dimanche 24 septembre 2017

L'Avenue du cinéma - #25 Les Proies de Sofia Coppola

Voilà longtemps que je n'ai pas écrit un article sur le cinéma. Le dernier en date était pour le film Mademoiselle de Park Chan-wook qui fait partie de mon tops 10 de l'année 2016. J'ai souvent voulu écrire des articles sur des films, j'ai longuement hésité pour Get Out de Jordan Peele que j'ai littéralement adoré, mais par manque de temps j'ai été obligée d'abandonner l'idée. 

J'ai aussi hésité avant de commencer à écrire cet article, j'ai un peu peur d'être rouillée après avoir passé plus de six mois sans donner un avis qui soit relativement détaillé sur un film, mais j'ai envie de vous en parler alors on verra. 

J'attends Les Proies depuis des mois, étant une grosse fan de Kirsten Dunst, je me tiens au courant de ses projets et quand j'ai appris qu'elle allait de nouveau travailler aux côtés de Sofia Coppola j'étais trop heureuse. Je trouve que ce duo marche très bien, d'ailleurs, il me semble que tous les films que j'ai vu de cette réalisatrice sont ceux qu'elle a fait avec Kirsten Dunst, excepté The Bling Ring (2013) auquel je n'ai pas trop adhéré - et oui, honte à moi qui n'aies pas vu ni Lost in Translation (2003) ni Somewhere (2010) ! 

Avant d'entrer dans le vif du sujet, je tiens à préciser que je n'ai pas lu le livre éponyme (1966) de Thomas Cullinan et je n'ai pas vu la version cinématographique de Jon Siegel (1971) avec Clint Eastwood. Pour tout dire, je ne pense pas que je lirai le livre, ça m'a tout l'air d'être une brique et pour ce que j'en ai lu, je crois que j'aurais trop de mal à entrer dedans. Pour le film, franchement d'un côté, la curiosité prend le dessus et j'aimerais savoir ce qui a été fait avant, mais d'un autre, le film de Coppola semble prendre un tollé parce qu'il est justement comparé au film de 1971 alors qu'ils sont apparemment très différents - même si évidemment le postulat est le même, alors je suis sur la réserve. 


Affiche The Beguiled/Les Proies (2017), Sofia Coppola.


Bon comme vous l'avez probablement compris, plus que pour l'histoire, c'est pour la réalisation et les acteurs que j'a vu ce film. Bon, ce n'est clairement pas pour Colin Farrell ou même Nicole Kidman, mais bien uniquement pour Kirsten Dunst et un peu Elle Fanning aussi. 

Rapidement quand même, l'histoire est celle de John McBurney (Colin Farrell), un yankee trouvé à la limite de l'inconscience dans les bois par Amy (Oona Laurence) qui décide de le ramener dans le pensionnat où elle vit exclusivement avec des femmes. Nous sommes en 1964, la guerre de Sécession a commencé depuis quelques années et pourtant les femmes du pensionnat décident de le remettre sur pied, bien qu'il soit un ennemi - il est un Nordiste, elles sont des Sudistes. 
Voilà le postulat de départ en gros. 

Franchement, je pense que j'aime autant ce film parce que justement ce n'est pas l'histoire qui me faisait le plus envie. C'est ce que j'ai le moins aimé dedans, son intrigue principale. Les personnages sont un peu trop survolés, ils n'ont pas de véritable passé - Martha (Nicole Kidman) avait quelqu'un avant la guerre de Sécession, Edwina (Kirsten Dunst) désire se barrer du pensionnat plus que toutes les autres. C'est quand même la raison pour laquelle elles sont bloquées ensemble et au final on ne se concentre que sur le rapport entre les femmes et John.  
Pour ajouter de l'épaisseur aux personnages, je pense qu'il aurait été bien de les doter d'un passif et non pas de seulement se concentrer sur l'instant, sur leur désir, leur besoin d'être celle qui gagnera John même si je peux comprendre que ce soit un parti pris que de saisir des femmes à des âges divers et dans une situation aussi délicate, peut-être que finalement le passé ne compte pas dans ce genre de situation (?). 
Le fait qu'on ne sache rien sur eux rend flou les prises de positon. On ne connaît pas le tempérament des personnages, Colin Farrell joue bien, mais son personnage est volatile, a-t-il véritablement des raisons de devenir menaçant après la mutilation ? a-t-il vu clair dans le jeu de ces femmes qui incarnent l'innocence même ? les femmes voulaient-elles réellement se venger en exerçant une forme de castration perceptible par la mutilation ? oui, encore maintenant il y a trop de questions qui se bousculent et trop peu de réponses peut-être.

Mais aussi, c'est cet aspect là qui m'a énormément plu dans le film, qui est innocent, qui ne l'est pas ? Dès le début on est persuadé que l'intrus qu'est John va être le "chasseur" et que ces femmes seront ses "proies", c'est évident de se dire ça rien que par le titre - un titre qui est pour moi particulièrement très mal choisi puisque personnellement il n'y a aucune nécessité d'y mettre un pluriel... - mais finalement à la fin du film la question se pose de nouveau, qui a été chassé ? 
Ce ne sont sûrement pas les femmes. Ce sont elles qui mènent la danse, ce sont elles qui décident si John doit rester pour guérir ou être livré, s'il a le droit de manger avec elles ou s'il doit manger seul, enfermé. La seule décision de John est celle de choisir le lit dans lequel il veut coucher, sa seule décision, et sans aucun doute la plus bête vu la tournure des événements. 


Les Proies (2017), Sofia Coppola.


Bien évidemment il fallait s'attendre à la question de la féminité chez Coppola, leur virginité, leur pureté transparaît par tous les pores de ces femmes habillées de blanc ou encore de bleu, mais c'est un portrait en demi teinte que la réalisatrice nous livre. 
Au départ elles sont ce qu'elles représentent, des sortes de saintes vivant en autarcie, qui vouent leur journée à un labeur (celui de travailler au jardin ou celui d'étudier) et dès l'arrivée du sexe opposé, d'un homme qui s'affiche immédiatement en tant qu'ennemi - parce qu'il est un yankee déjà mais parce qu'il est un homme surtout, alors ces femmes changent du tout au tout. Elles deviennent calculatrices - je pense à Martha qui tente de tromper John avec l'alcool, elles sont perfides et jalouses entre elles - on le voit avec les remarques sur les bijoux, les épaules nues d'Edwina qui choque par son audace et son manque de pudeur, et ça va carrément jusqu'au dévergondage avec Carol (Elle Fanning) qui, ni une ni deux décide d'embrasser John et accepte même de l'avoir dans son lit ! 

J'ai vu Les Proies comme l'invitation d'un corps étranger, un double ennemi dans un microcosme matriarcal qui refuse la servitude, qui souhaite faire les règles et compte bien les appliquer peu importe ce que ça demande. C'est assez ironique de voir des femmes qui semblent si pieuses et en même temps qui sont si facilement convaincues qu'il faut supprimer un homme.

Tout le long du film on a cette ambivalence des personnages qui est dû au jeu, les femmes sont discrètes, elles parlent avec une sorte de réserve, une timidité qui se révèle être feinte - pour Edwina et Carol qui prouvent qu'elles ne sont pas du tout blanches comme neige, bien au contraire, et je crois qu'il en va de même pour Martha qui aurait bien aimé avoir sa part du gâteau aussi. Ce ne sont pas dans les mots qu'il faut chercher des réponses, mais dans le regard. Ils disent tous ce qu'ils désirent avec celui-ci et du coup ça entraîne une certaine retenue qui est intéressante à observer. 
Même le personnage de John finalement, il paraît franchement sympa même si on sent bien que les femmes l'intéresse, il n'est pas non plus insensible à leur charme et il a bien senti qu'il avait le choix alors il a saisi sa chance, mais en soi, il ne dit rien qui puisse être mal interprété avant qu'il ne se blesse de nouveau. 


La réalisation est tout en finesse avec une photographie absolument magnifique - merci au directeur de la photographie Philippe Le Sourd, il a fait un excellent boulot ! - ainsi qu'un décor majestueux qui souligne l'enfermement, le repli de ces femmes qui sont perpétuellement étouffées. Elles le sont avec cette imposante bâtisse, avec ces énormes colonnes qui sont comme des barreaux de prison mais aussi l'expression de leur pouvoir - cette maison n'est pas sans faire penser aux palais antiques je trouve. 
Les plans soulignent toujours l'enfermement : on est derrière les grilles, on est enfermé à clé dans la chambre, on est dans le jardin, mais on est pris entre les arbres si bien que le soleil transperce mais ne se déverse pas et les arbres nous bouchent la vue... 
Je souligne d'ailleurs que les décors sont naturels, ce ne sont pas de vulgaires images réalisées en studio et si je ne dis pas de bêtise, le tournage s'est notamment effectué en Louisiane - dites moi si je dis n'importe quoi ! 


Cet avis est évidemment très subjectif, j'y ai vu ça mais d'autres ont sûrement vu d'autres choses et peut-être que ce que j'y ai vu n'est absolument pas ce que Sofia Coppola voulait nous montrer, mais finalement je me dis que le principal c'est que j'ai passé un excellent moment, j'ai aimé voir ce film et je suis heureuse qu'il me plaise - j'avais quand même des attentes. C'est essentiellement grâce à la réalisation et aux acteurs, que je salue ce film, Sofia Coppola montre une fois encore qu'elle maîtrise son travail, qu'elle sait diriger des acteurs et ça a fonctionné avec moi - même si je le redis encore, j'aurais aimé qu'il fasse 20-30 min en plus afin qu'on saisisse parfaitement tous les enjeux et ainsi ne pas se tenir à distances des personnages.  






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