mercredi 19 juillet 2017

Le Coin des libraires - #59 Les enfants de Dimmuvík de Jón Atli Jónassón

Je voulais lire ce petit livre depuis quelques mois déjà et quand j'ai eu l'occasion de le trouver à Paris, comment dire que j'étais trop contente. Bon avec même pas 90 pages, il est évident qu'il a été lu d'une traite, durant le trajet pour rentrer chez moi. C'est rapide, mais c'était très, très bon. 


Les enfants de Dimmuvík est un roman islandais, il se passe en Islande et c'est une des principales raisons qui faisaient que je voulais le lire, j'adore ce pays et j'aimerais beaucoup pouvoir le visiter un jour, alors en attendant, j'essaie de lire dessus, d'en apprendre plus. 


Le jour de l’enterrement de son frère, une vieille femme se remémore leur enfance misérable au bord d’une crique, quelque part en Islande, où l’on enterrait les mort-nés dans des champs de lave. C’était un pays maudit baigné d’une mer vide, écrasé par des montagnes aux cimes déchiquetées. Un pays aux hivers rudes où trois enfants malingres sont réduits à manger du lichen ou des chiens errants. La vieille femme se souvient de sa mère qui un jour perdit la raison et se tourna vers un mur, cessant de parler et de voir. Elle se souvient de son père qui, à la lueur d’une bougie, leur lisait le soir des pages de la Bible. C’était en 1930, la vieille femme avait alors douze ans. Elle se rappelle la faim, qui les torturait, et le crucifix où pendait un Jésus efflanqué à la tête énorme, un christ aussi difforme qu’eux, qui n’avait rien à leur dire.
Dans Les enfants de Dimmuvík, Jón Atli Jónassón raconte une histoire d’autant plus terrible que la vérité y apparaît comme un os mis à nu : il y a parfois, simplement, trop de bouches à nourrir. C’est aussi en filigrane une méditation angoissée sur la tentation d’abandonner les siens à leur misère pour sauver sa peau.


Ce livre n'est absolument pas joyeux, on ne termine pas sa lecture en ayant la patate, mais plutôt en relativisant : la vie des autres peut être si affreuse parfois, si injuste et misérable. Ça touche, ça fait mal, mais c'est bien de rencontrer d'autres contrées, de découvrir des modes de vie lointains et c'est ce genre de choses que j'ai découvert dans ce livre, un monde très différent du mien, un monde rural où le froid, la neige et la famine ne quittent jamais la petite famille de la narratrice. 

Ce roman islandais décrit avec une froide lucidité cette famille pauvre dans les années 1930, ce récit est bien entendu rétrospectif puisqu'il est écrit par l'aînée de la famille. Elle nous raconte à quel point leur vie était horrible, pour elle, son frère, sa jeune soeur ou encore ses parents. C'est une lecture vraiment dure, et ce, dès le début, même dans le présent de la narratrice, lorsqu'elle nous parle de son mari qui a oublié, qui l'a oublié. Et puis peu à peu, ça devient pire encore, les descriptions sur la maigreur de sa soeur, sur la foi inébranlable de son père, sur la folie de sa mère, cette même mère qui est plongée dans le mutisme depuis sa fausse couche, ou plutôt son accouchement d'un mort-né. 

Tout ce qui est décrit est emprunt de violence, celle de la mort, de la faim, du froid, de la vie. Tout est amplifié parce que tout est odieux et qu'il ne semble pas y avoir de possibilité de sortir de cette vie. Alors voilà que le seul plaisir se trouve dans le fait de boire du lait une fois par semaine, et celui qui fait des kilomètres pour y aller à droit d'en boire à volonté, maigre consolation. 


Les enfants de Dimmuvík de Jón Atli Jónassón, collection Notabilia


Chaque page recèle un nouveau sentiment, c'est un livre très dense parce que très concentré, l'auteur a magnifiquement condensé son histoire pour qu'elle soit la plus courte possible, la plus concise et donc la plus poignante possible. 

On s'attache à la protagoniste, on a mal avec elle parce qu'on s'y voit, on est à ses côtés lorsqu'elle se prend une gifle par son père, lorsqu'elle va chercher sa mère dehors en pleine nuit, lorsqu'elle voit son père emmener le chien. 
Le récit se termine avec une sorte de cassure, une vision d'horreur qui surpasse le reste - la preuve, c'est possible et on en ressort le souffle coupé. 

On découvre alors un pays qui porte en ses contrés la misère, on nous dévoile la difficulté du climat, le froid, la neige. On trouve énormément de sujet avec la folie de cette mère qui semble être restée bloquée, le père qui pense que Dieu viendra les sauver et attend vainement, et trois enfants, trois pauvres enfants qui doivent grandir, vivre dans cette pauvreté et enfin, s'émanciper, si c'est possible. 


Un nouveau Notabilia a rejoint ma bibliothèque donc et une fois encore, j'ai été happée par cette histoire, par la difficulté de vivre, par la détresse de cette enfant devenue une vieille femme mais qui, malgré tout, reste hantée par ses souvenirs. Une fois encore, ça a fait mouche, la magie a opéré et j'ai passé des minutes difficiles avec ce livre entre les mains, mais j'ai aussi été touchée, j'ai aussi aimé.



"Ce qui me chagrine le plus quand je repense au passé, c’est l’impuissance. Je savais si peu de choses. Je savais à peine lire en ânonnant. Et puis le chagrin cède la place aux larmes. Puis à la honte et au regret aussi. Ça se passe toujours comme ça."

Jón Atli JónassónLes enfants de Dimmuvík.





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