samedi 25 novembre 2017

Le Coin des libraires - #77 Je couche toute nue, Camille/Auguste

"Il a fallu que je te connaisse et tout a pris une vie inconnue, ma terne existence a flambé dans un feu de joie. Merci, car c’est à toi que je dois toute la part de ciel que j’ai eue dans ma vie."

Camille/Auguste, Je couche toute nue - Auguste à Camille, 1886.


Novembre. Cette période de l'année où tout va trop vite, où les jours sont trop courts et où il devient difficile de faire quoi que ce soit. Je croule sous le travail, à tel point que mon rythme de lecture a énormément baissé, mais je suis là, et ce, pour vous parler de ce livre ovni qu'est Je couche toute nue


Tout d'abord je voudrais une fois encore remercier les éditions Slatkine & Cie qui ont si gentiment accepté de m'envoyer ce livre, je suis juste trop contente d'avoir eu la chance de le découvrir. Je trépignais d'impatience de pouvoir me jeter dedans et même si j'ai mis plus de temps que ce que je pensais, je me dis qu'au final, ce n'est pas plus mal de l'avoir dégusté.


Camille Claudel et Auguste Rodin se rencontrent en 1884. Vingt-trois ans les séparent. Elle est encore mineure, et devient l’élève du maître. Ils vont s’aimer neuf ans, se séparer (1883-1895), se retrouver (1895-1899), se perdre enfin (1900). Rodin meurt en pleine gloire en 1917. Camille Claudel est internée en 1913 dans un asile où elle mourra seule en 1943.
L’histoire est connue pour avoir été cent fois dite, filmée. La voici, telle que, brutale, naturelle et poétique. Les sources seules, sans commentaire, ni notes. Correspondance inédite, journaux intimes, carnets… Une passion sans détours, racontée comme un roman. Une biographie vraie où les historiens (Didier Le Fur et Isabelle Mons) s’effacent pour laisser place à la musique des sources.

"[…] comment faut-il vivre ? Et vous m’avez répondu : en travaillant. Et je le comprends bien. Je sens que travailler, c’est vivre sans mourir."
Camille/Auguste, Je couche toute nue - Rainer Maria Rilke à Auguste Rodin, 11 septembre 1902.


Je couche toute nue est un document exceptionnel, ou plutôt, une somme de documents divers et variés qui nous permet d'entrer dans l'effervescence de la vie artistique de la fin du XIXe - début XXe. Contrairement à ce que je croyais à la base, ce livre n'est pas uniquement composé de lettres entre Claudel, Rodin et leurs proches, on y trouve également des coupures de journaux au sujet des sculpteurs, des comptes rendus de Salon ou même des fragments de journaux intimes comme celui des frères Goncourt ou encore de Paul Claudel, écrivain et frère de la sculptrice. 

C'est sans fard que nous entrons dans la vie des deux artistes, on est littéralement catapulté aux premières loges et ça, c'est vraiment génial ! On sent tout d'abord l'immense influence de Rodin dans le milieu de la sculpture, il est énormément plébiscité, et on peut voir à quel point il était reconnu de son vivant - même s'il a dû attendre des années pour enfin recevoir la consécration. 
Le fait d'avoir accès à tous ces documents permet de rythmer la vie des artistes, on a ainsi un rapide échange épistolaire entre Zola et Rodin autour de la statut Balzac, ou même entre Rodin et Rainer Maria Rilke par exemple. 

Néanmoins Claudel parvient petit à petit à se faire connaître, elle passe de "l'élève de Rodin" à son propre maître, elle est d'ailleurs souvent valorisée dans les journaux, son travail paraît être reconnu, mais paradoxalement, elle ne parvient pas à vivre de ses oeuvres. 
Un premier bémol (il n'y en aura que deux et ce sont surtout des détails) réside dans le fait que je m'attendais à trouver plus de lettres entre Claudel et Rodin, finalement il y en a assez peu, mais elles sont toujours très forte émotionnellement parlant et elles permettent d'accéder à une infime partie de ce qui les reliaient tous les deux. 


Je couche toute nue commence en quelque sorte quand Camille devient l'élève d'Auguste et se termine un peu après la mort de celle-ci en 1943 - plus spécifiquement après la mort de son frère Paul. Leur relation amoureuse est connue, mais les causes de leur séparation restent assez floues - on sait qu'elle aurait décidé de rompre parce que Rodin refusait de se séparer de sa femme et il y a des rumeurs d'avortement, mais c'est mystérieux. 
Étant une grande fan de l'artiste, j'appréhendais un peu le moment de son internement (en 1913) et sa captivité durant les trente dernières années de sa vie. Le moins qu'on puisse dire c'est que niveau apprentissage, je suis servie ! 


Elle a été internée pour délire de persécution (entre autres choses) et en voyant les lettres qu'elle adressait à sa famille (sa mère et son frère), on peut voir qu'elle avait bien un problème à ce niveau-là. Je me demande à partir de quel moment toutes ces idées ont germées dans son esprit - certains disent que c'est après qu'elle ait dû avorter d'un enfant de Rodin - et pourquoi fallait-il nécessairement qu'elle accuse son ancien amant. On voit clairement que Rodin n'est pas la cause de son internement, il veut l'aider au contraire, et ce, même après leur séparation, où il fera en sorte qu'elle vive le mieux possible en lui versant une petite pension tous les mois à titre anonyme. 
Peut-être que c'était trop dur pour Camille de simplement accepter que sa famille se cachait derrière l'internement. En même temps faut dire qu'elle avait pas l'air gâté niveau famille, son père avait à peine le pied dans la tombe que la mère et le fils faisaient en sorte qu'elle soit internée... 


Je couche toute nue, Camille/Auguste, éditions Slatkine & Cie.


On assiste à sa descente aux enfers, comment elle a eu besoin d'incriminer Rodin pour justifier le manque de reconnaissance, la façon qu'elle avait de s'enfermer chez elle de peur qu'on ne vienne lui voler ses oeuvres, ou même son autodestruction lorsqu'elle a brûlé ses oeuvres pour ne pas que "ses ennemis" puissent s'en emparer... Oui, elle avait clairement un problème, c'est indéniable, et ses lettres le montrent particulièrement bien, mais de là à être interné pendant 30 ans, de là à être rejetée par sa propre famille qui en fait clairement une pestiférée, une catin même - surtout sa mère - c'est franchement dur. 

J'ai été choquée par le manque de considération, par cette façon qu'avait sa mère de la rejeter, de la mettre en porte à faux, de ne pas envisager une seule seconde qu'elle soit transférée dans un asile sur Paris et encore moins qu'elle revienne habiter chez elle. 
On sent qu'il y a anguille sous roche et que ce n'est pas seulement la façon qu'avait Camille de vivre qui l'a condamné. Sa mère est bien trop véhémente, elle a bien trop honte de sa fille pour que ça se résume seulement à une vie de reclus, de famine et de laisser aller. 
Et c'est là que les propos de Paul Claudel viennent nous éclairer - un peu en tout cas - puisqu'il y a cette lettre envoyée à Mme Rolland - oui, la femme de Romain Rolland, il y en a des figures illustres dans ce livre ! - où il l'accuse d'avoir fait comme Camille, d'avoir tué une vie - en d'autres mots : d'avoir subit un avortement. 

On est donc envoyé sur cette piste qui reste obscure jusqu'au bout et qui confirme ce que la rumeur disait déjà. Camille est donc en partie devenue folle parce qu'elle a dû avorter de (ou des) enfant(s) de Rodin ? Peut-être en partie. 
Il y a aussi les propos du petit-fils de Jessie Lipscomb - une sculptrice qui était elle aussi élève d'Auguste et amie de Camille - qui parle du journal de sa grand-mère où cette dernière parle de l'existence d'enfants qu'auraient eu Claudel et Rodin. 


Je ne parle quasiment que de Camille et ce n'est pas anodin, c'est bien parce que j'apprécie énormément son art que j'ai souhaité lire ce livre, je voulais lever le voile autour de son existence si mystérieuse, autour de cette incarcération forcée - c'est en tout cas bien ce que c'est pour moi. 
C'est sans doute pour cela que j'ai préféré le moment où survient son internement, c'est là où tout s'assombrit, où Camille qui ne comprend pas de prime abord va finir par réaliser qu'elle ne sortira jamais, peu importe ses supplications, peu importe ses requêtes auprès des médecins, elle ne sortira pas. En grande partie parce que sa mère n'avait aucune envie de l'avoir sur le dos et parce que son frère était sans aucun doute un religieux réfractaire et égoïste. Je ne vois pas d'autres mots pour définir leur comportement, cette façon de parler d'elle comme si elle avait la peste et d'en faire le diable en personne, c'est abject. 

En tant qu'auteur, je ne sais pas si j'apprécie Paul Claudel, n'ayant jamais rien lu de lui, mais en tant que personne, il m'apparaît comme étant un être lâche et fermé d'esprit. 
Après tout, il parle lui-même de "libération" lorsqu'il apprend que sa soeur est malade et puis, le comble de l'hypocrisie survient lorsqu'il s'interroge sur ses actions après la mort de Camille. Au moment où c'est trop tard le gars se dit "ah, peut-être que j'aurais dû l'aider ?" ah, bah, peut-être qu'il aurait dû y penser avant de laisser sa soeur pourrir dans un hospice pendant 30 ans ! 
Je ne suis pas médecin, je ne suis donc pas habilitée à dire si elle devait réellement être internée ou si son délire de persécution aurait pu disparaître avec le temps, mais je ne suis franchement pas certaine qu'il y avait besoin de lui infliger toutes ces privations comme de refuser qu'on lui rende visite ou qu'elle écrive à ses amis...


Le deuxième bémol de ce livre est qu'il manque d'illustrations, on entend énormément parler des oeuvres des deux artistes puisqu'on assiste en quelque sorte à la création et à l'évolution de ces dites oeuvres et je pense que ça aurait été un vrai plus d'ajouter les sculptures dont il est fait mention. 
Bien sûr ce n'est qu'un détail là aussi, ça ne m'a pas empêché de regarder sur internet pour certaines d'entre elles, mais disons que j'aurais été comblée. 


Enfin voilà, Je couche toute nue fait partie de mes meilleures lectures de cette année et il faut dire qu'il n'y en a pas tant que ça qui s'élève à ce niveau. J'ai adoré entrer dans l'intimité de ces figures illustres, pouvoir me faire une idée de leur façon de vivre, de l'importance des commandes de l'Etat et surtout du problème que peut poser amour et travail lorsqu'on les mélange. Je l'ai refermé en ayant un sentiment d'injustice extrême pour Camille Claudel qui est passée d'artiste de génie à vieille fille folle, mais son talent transparait toujours aujourd'hui et le passage du temps n'a rien pu faire pour changer cela. 

J'ai grandement minimisé la place de Rodin dans cet article, je m'en rends bien compte, et j'en suis désolée. Mais soit je continue à écrire et on y est jusqu'à demain, soit je conclus en disant que tous les amoureux de sculpture ou d'art en général vont forcément trouver leur bonheur avec cet ouvrage rempli de sincérité, de documents authentiques, qui sont autant d'illustrations de la difficulté d'être une femme sculptrice au XXe (ou devrais-je dire sculpteur...) que d'avoir un aussi grand artiste qu'Auguste Rodin comme mentor. Ils se sont aimés et se sont déchirés. 



"Un jour que Rodin me rendait visite, je l’ai vu soudain s’immobiliser devant ce portrait, le contempler, caresser doucement le métal et pleurer. Oui, pleurer. Comme un enfant. Voilà quinze ans qu’il est mort. En réalité, il n’aura jamais aimé que vous, Camille, je puis le dire aujourd’hui. Tout le reste - ces aventures pitoyables, cette ridicule vie mondaine, lui qui, dans le fond, restait un homme du peuple -, c’était l’exutoire d’une nature excessive. Oh ! je sais bien, Camille, qu’il vous a abandonnée, je ne cherche pas à le justifier. Vous avez trop souffert par lui.[…]"
Camille/Auguste, Je couche toute nue - Eugène Blot à Camille Claudel, 3 septembre 1932.


"Je suis tombée dans le gouffre. Je vis dans un monde si curieux, si étrange. Du rêve que fut ma vie, ceci est le cauchemar."

Camille/Auguste, Je couche toute nue - Camille Claudel à Eugène Blot, 1935 ?







samedi 18 novembre 2017

Le Coin des libraires - #76 Brisée (#3 Effacée) de Teri Terry

Un an après avoir débuté la trilogie Effacée de Teri Terry, je me suis finalement plongée dans le troisième et dernier volet, oui, il n'est pas trop tôt ! 
J'aurais voulu le lire avant, rien que pour terminer la saga un bon coup et ne pas avoir besoin d'y revenir mais ça ne s'est pas fait de cette façon alors tant pis, voilà que je reviens aujourd'hui pour conclure mon périple. 

Je précise que mon avis sur Effacée et Fracturée doivent sans doute être lus avant de lire celui-ci, mais c'est comme vous préférez. 



Kyla est en danger. Les Lorders sont toujours à sa poursuite et le TAG, groupe Terroriste Anti-Gouvernemental, l'a manipulée.
Pour leur échapper, Kyla a dû se résoudre à une mesure extrême : se faire passer pour morte.
Sous une nouvelle identité et avec une nouvelle apparence, elle part à la recherche de son passé et de sa vraie famille.
Mais la vérité est plus compliquée - et bien plus sombre - que Kyla l'avait imaginée…



Dans la continuité des deux tomes précédents, on retrouve Kyla qui se cherche toujours. Elle désire renouer avec son identité, mais la vraie cette fois, celle qu'elle était avant qu'elle se fasse enlever par les Lorders. Kyla aka Lucy du coup, doit retourner d'où elle vient. 
L'auteure a énormément joué avec l'identité de son personnage si bien qu'il devient facile de se perdre, est-elle Kyla ou alors Lucy, puisque visiblement elle a prouvé dans le deuxième tome qu'elle n'est certainement pas Ondée ? 

Toute cette quête identitaire est vraiment intéressante je ne dis pas le contraire mais l'univers dystopique de l'auteure est lui aussi très intéressant et je trouve que globalement l'auteure s'est trop concentrée sur les diverses identités de Kyla ce qui est dommage. Je ne veux pas dire mais au final, on s'en fout un peu du prénom de Kyla, ce qui importe et d'en savoir plus sur le gouvernement des Lorders, sur sa mise en place, sur ses objectifs, tout ça, tout ça. 

Évidemment ces aspects sont aussi abordés, mais c'est plus par petites touches, quand l'intrigue identitaire s'y prête - par exemple, Kyla découvre l'horreur de l'orphelinat parce qu'elle est rentrée chez elle, du moins, là où elle a vécu lorsqu'elle était enfant. 
En fait j'ai trouvé un peu abusé de nous faire croire que ça y est, elle a enfin retrouvé sa place alors qu'en fait non, toujours pas. 

Je critique je sais et c'est un peu injuste parce que ça m'a plu, ce besoin de savoir qui elle est réellement et d'où elle vient, mais ce n'était pas ce qui m'intéressait le plus, pour un dernier tome, je m'attendais à autre chose, à une réelle explosion et non plus une simple continuité des deux premiers volets. J'ai énormément accroché à cette saga, j'ai trouvé l'idée très réaliste parce que tout à fait probable dans le monde dans lequel on vit - du moins, ça ne me choquerait pas outre mesure - et j'avais vraiment de très grande attente pour ce dernier tome et c'est normal d'un côté puisque j'ai beaucoup aimé les deux premiers, il fallait que le dernier dépasse mes espérances. 


Brisée de Teri Terry, éditions La Marinière jeunesse.

J'ai passé un bon moment c'est indéniable, j'ai aimé retrouver Kyla, mais l'excitation qui était bien présente auparavant n'était pas là cette fois. Je tournais les pages et à chaque fois je me disais qu'il manquait quelque chose et en effet, je ne saurais dire quoi exactement mais il m'a manqué quelque chose. 

J'apprécie toujours Kyla, son personnage est fidèle à celui du premier tome malgré tous les retournements de situation, mais j'aurais aimé qu'elle soit un peu moins naïve, qu'elle essaie de réfléchir avant d'agir notamment par rapport à Ben - même si je dois bien dire que la conclusion qu'elle donne et franchement choquante/insultante mais je vais y revenir. 
J'ai pas très bien compris l'intérêt du triangle amoureux Ben-Kyla-Aiden, je me demande encore si c'était une bonne décision de l'introduire. Après avoir passé deux tomes et demi à n'entendre parler que de Ben, voilà qu'on assiste à un virage à 180 degrés si bien que je n'ai pas vraiment compris l'intérêt si ce n'est de caser Kyla avec quelqu'un. 

J'ai vraiment bien aimé le personnage de Stella, elle m'a vraiment fait énormément de peine et j'ai trouvé qu'elle était un des personnages les plus touchants de cette trilogie. Sa relation avec Kyla/Lucy est difficile, parfois Kyla m'a semblé être injuste et parfois c'était l'inverse, mais dans les deux cas, j'ai trouvé que c'était une belle relation, quelque chose de sincère, quelque chose qui manquait à l'histoire. 

Non, en vérité c'est le personnage de Ben qui me laisse le plus dubitative. Ce changement de tempérament, le massacre dont il est à l'origine et surtout, cette phrase de Kyla à la fin, lors de l'épilogue si je me souviens bien, cette formule qui dit que Ben a été effacé parce que contrairement à elle, il avait fait de mauvaises choses, cette formule qui dit que comme il n'a pas un bon fond de base, il ne pouvait qu'être quelqu'un de mauvais. J'ai trouvé ça choquant, complètement à l'opposé du message délivré par la trame et vraiment, je n'ai pas compris comment la protagoniste qui a vu des horreurs, qui a été témoin du lavage de cerveau de gens qu'elle connaît peut dire ça, après tout ce qu'elle a vécu, je ne comprends pas et c'est la chose qui m'a véritablement déçue. 

Bon, pour ce qui est de la fin, je ne peux pas dire que je sois déçue ou quoi, mais j'ai trouvé que c'était un peu bâclé, un peu facile aussi - un peu de tout va bien dans le meilleur des mondes - Kyla retrouve sa famille, enfin ce qu'il en reste et puis comme sa famille a un rapport avec le gouvernement des Lorders - bah ouais sinon c'est pas drôle... - et bien, forcément avec les preuves accumulées et l'ignorance de certains dirigeants, tout redevient normal, la tyrannie disparaît, la démocratie revient et tout est beau. Je voulais que ça se termine bien, il était quasiment certain que ce serait le cas quand même, mais aussi bien, que ce soit aussi facile, c'est dommage. 


Globalement j'ai passé un bon moment de lecture. J'ai aimé découvrir la plume de Teri Terry et faire la connaissance de Kyla qui, à mon avis, aurait bien besoin d'un forfait à vie chez le psy après ce qu'elle a vécu ! J'ai trouvé que l'auteure a imaginé une dystopie qu'il est tout à fait possible de voir se réaliser d'ici quelques décennies - je ne le souhaite pas bien évidemment, mais ça me semble être possible.
C'est une bonne trilogie, une bonne histoire, mais qui se termine d'une manière un peu trop simpliste à mon goût. 

N'hésitez pas à me dire ce que vous en avez pensé si jamais vous l'avez lu ! 








samedi 11 novembre 2017

Le Coin des libraires - #75 Métamorphose II. Paradis obscur d'Ericka Duflo

Après avoir lu et apprécié Exorde, le premier volet de la pentalogie Métamorphose d'Ericka Duflo, je me suis plongée dans le deuxième avec l'immense envie d'en savoir plus sur l'univers. 

Je précise maintenant que je ne sais pas encore quand je vais lire le troisième tome étant donné que le quatre n'est prévu que d'ici avril de l'année prochaine en France et qu'il restera encore à attendre la publication du cinquième et dernier tome. En d'autres mots, je peux très bien le lire demain comme attendre sagement la sortie du quatrième volet histoire d'en avoir toujours un dans ma pile à lire. 



Senna a finalement accepté de rejoindre ses semblables sur l'île d'Arpia. C'est là qu'elle devra compléter sa formation et apprendre à maitriser ses pouvoirs, sous l'oeil inquisiteur de la Matriarche. Mais elle n'a pas pour autant oublié son désir de vengeance. Malheureusement, rien ne se déroule comme prévu et des évènements étranges se succèdent. De plus, Ian, son seul allié sur l'île, a un comportement de plus en plus inquiétant...



Je vous disais dans mon article sur Exorde que j'ai aimé découvrir l'univers fantastique de l'auteure en grande partie pour l'originalité des créatures et en effet, après un premier tome qui fait office de mise en bouche, Paradis obscur nous plonge dans une ambiance radicalement différente. 

On change de campus pour un autre, enfin si on peut appeler un campus le royaume d'Appia évidemment. On a aussi un récit à trois voix cette fois puisqu'on suit le point de vue de Senna, Ian et enfin de la Matriarche, la "mère" des harpies en quelque sorte.
Généralement, c'est quelque chose que j'aime beaucoup, le fait de suivre différents personnages, d'apprendre à les connaitre de l'intérieur si je peux dire. Le seul problème ici réside justement dans le fait qu'on en apprend pas forcément plus sur les personnages que l'on suit, au contraire, on rajoute encore plus d'interrogations si bien qu'il y en a beaucoup trop. 

J'ai vraiment apprécié ma lecture, seulement je veux dire qu'à force d'être dans le flou pour tout, j'ai pas eu l'impression d'avancer dans l'histoire, j'ai plus eu le sentiment que ce tome était destiné lui aussi à poser l'univers, à l'étoffer. C'est bien hein, je ne dis pas le contraire, ça permet de faire la connaissance de personnages qui sont agréables - je ne trouve pas d'autres adjectif étant donné qu'on ne les connait pas des masses non plus - comme c'est le cas de Moon ou encore Safaree, mais au-delà de ça, je ne vois pas très bien si l'auteure voulait nous faire passer un message ou juste nous détailler le fonctionnement d'Appia. 


Métamorphose II - Paradis obscur d'Ericka Duflo, éditions Kennes.


Néanmoins ce n'est pas parce que je n'ai pas eu le sentiment d'avancer dans la trame que je n'ai pas pris du plaisir. J'ai trouvé intéressant ce monde surnaturel, le rapport à Hécate m'a énormément plu par exemple, ou encore la présence de la créature dans la forêt qui entoure le royaume - mais une fois encore je déplore le fait qu'on ne sache pas grand chose de concret, tout est encore trop flou et j'espère vraiment que le troisième volet nous donnera plus de clés. 


Bon sinon, l'autre point négatif de ce volet est qu'on suit bien trop Senna par rapport à Ian, je déplore son absence !
L'intrigue à son sujet a tellement à offrir et plus encore avec les événements qui surviennent dans ce tome et pourtant, j'ai eu l'impression qu'il était trop mis de côté ce qui m'a un peu embêté. Ce tome est trop concentré sur Appia, les coutumes, les traditions, si bien qu'à la fin on n'a pas avancé des masses sur l'intrigue qui se tisse dès le premier volet et qui est, quand même, ce pour quoi on a envie de lire la suite. 
Bien sûr Senna reste fidèle à son objectif, mais les choses sont tellement lentes que pour un deuxième tome, il aurait été bien de révéler plus de choses parce que finalement, j'ai l'impression d'avoir lu la deuxième partie du premier tome qui n'est là que pour mettre les choses en place et c'est dommage. En d'autres mots, j'aurais aimé entrer dans le vif du sujet tout en ayant quelques réponses. 

Je vous disais que Senna m'énervait un peu dans le premier tome, j'ai trouvé qu'elle était plus supportable dans ce volet. Maintenant qu'elle sait ce qu'elle est et qu'elle a trouvé son but, elle est plus attachante. Les nouveaux personnages ne m'ont pas particulièrement marqué, enfin j'ai bien aimé leur singularité mais j'ai surtout eu l'impression que les amies de Senna remplaçaient seulement celles qu'elle a perdu après être partie de l'école dans le premier tome. 
Ian reste mon personnages fétiche et c'est sans aucun doute pour cette raison que j'ai été déçue qu'il soit si peu présent dans ce tome, en espérant que ce soit différent par la suite ! 


Finalement, ce volet m'a mis encore plus l'eau à la bouche, je veux en savoir plus sur le destin de Senna et Ian, sur les véritables intentions de la Matriarche, sur l'origine de la créature dans la forêt, sur la santé de Ian et la façon dont ça va se passer entre lui et Senna. J'ai passé un bon moment à découvrir Appia et je n'ai désormais plus qu'à espérer trouver quelques réponses dans le troisième tome. 








mercredi 1 novembre 2017

Le Coin des libraires - #74 Le Journal d'Helga de Helga Weissová

Le journal d'Helga est le dernier livre traitant de la guerre en ma possession, tous les autres ont déjà été lus. Après Sonderkommando qui a été un des livres les plus difficiles à lire pour moi, j'ai voulu me plonger dans le récit intimiste que nous livre Helga, récit aux accents enfantin puisque le livre commence lorsqu'elle a 8 ans et se termine à la Libération, Helga est alors une adolescente. 

Je trouve qu'aucun récit de ce genre ne se ressemble, l'expérience de chacun est différente même si bien sûr on retrouve souvent des similitudes (le travail forcé, le manque de nourriture, les épidémies, etc.), celui-ci est quand même bien différent de tous ceux que j'ai pu lire puisque l'essentiel se concentre sur les années passées au ghetto de Terezin et non pas en camp de concentration/extermination directement. 


Helga a 8 ans quand elle commence son journal. Nous sommes en 1938 et les nazis ont envahi Prague. Les écoles sont fermées, son père a perdu son travail, toute la famille est confinée dans l’appartement. Un à un, les proches disparaissent, les déportations commencent.
En 1941, Helga et ses parents sont envoyés à Terezin, ils y resteront trois ans. Et Helga raconte : les voyages interminables, les conditions inhumaines, la faim, les maladies, la souffrance. Mais aussi l’amitié, les petits moments de joie, l’espoir. Et puis l’horreur. Helga écrit toujours et dessine pour obéir à son père : « Dis-leur ce que tu vois. »

Seules Helga et sa mère survivront. À la fin de son journal elle a 15 ans. Elle fait partie de la petite centaine d’enfants rescapés sur plus de quinze mille déportés. 



C'est une vision très intéressante que nous livre Helga parce qu'elle est innocente et en même temps très consciente de la situation. Au début elle nous décrit son quotidien à Prague, le fait qu'elle doive quitter l'école puisque celle-ci lui est désormais interdite, le fait qu'elle doive aller suivre des cours dans un appartement en compagnie d'autres enfants, également juifs. On suit son quotidien qui change, la mise en place du couvre-feu, la disparition de ses camarades au fur et à mesure que les jours passent. 

Et puis, voilà qu'un jour c'est son tour, elle aussi doit s'en aller, elle doit tout quitter pour partir à Terezin, elle a alors 12 ans à ce moment là. C'est à cet âge qu'elle doit faire face à toutes les horreurs du ghetto, elle doit accepter la séparation de ses parents (les hommes ne sont pas mélangés aux femmes), le fait de devoir travailler pour aider sa mère. Il faut subvenir à ses propres besoins, tenter le tout pour le tout afin de survivre dans la mesure du possible. 

Survivre, mais pourquoi ? pour continuer à vivre dans une pièce misérable où les corps sont collés tellement l'espace est restreint ? pour être finalement déporté et ne jamais revenir comme ça a été le cas pour son père ? 
Je n'avais jamais entendu parler de ce camp/ghetto qu'est Terezin et pourtant il semblait être une machine relativement bien huilée avec sa propre monnaie, ses propres règles. 


Le Journal d'Helga, d'Helga Weissová, éditons Pocket.


À certains moments, j'ai pensé à Charlotte Delbo et à sa trilogie Auschwitz et après, déjà parce que c'est le nom qui a été donné au deuxième chapitre du journal d'Helga, mais aussi parce qu'elles ont toutes les deux quelque chose en commun : l'espoir, la solidarité entre les êtres. 
Lors de ma lecture de Delbo j'ai été frappée par la façon dont les femmes étaient soudées entre elles, contrairement à Primo Levi, Martin Gray ou même Vladek Spiegelman qui nous expliquent bien que les camps, c'est du chacun pour soi - même si on peut un peu contraster pour Levi. 
Or, ici, une fois encore on retrouve ce sentiment d'entraide, cette idée que de toute façon tout le monde se retrouve dans le même bateau alors autant s'en sortir ensemble, du moins essayer. 


Forcément il est trop simple de dire "lisez-le" et pourtant, il le faudrait. C'est tellement difficile de lire ce genre de livres qu'on en sort toujours changé, toujours un peu plus dégoûté de faire face à cette Histoire qui est injuste et surtout abjecte. 
Il est impossible de dire "celui-ci est meilleur que celui-ci" chaque témoignage apporte un point de vue différent, raconte une vie unique et en même temps c'est une vie qui a été celle de milliers de personnes. 
J'ai aimé la présence de dessins réalisés par Helga durant ses années passées à Terezin, j'ai trouvé que ça permettait de très bien illustrer son propos et ainsi de donner une véritable image de la réalité. C'est un livre qui est complet parce qu'il est juste, il a pour vocation d'être vrai et c'est tout ce qui importe. 

Avec Le journal d'Helga, je garde surtout en mémoire que sur environ 15 000 enfants envoyés à Terezin, une centaine seulement a survécu et c'est quelque chose qu'il ne faut pas oublier : la mort de tous ces gens au nom de la haine, de l'envie et sans doute aussi de la peur de l'autre, et pourtant, c'est à cause de toutes ces choses si aujourd'hui encore la vie de tant de personnes se trouvent être ruinées ou simplement supprimées. 
Et je m'interroge toujours : comment est-ce possible ? 









Le ciel en sa fureur d'Adeline Fleury

Quand le varou m'emportera je m'endormirai dans le ciel de tes yeux. Sous les auspices de Jean de La Fontaine, Adeline Fleury nous ...