'est un sujet que j'aime beaucoup, j'ai souvent regardé des émissions et autres reportages sur la question - Netflix a d'ailleurs sorti une série appelée Dans la tête des criminels, elle est bien construite ! - et il semblerait que cette idée de différence entre un cerveau sain et un cerveau de tueurs en série est une aberration. En tout cas, ce n'est pas un élément suffisamment fiable pour pouvoir être considéré comme une révolution. 
Il est très souvent dit qu'un psychopathe peut avoir un cerveau de constitution normale, avec des amygdales d'une taille tout à fait commune par exemple. 

C'est vraiment un élément qui m'a dès le début énervé, mais c'est rapidement mis au second plan, notamment lorsque l'on voit que les recherches ne sont pas pertinentes du tout. Malheureusement cette histoire de recherche est remise en avant dans la suite de l'opus et d'après moi, c'est une erreur. Après voilà, cette conception du tueurs en série est proprement états-uniennes, mais il n'empêche que cette piste est, d'après moi, quelque chose qu'il est nécessaire de réfuter. 
D'ailleurs, il est quand même précisé dans l'enquête qu'un homme peut avoir une constitution tout ce qu'il y a de plus normale et devenir un psychopathe à cause de l'environnement dans lequel il a été élevé, ce genre de choses. 


Bon maintenant que j'ai mis en avant le véritable élément qui m'a réellement dérangé dans Rituels, on peut entrer dans le vif du sujet ! 
L'entrée dans l'histoire est immédiate, on a pas le temps de s'interroger longtemps sur les recherches de Sayer que l'on est déjà entraîné sur la scène de crime. L'imagination de l'auteure a permis de créer un coupable et une histoire absolument dingues ! On suit l'évolution de l'enquête avec plaisir parce qu'elle est véritablement passionnante. On a pas le temps de souffler qu'un nouvel indice tombe, mais un indice qui est là pour mieux nous perdre. 
Pour être honnête, je pense que j'ai suspecté tout le monde (à part Sayer et Holt, mais même Vik y a eu droit !) et je suis restée en haleine jusqu'au cinquante dernières pages où l'étau se resserrer tellement que l'identité du coupable devenait évidente. 


Rituels d'Ellison Cooper, éditions du Cherche midi 


J'ai aimé suivre le personnage de Sayer, qui reste malgré tout un stéréotype du genre : à fond dans le travail, extrêmement seule, en deuil ou du moins dans une situation émotionnelle relativement instable. On ne sait que le strict minimum sur elle, du moins assez pour qu'elle gagne notre compassion. Les autres personnages sont d'après moi décrits de façon insuffisantes. On ne peut s'attacher à aucun personnage parce qu'ils n'ont pas vraiment de profondeurs, d'identité propre. À la rigueur, celui qui m'a touché, c'est Ezra, juste parce qu'il a l'air d'être un bon gars qui n'a pas eu de bol.

Je trouve que la faiblesse de Rituels se trouve ici, dans le fait que l'auteure n'ait pas suffisamment développé ses personnages - même si je me dis que ce n'est pas encore très grave étant donné que cet opus est le premier d'une série, puisque le Cherche midi a d'ores et déjà annoncé la sortie du deuxième volet l'an prochain ! 
Et aussi dans l'écriture. Bon je sais que je parle uniquement de traduction ici étant donné que je ne l'ai pas lu dans la version originale, mais je pense qu'il s'agit surtout d'un problème d'écriture de l'auteure, et non pas du traducteur. 
Je n'ai pas trouvé le style franchement folichon, que ce soit les descriptions ou les dialogues, j'ai trouvé que c'était un peu irréaliste. On comprend que certains passages sont là seulement pour expliquer des choses aux lecteurs (comme par exemple lorsque Sayer interroge un spécialiste des mayas), mais du coup ça ôte toute vraisemblance. 
À la rigueur, le compliment que l'on peut faire, c'est que l'écriture est fluide, ce qui permet d'avancer rapidement, mais à certains endroits c'est vraiment trop explicité, c'est dommage. 

Petit aparté : je trouve que souvent les auteurs de polars/thrillers n'ont pas une écriture réellement belle, mais ils se contentent d'aller à l'essentiel. Enfin, ce n'est pas le cas de tous et c'est pour cette raison si certains polars sont réellement géniaux, comme c'est le cas pour ceux de Lehane ou Nesbø où là l'auteur prend le temps de développer ses personnages et possède une écriture réellement agréable à lire, pas juste suffisamment descriptive et explicite pour qu'on comprenne où il veut en venir. 


Vous vous dites sans doute que Rituels est bourré de défauts, que j'ai vite fait aimer ma lecture, mais en fait, pas du tout ! J'ai passé un excellent moment avec ce livre, je suis entrée dedans à la vitesse de l'éclair et j'ai eu énormément de mal à le lâcher ensuite ! J'ai trouvé l'enquête extrêmement bien ficelée, avec une idée des plus originales et un véritable don pour le roman à indices qui entraînent dans la direction opposée à celle où l'on doit normalement aller. 
Je lirai sans hésiter Sacrifices, le deuxième volet à paraître l'an prochain. J'aime le fait que le personnage soit une femme (noire qui plus est !) et qu'elle ne soit pas une simple agent du FBI, mais bel et bien une scientifique, c'est innovant. 

Donc si vous aimez le genre et que vous voulez découvrir quelque chose de nouveau, foncez ! Ellison Cooper pourrait bel et bien devenir une grande figure du polar dans les années à venir - si tant est qu'elle poursuive ses enquêtes par le biais du personnage de Sayer ! 







mercredi 24 octobre 2018

Série du moment - #23 The Handmaid's tale (saison 2)

Après avoir écrit un article comparatiste entre le livre de Margaret Atwood et la saison 1 (mon article est d'ailleurs dispo ici !), je reviens avec pas mal de retard pour vous parler de la saison 2 de The Handmaid's Tale. 

Si vous vous souvenez, je vous disais que j'ai adoré la première saison, que ce soit le jeu des acteurs (Elizabeth Moss et Yvonne Strahovski en tête), le scénario (qui reprend bien évidemment La servante écarlate de madame Atwood) et une réalisation au top ! L'immersion était complète, ainsi que l'adhésion au propos de l'oeuvre. 

Cette saison 2 promettait une suite tout aussi folle avec son trailer qui donnait juste trop envie !
Et c'est vrai que je trépignais d'impatience pour la visionner, et puis finalement j'ai un peu repoussé, histoire d'avoir plusieurs épisodes à regarder.




La saison démarre d'ailleurs sur les chapeaux de roue. Après une tentative d'évasion, nous avons droit à cette scène absolument glaçante où les servantes sont menées à l'échafaud. Ça semble presque gratuit, la mise en scène, la peur des servantes, qui, à l'origine sont quand même censées être les personnes qu'il ne faut absolument pas blesser dans la dictature qu'est Gilead.
J'ai trouvé cette scène un peu facile en vérité, j'ai trouvé que c'était une façon de frapper fort, mais que c'était tellement évident que l'effet se trouvait diminué.

Cette saison m'a semblé un peu en dessous de la première pour plusieurs raisons. Déjà la plus bateau et bête : parce que la saison 1 était tellement folle, tellement géniale qu'après plusieurs mois d'attente, on a forcément envie d'avoir un truc absolument dingue, ou en tout cas tout aussi bien que ce à quoi on a eu droit. Ensuite, parce que même si la direction est selon moi la bonne (mine de rien on avance, on en apprend plus sur le fonctionnement de Gilead, sur les aspirations et tares des personnages, etc.) je trouve qu'on tourne trop en rond.

Honnêtement, si je devais résumer cette saison en deux mots, ce serait : évasion/capture.
J'ai le sentiment que toute la saison n'est que ça, c'est l'évasion du début puis le retour au bercail, c'est l'éviction de Defred une fois le bébé arrivé, puis son retour au sein de la petite famille, ensuite c'est de nouveau l'évasion, etc. Ça ne s'arrête jamais. Je comprends tout à fait qu'il y ait des tentatives d'évasion, mais là, je trouve que ça tournait trop autour de ça, au point que je me disais presque "bon aller fais toi choper comme ça on en parle plus".

Du coup, on peut dire que c'est le scénario qui ne m'allait pas pour cette saison - même si je dois avouer que certaines parties de la saison m'ont énormément plues ! - mais au fond, pas seulement.
La réalisation est toujours absolument folle, je pense notamment à la scène de pseudo pendaison. Ce moment est glaçant parce qu'il est extrêmement bien réalisé, le cadrage, mêlé à la musique, ça rend quelque chose qui fonctionne du tonnerre. Même chose pour toute la séquence de l'accouchement, le silence, la solitude des lieux, la douleur, tout est si bien retranscrit, c'est dingue.

Pour moi la réalisation était l'un des gros points forts de la saison passée, et l'est toujours dans cette saison, jusqu'à une certaine mesure. Alors oui, je trouve que l'ambiance est très bien retranscrite par les cadrages, les angles choisis, mais est-ce qu'on parle des oh trop nombreux plans de face sur le visage de Defred ?? Bon, il est vrai qu'ils sont déjà très présents dans la première saison, mais on dirait que les réalisateurs ont choisi de mettre son visage en avant dès que c'était possible. Il est vrai qu'Elizabeth Moss a été récompensée pour son interprétation (et à juste titre !), mais il ne faut pas abuser non plus, c'est pas parce qu'on va faire des gros plans de son visage que c'est suffisant.
Oh, on cherche à montrer le mépris ? Faisons un gros plan ! Oh, on veut mettre en avant la tristesse ? Faisons un gros plan pendant qu'elle se prince les lèvres !


 The Handmaid's Tale, 2x08.


Concernant les personnages, je ne vais pas dire grand chose d'original en disant que j'adore le personnage de Defred, tout autant que la saison passée (même si je me répète, il faut arrêter les gros plans de face sur elle !), mais au final j'ai pas vraiment l'impression d'avoir une grande évolution avec elle. Elle veut retrouver sa fille, s'enfuir de Gilead et voilà, pas trop de différence avec la saison passée si ce n'est qu'elle prend toujours un peu plus cher et qu'elle a désormais un deuxième enfant.

Non, celui dont j'aimerais parler, c'est bel et bien le personnage de Serena Joy (Yvonne Strahovski) qui est pour moi l'un des plus intéressants. Je vous disais déjà dans mon article sur la saison 1 que j'aime énormément cette actrice, notamment pour sa prestation dans la série Chuck, mais là, je suis franchement subjuguée devant son jeu qui n'a rien à voir avec ce que j'avais vu d'elle. Son rôle est extrêmement ambigu, très paradoxal au point que lorsqu'on pense l'avoir cerné, on se rend compte qu'en réalité, on n'y était pas du tout.
C'est un personnage détestable autant qu'attachant. Je trouve ça abject de savoir qu'elle est à l'origine de Gilead, mais ça me fait aussi beaucoup de peine pour elle de savoir qu'elle a reçu une balle à cause d'un meeting et que c'est ce qui l'a rendu stérile.
J'ai nourri le vague espoir de la voir s'enfuir lorsqu'elle va au Canada avec le commandant. Elle aurait dû le faire, j'en reste persuadée, mais elle n'aurait pas eu ce qu'elle désire le plus au monde : un enfant.
Elle est affreuse avec Defred, absolument ignoble même, mais elle n'en reste pas moins sensible et je dois dire que j'éprouve de la pitié (ou peut-être même de la compassion ?). Lors, par exemple, de cette scène cruelle, où elle essaie désespérément de donner le sein à un bébé qui n'est pas biologiquement le sien, on ne peut qu'être touché par sa détresse et sa peine.
Pour moi ce rôle est véritablement l'un des plus fascinants parce qu'il est complexe, le jeu de l'actrice est éblouissant si bien que les émotions que l'on ressent à l'égard du personnage sont toujours confuses, à la limite du dégoût et de la compassion.


En bref, pour ma part cette saison aura été un peu moins bonne que la précédente pour les raisons que j'ai mentionnées. Il n'en reste pas moins que j'ai adoré voir la suite des aventures de Defred, assister au mariage forcée de Nick avec Eden (je n'ai d'ailleurs pas parlé de son destin, mais cette fois encore, j'ai trouvé son exécution un peu trop sommaire...), suivre l'accouchement de Defred et ses retrouvailles avec sa fille. Ça reste une très bonne saison qui donne encore une fois envie d'avoir la suite, et vite.


N'hésitez pas à me dire ce que vous avez pensé de cette saison, je suis curieuse de savoir si vous êtes d'accord ou pas du tout !





samedi 13 octobre 2018

Le Coin des libraires - #115 La Saison des fleurs de flamme d'Abubakar Adam Ibrahim

Excellente lecture ? Coup de coeur ? J'hésite encore. La Saison des fleurs de flamme d'Abubakar Adam Ibrahim est en tout cas un roman plein de surprises. 


J'aimerais en premier lieu remercier Babelio et les éditions de l'Observatoire pour ce roman. J'ai lu Ces rêves qu'on piétine de Sébastien Spitzer (dont il faut encore que j'écrive mon avis) et j'ai eu sacrément envie de me procurer d'autres livres de cette maison d'édition. J'ai notamment acheté Réelle de Guillaume Sire le mois dernier. Voilà que la masse critique sort et que j'ai la bonne surprise de trouver cet ouvrage dans la liste. Ni une ni deux je le demande et deux jours plus tard, je reçois la confirmation. Il ne me reste plus qu'à l'attendre et à le lire. 


Une fois reçu, je me plonge rapidement dedans. Je n'ai pas beaucoup de temps, j'ai des livres à lire pour les cours, mais tant pis, je suis prise dans le feu de l'histoire. 


Lorsque Binta surprend Reza en pleine effraction chez elle, couteau à la main, son destin s’enlace à celui du jeune dealer. Malgré l’étrangeté de leur attirance réciproque, à leurs yeux interdite, éclot entre cet homme de main d’un politicien corrompu et cette veuve musulmane de trente ans son aînée une passion illicite, sensuelle et déchirante.
À travers l’histoire tragique de cette union au parfum de scandale, composée de colères contenues et d’émotions taboues, de couleurs vivaces et d’odeurs éternelles, Abubakar Adam Ibrahim capture l’essence provocante du Nigéria comme peu d’autres romanciers ont osé le faire.


Cette histoire, c'est celle d'une découverte, une rencontre impromptue entre Hajiya Binta, mère de famille ayant la cinquantaine et Reza, la vingtaine et voyou comme c'est pas permis.
On va directement entrer dans leur quotidien, leur intimité. Cette histoire interdite apparaît comme banale de prime abord, mais la religion, la morale s'en mêle et alors, une histoire un brin scandaleuse chez nous, va apparaître comme catastrophique là-bas.


"Ce fut à ce moment précis, devait-elle songer plus tard, que les pétales de sa vie, pareils à un bourgeon qui avait enduré un demi-siècle de nuits, se mirent à s’ouvrir enfin."
Abubakar Adam Ibrahim, La Saison des fleurs de flamme.


Leur relation semble dès le départ assez étrange, voire un peu incestueuse d'une certaine façon. C'est parce que Reza ressemble énormément à Murtala (Yaro), son fils aîné décédé, et c'est parce que Binta ressemble à la mère de Reza que celui-ci ressent sans doute une certaine attraction pour elle.
Oui c'est un peu sale quand on le voit de cette façon, mais pourtant l'auteur nous décrit une passion attachante et déchirante à la fois. Un amour impossible dont on aimerait qu'il soit possible.

À côté de cette liaison, on suit bien évidemment les deux personnages de manière alternative. C'est alors l'occasion de découvrir les coutumes et les moeurs du Nigéria. De prendre conscience du fait que la religion occupe une place centrale dans la vie des nigérians - Reza et ses branleurs de copains semblent néanmoins s'en moquer - et notamment dans la vie des femmes.
On comprend rapidement que l'honneur est quelque chose de fondamental là-bas. Le fait d'être une personne respectable compte énormément, d'autant plus lorsqu'il s'agit d'un petit village et que tout le monde se connait.
Binta est une femme respectable, elle a toujours suivi les traditions, elle s'est mariée très jeune à un homme qu'elle n'aimait pas, elle a eu des enfants avec lui, elle lui a survécu et maintenant elle est une veuve de 50 ans qui prend conscience de certaines choses, notamment du fait qu'elle n'a jamais aimée qui que ce soit. Jamais elle a pu sortir de ce moule conçu pour les musulmanes.
En réalité, ce que l'on attend de Binta est simple : elle doit aller à la madrasa (en gros c'est un établissement d'enseignement islamique, un lieu d'apprentissage donc) et se remarier avec son cher voisin. Mais malgré le poids des convenances, le désir prend toujours le dessus.

Le personnage de Reza "Hassan" permet de donner un autre point de vue sur le pays. Ni pratiquant, ni franchement croyant, le jeune Reza est ce qu'on pourrait appeler une petite frappe - c'est du moins ce que l'on pense au début. Il fait des petits larcins, il a une petite clique à ses bottes, rien de bien méchant quoi.
Reza livre l'image d'un pays divisé, pays dans lequel règne la corruption, où les voleurs paient la police pour être tranquilles, où les politiciens orchestrent des kidnappings et autres assassinats.

Binta qui apparaît dès le début comme une des femmes les plus traditionnelles qui soit se laisse finalement aller à la séduction, au sexe et à la salissure.
J'ai le sentiment que les sens ont une place privilégié dans ce roman, il n'y a qu'à voir déjà avec la couverture qui désigne l'importance du toucher que l'on retrouve dans l'histoire, aux côtés de l'odorat qui possède une place toute particulière. Odeur de sexe donc de souillure, odeur d'encens pour masquer le péché. Odeur de fleurs qui sentent la mort aussi. Les sens ont une place de choix dans l'oeuvre, ils sont les guides de ce plaisir jusqu'alors inconnu chez Binta.


La Saison des fleurs de flamme d'Abubakar Adam Ibrahim, éditions de l'Observatoire.


Cet ouvrage pose donc des questions de tradition, de moral, de respectabilité. Une femme ne peut appeler son aîné par son prénom, c'est contraire à la loi à laquelle les musulmanes doivent se plier. Une femme ne peut désirer un homme, qui plus est quand cet homme est de trente ans son aîné et qu'il ne veut pas se marier. La question du mariage est très importante, tout autant que celle de la polygamie.
En effet, l'auteur traite de ce thème par le biais de la fille de Binta, Hureïra qui en est à son deuxième mariage et qui est menacée d'être reléguée au rang de "première épouse" - ce qui signifie donc qu'il n'y a pas quelle...

C'est bel et bien une forme de pression sociale qui jettera le déshonneur sur Binta et qui conduira sa famille à sa perte. Les dernières pages sont absolument effroyables, d'une cruauté sans nom. L'idylle entre les deux était vouée à l'échec, et pourtant, il était difficile d'imaginer que la conclusion ne serait pas uniquement leur séparation.
Il n'y a ni gagnant ni perdant dans cette histoire, la jeunesse ne l'emporte pas sur la vieillesse, pas plus que la respectabilité (bon ok, Binta a une aventure avec un homme ayant 30 ans de moins qu'elle, mais durant le restant de sa vie, elle a été irréprochable, et en soi, qu'on se le dise, elle ne fait rien de mal, Reza est plus que consentant et aucun des deux n'est marié...) sur la corruption et la violence.

Les deux personnages apparaissent comme fragiles, ils semblent être seuls aussi malgré le fait qu'ils soient toujours entourés, Binta de sa famille (en particulier Fa'iza et Umma) et Reza de ses acolytes. Mais malgré tout, ces deux personnages s'offrent avec une nudité complète, ils sont solitaires et ont soif de découverte, d'amour, d'acceptation et sans doute aussi de pardon.
Finalement, je ne pense pas que le pardon ait été la conclusion de leur relation, je pense surtout que tout cela est un beau gâchis. Je pense que ce poids de la moral qui pèse est un véritable poison.


La Saison des fleurs de flamme, c'est une pépite. Une écriture (traduction) absolument addictive et délicate. Un gros plus aussi, le fait que l'auteur a inséré des tournures de phrases provenant de l'arabe ainsi que du haoussa (une des langues officielles du Nigéria). Ces insertions m'ont énormément plu, ça rajoute de l'épaisseur à l'histoire, ça la rend plus crédible dans le sens où ça l'insère bien plus dans son environnement - surtout si comme moi, nous n'avez jamais lu de roman nigérian auparavant !
C'est pour moi une réussite que ce livre, il figure d'ailleurs parmi mes meilleures lectures de cette année 2018.

Un beau et bon livre, que demander de plus ? Merci encore une fois aux éditions de l'Observatoire et à Babelio pour cette découverte !


"Les cendres de la mémoire s’agitèrent et elle eut l’impression de sentir le temps disparaître. Elle retrouvait le goût des larmes amères, elle revoyait les sourires, les clins d’oeil mystérieux et les petits fragments de vie quotidienne qui fusionnaient les uns avec les autres pour former le trésor de son passé."
Abubakar Adam Ibrahim, La Saison des fleurs de flamme.







samedi 6 octobre 2018

Le Coin des libraires - #114 Vernon Subutex 3 de Virginie Despentes

J'attendais ce troisième et dernier tome avec tellement d'impatience ! J'ai lu les deux premiers en mai 2016, soit deux ans auparavant. J'ai patienté pour avoir le tome 3 en poche... c'était très long ! 


J'aurais aimé lire d'autres romans de Virginie Despentes (King-King Théorie ; Apocalypse Bébé) entre temps, mais j'ai privilégié d'autres lectures, c'est donc partie remise. Une fois la sortie poche arrivée, je me suis jetée dessus afin de pouvoir l'emmener dans ma valise pour Paris. J'avais envie de le lire durant le voyage et durant mes quelques jours dans la capitale simplement parce que les deux premiers volets se passent dans cette ville.

Bon finalement j'aurais pu le lire à un autre moment étant donné que je me suis rapidement rendue compte que ce volet-ci n'allait pas se dérouler à Paris, mais bref.



"Putain ce que c’est triste, cette bienveillance qu’ils ont l’un pour l’autre. Ça a remplacé l’amour. Il reste ce respect, ce désir que l’autre se sente bien. Une tendresse. C’est moins moche que de la haine. C’est moins intense, aussi. Ils portent tous les deux le même deuil, du temps où ils s’aimaient vraiment, où ils y croyaient."
Virginie Despentes,Vernon Subutex 3.



Malgré mon énorme envie de connaître le fin mot de cette histoire, j'appréhendais aussi un peu comme j'ai lu les deux premiers pile deux ans auparavant. Évidemment il me restait des souvenirs, j'avais le gros de l'histoire en tête, mais je savais que j'avais oublié bon nombre d'éléments. 
J'ai relu mon article sur les deux premiers tomes (visible ici si ça vous intéresse !), et puis je me suis lancée. 
Bon, le point positif est qu'il y a au début du livre un index des personnages rencontrés lors des volets précédents, ça m'a franchement bien aidé - durant les 30-40 premières pages j'ai souvent regardé cet index afin de me rafraîchir la mémoire. C'est à ce moment que je me suis rendue compte que certains personnages m'avaient marqués (ex : Aïcha) et d'autres, bah pas du tout (ex : la Véro). 

L'entrée en matière a donc été assez difficile. Je pense que pour être bien, il aurait fallu que je relise les deux premiers tomes, mais tant pis. Néanmoins, une fois passée les cinquante premières pages, une fois l'histoire remise dans son contexte, ça allait comme sur des roulettes ! 

Ça a été un vrai plaisir de retrouver Vernon et sa clique. Après avoir été plongé dans la solitude et la précarité dans la fin du premier tome, Subutex a retrouvé sa petite clique dans le deuxième. Bien décidé à ne plus le lâcher, ils ont décidé de se réunir tous ensemble et de vivre en communauté. 

Je parlais du problème de personnages dans mon article sur les premiers volets, et même si je pense que certains sont de trop, ou peut-être un peu moins étoffés que d'autres, je trouve que l'auteure est parvenue à créer des personnages uniques et réellement intéressants et ce, avec brio. 


Vernon Subutex 3 de Virginie Despentes, éditions Livre de poche.


J'ai donc adoré retrouver tous ces personnages, ceux qui ont évolué et ceux qui, au final, semblent être fidèles à eux-mêmes (La Hyène, jusque dans une certaine mesure). 
Plus encore, j'ai adoré retrouver la plume de l'auteure, ses tournures de phrase assassines, son langage d'une grande crudité mêlé à une écriture poétique - c'est une caractéristique que j'adore chez les écrivains contemporains, à l'instar de Jimmy Lévy, auteur qui m'a subjugué avec sa plume acerbe et grandiose à la fois. 

Si j'ai autant aimé ce tome, c'est parce qu'il est parfaitement dans la veine des deux premiers, il prolonge les questionnements, il continue de remettre en questions. C'est là que la diversité des personnages est importante, on accède à des points de vue similaires et à d'autres, diamétralement opposés. 

Au final, si je ne dois retenir que trois éléments de cette trilogie, ce serait l'entraide, l'acceptation de la différence et les interrogations. Ce tome est tout aussi sombre que les précédents, mais d'une façon différente. Néanmoins, on reste scotché à l'univers, on vibre avec Subutex et les autres à la fréquence des convergences qu'ils organisent. 


Vous l'aurez donc compris, j'ai une fois encore énormément accroché avec ce volet, j'ai trouvé qu'il concluait extrêmement bien la trilogie... à un élément près. 
Si vous me suivez sur les réseaux sociaux (en particulier sur Instagram où je suis la plus active), vous savez déjà que j'ai aimé ce tome, mais que la fin m'a laissée assez, dubitative disons. 
Je vous disais déjà que la fin du deuxième tome ne m'avait pas convaincue, j'étais restée sur ma faim justement et j'étais même un peu déçue de la tournure des événements, et bien, il en va de même ici...


Attention, si vous n'avez pas encore lu ce dernier tome et que vous comptez le lire, passez votre chemin, la suite n'est pas pour vous haha ! 
J'ai trouvé les trois quarts du roman absolument passionnant, j'ai pu renouer avec Subutex et sa clique et franchement, c'était agréable, et puis, il y a eu la fin, forcément. Non mais franchement je ne sais pas comment me positionner, je ne sais pas quoi penser du fait qu'à la fin tout le monde meurt excepté Subutex et Aïcha. Et encore, ce n'est pas le pire. Non, ce qui m'a vraiment chiffonné, c'est ce dernier chapitre des plus déroutants. Ce chapitre où il est fait mention de la "secte Subutex", de l'état dans lequel se trouve le monde, de l'interdiction d'écouter de la musique, etc. 
À vrai dire, voilà quelque temps qu'il est lu maintenant et même là, je ne sais pas quoi en penser. Je trouve que c'est parti un peu trop loin, en tout cas pour ma part. Je comprends le parti pris de l'auteure, mais j'aurais aimé une autre fin, pas quelque chose qui me laisse autant dubitative.



Et vous, qu'en avez-vous pensé ? Ce tome trois conclut-il correctement cette excellente trilogie ?



"De gares en aéroports, il voyage avec ses fantômes. On peut toujours jeter les photos, abandonner les objets, perdre les vieux vêtements - ses vies d’hier se mélangent au présent, et il sent gémir ses racines, qui refusent d’être sacrifiées. Elles palpitent, connectées, dérobées aux champs de conscience. Son passé devient encombrant."
Virginie Despentes,Vernon Subutex 3.






mercredi 3 octobre 2018

Série du moment - #22 Fleabag

Je ne comptais pas écrire sur cette série qu'est Fleabag de Phoebe Waller-Bridge, à vrai dire, je n'en ai jamais entendu parler, j'ai juste vu l'affiche un jour et j'ai essayé, comme souvent. 
D'abord destinée au théâtre, la créatrice et actrice principale Phoebe Waller-Bridge a décidé de l'adapter pour la chaîne en ligne BBC Three. 

Fleabag, c'est ce que j'appellerais une mini-série. Composée de seulement six épisodes variant de 25 à 30 minutes chacun, la saison 1 nous expose la vie du londonienne prénommée Fleabag - dit-on rien qu'une fois son nom dans la série ? 
Ces six épisodes bien trop court à mon goût - il en aurait fallu au moins quatre autres pour aller plus loin et creuser plus encore dans la psychologie des personnages - sont un mélange assez inégal entre le comique et le dramatique. 

Tout commence au lit, Fleabag est une perverse qui aime le sexe, qui adore le sexe à la limite de la nymphomanie peut-être, du moins, le sexe fait partie intégrante de sa vie - comme de celle de sa belle-mère. Dès les premières secondes, on sait à quoi s'en tenir, on va suivre une femme un peu délurée, complètement égocentrique qui va souvent - très souvent - faire tomber le quatrième mur et s'adresser au spectateur. 

Le fait de faire tomber la quatrième mur de manière si fréquente et prononcée permet aux spectateurs de réellement se croire dans la scène, d'être complètement insérés dans l'histoire. Je me suis souvent faite la réflexion que certaines de ses moues parfois dégoûtée ou même choquée devaient être les mêmes que les miennes dans ces moments, ce qui est plaisant puisqu'on se sent complètement acteur de l'histoire et non plus seulement spectateur. Nous sommes cet ami intime qui voit tout, entend tout mais qui ne dit rien, nous sommes un peu comme Hillary, ce petit hamster tout mignon qui a droit à un café à son effigie mais qui reste un personnage silencieux.




Lors de mon visionnage du premier épisode, j'étais un peu perdu, genre "mais wtf ?" parce qu'il faut quand même se dire que c'est un peu barré comme série, surtout que les personnages sont pour le coup loin d'être des stéréotypes et se classent même dans la catégorie de gens que l'on ne pensait jamais rencontrer de sa vie. 
Fleabag est vraiment unique en son genre je trouve, elle est tantôt légère et très amusante dans sa façon de s'adresser à nous avec complicité et tantôt torturée, déprimée par la perte de sa meilleure amie Boo. 

Oui, il faut dire que l'on s'attend à une comédie, à quelque chose de simple avec beaucoup d'éclats de rire. Il y en a c'est vrai, je pense notamment à ce moment où Fleabag se caresse sur un discours d'Obama alors que son copain est dans le lit à côté d'elle ! Mais au fur et à mesure, on se rend compte qu'il y a plus, que l'on ne va pas seulement suivre la vie d'une femme qui possède un café qui manque de déposer le bilan, qui a perdu sa mère après que celle-ci ait subit une double mastectomie, que sa soeur est tout un personnage et que son père s'est mis en couple avec une folle à lier, une artiste siphonnée qui est une véritable conne. Dis comme ça, c'est plutôt amusant, du moins, il n'y a pas de quoi faire pleurer dans les chaumières, mais ça ne s'arrête pas là. 

Les minutes passent, les épisodes également et on saisi toute l'étendue de la tristesse, de la solitude qui habite notre protagoniste qui n'arrive pas à garder une relation sérieuse avec un homme et qui n'a pas d'ami. Finalement, on comprend assez vite que rien ne va dans sa vie et même si au début on en est pas vraiment touché, on finit par l'être. 

Les premiers épisodes sont quelque peu brouillons, on se perd un peu dans les informations, on ne sait pas vraiment de quoi on peut rire et de quoi on ne peut pas. Par exemple, j'ai éclaté de rire quand Fleabag nous apprend que sa meilleure amie Boo s'est suicidée mais "accidentellement", par la suite, je me suis dit que ça n'était pas amusant du tout. 
C'est à partir du milieu, donc de l'épisode 3 que ça devient vraiment intéressant et où on entre pleinement dans l'histoire, tout simplement. 

J'ai beaucoup aimé le personnage de Fleabag pour son côté justement très délurée, paumée dans sa vie active comme dans sa vie sexuelle. Elle a toujours le mot pour rire même dans des situations plutôt délicates ce qui contraste justement avec sa véritable personnalité, je veux dire par là sa douleur qu'elle essaie de cacher aux autres, sa peine qu'elle tente d'enfouir en elle et qui rejaillit malgré elle dans le dernier épisode. J'ai aimé ces flash-backs avec sa meilleure amie, en particulier ce plan qui revient continuellement, celui où Boo est face à la route, où elle se prépare à se faire renverser. 
Notre protagoniste n'arrive pas à accepter le décès de sa meilleure amie, elle n'arrive pas à la laisser partir, comme je pense qu'elle et sa soeur Claire (Sian Clifford) n'arrivent pas à accepter le décès de leur mère et surtout le fait que leur marraine soit devenue la nouvelle compagne de leur père -  j'avoue vu le personnage, je comprends tout à fait ! 

J'ai aussi aimé Claire, son personnage est bien moins présent, mais elle est tout autant intéressante dans le rôle de la femme qui veut être parfaite, qui est mariée à un homme riche, qui possède deux diplômes, qui est active dans son travail au point qu'on lui propose l'occasion en or qui est de partir en Finlande. D'extérieur elle nous apparaît comme la parfaite petite londonienne qui a bien réussi et finalement on comprend que là aussi, ce n'est qu'un leurre. Elle est brisée à l'intérieur aussi, elle ne sait plus à qui faire confiance comme le dernier épisode nous le montre et au final, après avoir gagné la sympathie des spectateurs en particulier grâce aux épisodes 4 & 5 elle jette tout par terre avec cette révélation dans le dernier épisode, quand il s'agit d'homme, on ne peut pas faire confiance à Fleabag, elle l'a confirmée avec Boo... 
Cette révélation est dure, vraiment et on comprend la vérité, ce que l'on a pas voulu peut-être mais qu'on ne peut plus repousser, Fleabag y est pour quelque chose et c'est douloureux, pour elle comme pour nous au final. Sans doute aussi douloureux que de se raccrocher à la voix de Boo sur son répondeur.


Fleabag saison 1.


Pour ce qui est des parents, le père est vraiment spécial dans son genre au point que je ne saurais vraiment dire ce que j'en pense, il est tellement distant et en même temps proche de Fleabag que ç'en est assez étrange. Pour ce qui est de la belle-mère, que dire ? c'est une conne, on l'apprend dès le début mais ça n'empêche que plus les épisodes passent et plus on aimerait que Fleabag lui rende la monnaie de sa pièce (je veux dire par là qu'elle l'a gifle aussi) ! 

Je n'ai pas trouvé la réalisation plus intéressante que ça, elle sert le propos mais l'esthétique n'est pas hyper recherchée. L'aspect comique est présent jusqu'au bout, jusqu'à la dernière scène de la saison où le banquier parle du café pour hamster. Le comique est là dans tous les épisodes, parfois parce que des situations sont complètement loufoques comme celle où les deux soeurs passent un week end dans une maison où le silence est la seule règle et où Claire rit aux éclats et vient briser ce silence tant recherché. Il est aussi présent dans certaines situations qui sont moins drôles, comme ce moment où pour la première fois, Fleabag appelle le numéro de Boo pour tomber sur sa messagerie et dit que quelqu'un devrait penser à couper la ligne. 

La comédie est présente pour faire rire, mais aussi pour mieux cacher le drame, le mal de vivre, pour minimiser ces choses communes à tous : les problèmes d'argent, de famille, les décès ou même la solitude. 
Avec des épisodes aussi courts et aussi peu nombreux, Fleabag se regarde sans que l'on voit la saison passer ce qui est dommage.
Mais pas de panique, la saison 2 débarquera en 2019, c'est confirmé et le tournage a d'ailleurs commencé ! 







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Quand le varou m'emportera je m'endormirai dans le ciel de tes yeux. Sous les auspices de Jean de La Fontaine, Adeline Fleury nous ...