dimanche 13 mars 2016

L'Avenue du Cinéma - #20 The Revenant d'Alejandro González Iñárritu

The Revenant d'Iñárritu, c'est la légende du trappeur Hugh Glass dans le Nord-Ouest des États-Unis au XIXème siècle (1820 environ). Histoire quelque peu modifiée par rapport au roman Le Revenant de Michael Punke puisque Glass n'aurait jamais eu de fils indien et surtout, l'histoire de revanche entre Fitzgerald et notre héros concernerait simplement une histoire de vol, celui du fusil de Glass que Fitzgerald lui aurait subtilisé au moment où il décida de le laisser seul pour mort dans la nature. 

Développé d'un point de vue uniquement fictif, le fils de Glass, Hawk (interprété par Forrest Goodluck) est un élément scénaristique qui, il faut bien le dire rajoute une certaine épaisseur au personnage principal. Bah oui, je ne suis pas certaine que l'impact aurait été le même si on avait suivi le périple vengeur de Glass durant plus de deux heures simplement pour que celui-ci récupère son fusil. Le fait que Fitzgerald ait tué son fils, qui plus est sous ses yeux sans qu'il ne puisse rien faire rajoute à la dramatisation. 

Le film s'inscrit surtout dans une optique réaliste où l'esthétique prône sur le reste, ce n'est d'ailleurs pas pour rien si le tournage prévu en quatre-vingts jours a en réalité duré neuf mois. Ce tournage difficile, on le doit à la météo, mais surtout au réalisateur lui-même et à son directeur de la photographie, Emmanuel Lubezki qui voulaient tourner avec une certaine lumière et toujours en extérieur. Rien que les premiers plans sont d'une beauté à couper le souffle, je pense par exemple au deuxième plan du film, celui avec l'arbre qui est absolument magnifique. Il y a beaucoup de plans "horizontaux" notamment dans la forêt et ces plans-là aussi valent le coup. 




La bataille avec l'ours est sans conteste la séquence la plus marquante du film, de par son réalisme et sa beauté. Il faut quand même se rendre compte que derrière ce corps d'ours se cache un homme, (Glenn Ennis) un cascadeur qui aurait beaucoup observé les ours pour copier leurs mouvements et lui aussi, on peut dire qu'il joue parfaitement son rôle. Oui, il faut bien le dire, on y voit que du feu, on est tellement pris dans cet affrontement absolument terrible et les effets spéciaux sont tellement bons qu'on croirait à un vrai ours ! Un animal sauvage qui lacère le dos de sa proie, que dis-je de sa victime, qui s'en va pour mieux revenir, après avoir reçu une balle de la part de Glass qui a eu pour seul but de l'énerver plus encore. Et alors c'est là qu'il y a cette image d'une barbarie qui va au-delà de tout, nous voilà scotchés devant l'écran après ce moment très rapide où l'ours déchire la gorge de Glass d'un unique coup de patte, bah oui, il ne fallait pas plus. 
Et là encore, quand on se dit que ça suffit, que le combat va s'achever, que l'ours renifle la peur de notre héros, la lèche comme pour la garder en mémoire, nous sommes repartis pour un troisième round, round final qui se terminera avec la mort de l'ours, in extremis sans doute pour notre trappeur qui, on le pense ne pourra pas survivre à ça

Le casting du film est bien évidemment excellent, je pense aux trois acteurs qui portent le film : Leonardo DiCaprio, Tom Hardy et Will Poulter. Finalement, une grande partie du film ne repose que sur DiCaprio, sa solitude dans une nature sauvage inquiétante où il arrive, avec peine à survivre. Son Oscar est plus que mérité, toujours dans la justesse, il n'est jamais ridicule ou dans l'exagération. La scène du meurtre de son fils en est un parfait exemple, il est là, face à cette horreur et il ne peut rien, il ne peut même pas crier, hurler à la mort, rien, excepté des bruits de plaintes qui ne font que renforcer son incapacité à agir. Ou encore le passage avec la carcasse de cheval dont il ressort nu au petit matin, mi-homme mi-animal, une sorte de métissage des deux. Scène qu'il a bien tourné lui-même d'ailleurs, et je dois bien avouer que personnellement, je ne sais pas si je l'aurais fait tellement ça me semble dégueulasse, ou même de manger du foie de bison cru, et encore, je ne suis pas végétarienne comme lui.


Mais il a néanmoins un petit bémol dans cette perfection que semble être The Revenant. J'ai adoré, il n'y a aucun doute là-dessus, non, ce qui m'a le plus embêté en fait, c'est que je savais que j'adorerais et j'attendais jusqu'à la dernière seconde quelque chose qui viendrait me faire moins l'aimer, parce que oui, rien n'est parfait - même si certaines œuvres s'en rapprochent dangereusement. Et j'ai bien trouvé quelque chose, ce quelque chose, c'est la fin du film. Cet espèce d'affrontement final entre Glass & Fitzgerald qui débute comme une chasse quelques douze minutes avant la fin. Oui, nous y voilà, cela fait désormais plus de deux heures que nous sommes devant cette beauté visuelle, deux heures également que nous l'attendons cette vengeance promise et elle est là, face à nous. J'ai été bien déçue, un affrontement qui finalement ne dure pas plus de sept minutes pour se conclure en "ça ne ramènera pas ton fils Glass" et celui-ci qui lâche son ennemi pour le donner aux autres, ceux qui sont les ennemis des Blancs, mais pas de Glass, les Indiens. J'ai trouvé la scène trop brève, j'ai trouvé qu'elle ne nous donnait pas suffisamment comparé au film dans sa globalité, c'est censé être le moment fatidique et finalement, nous sommes obligés de nous contenter d'un bref combat qui est évidemment beau visuellement, avec cette neige qui au fur et à mesure des coups de poignard et de hache devient comme contaminée par le sang, par un Fitzgerald qui n'est plus qu'un homme grisonnant, l'ombre d'une silhouette passée qui n'a plus grand chose à nous apporter. 

The Revenant est de ces excellents films qu'il faut avoir vu rien que pour sa beauté, son esthétique absolument magnifique où son directeur de la photographie mérite amplement d'avoir été oscarisé pour son travail. C'est un film intéressant sur une légende américaine du XIXème siècle qui nous fait voyager pendant plus de deux heures trente, mais qui n'est pas parfait à cause d'un scénario qui pèche un peu au profit de l'esthétique (à l'inverse du film Spotlight, vu récemment).








dimanche 6 mars 2016

L'Avenue du Cinéma - #19 Spotlight de Tom McCarthy

Spotlight de Tom McCarthy (cinéaste indépendant avec une longue filmographie mais aucun film réellement notable, pour ma part) raconte l'histoire plus que controversée de l'enquête menée par un groupe de journalistes d'investigations nommé Spotlight à la rédaction du Boston Globe. Journalistes qui mettront finalement en lumière des agressions pédophiles de la part de prêtres de l'Église catholique en particulier dans la région de Boston. 

Ce travail de fond de la part des journalistes a bel et bien existé puisqu'il s'agit d'un film s'appuyant sur des faits réels, le groupe Spotlight a d'ailleurs reçu le prix Pulitzer pour cette histoire en 2003. 
Ce groupe Spotlight est composé de Walter V. Robinson (Michael Keaton), Martin Baron (Liev Schreiber), Sasha Pfeiffer (Rachel McAdams) & Michael Rezendes (Mark Ruffalo). 

Il s'agit avant tout de montrer les avancées et les régressions de l'enquête qui a duré un an, on ne trouve pas énormément de rebondissements dans le film simplement parce qu'il n'y a rien de fantastique, il n'y a aucun besoin d'effets spéciaux ou de tout autre artifice devenus monnaie courante dans le cinéma américain d'aujourd'hui, il s'agit de montrer le quotidien de ces journalistes, le labeur d'un travail de plusieurs mois, d'un travail sur la durée. 




On trouve dans le film une sorte de refus du sensationnel, de cette idée d'en mettre plein les yeux au profit d'une histoire parfaitement ficelée qui, il faut bien le dire se suffit à elle-même. Même si beaucoup semblent avoir à redire sur la réalisation qui est vraiment simpliste (généralement des champ/contre champ ou des plans séquences), je trouve que c'est une bonne prise de position, le réalisateur a eu le courage d'affirmer le parti-pris qui est que le scénario est sans conteste le noyau dur du film et je pense que celui-ci aurait perdu de sa force si la réalisation l'avait bariolé de mouvements d'appareil qui oui, aurait sans aucun doute ajouté à la beauté du film mais n'aurait pas permis de voir l'histoire comme elle est réellement. 
Un peu à la manière d'un journaliste, le réalisateur nous fournit les faits et rien d'autre, pas d'artifice pour l'embellir ou au contraire amoindrir le propos, il nous balance l'histoire comme elle est, voilà tout. 
D'ailleurs, si la réalisation semble classique, elle n'en est pas moins recherchée puisqu'il faut quand même savoir que McCarthy a pour chaque scène fait plus de cent prises ! - oui, il a eu le courage ! 


Spotlight est comme dit plus haut porté par quatre acteurs et c'est ici que ça se complique un peu pour moi. Oui, de cette équipe de choc, le seul à véritablement sortir du lot est Mark Ruffalo qui nous donne une interprétation plus que sensationnelle du travail de Michael Rezendes. Les autres personnages sont - à mon goût - trop survolés, pas assez étoffés pour que l'on puisse leur accorder une identification suffisante. Le personnage incarné par Rachel McAdams n'est pas suffisamment exploité, on lui parle beaucoup trop facilement, librement aussi, sans qu'il n'y ait de raison particulière hormis le fait qu'elle est la seule femme du groupe. Doit-on en déduire que sous prétexte qu'elle est une femme, on peut lui confier sans raison aucune une agression sexuelle dont on a été victime lors de son enfance, qui plus est par un prêtre comme ça, entre deux cafés ? 
C'est d'après moi le principal problème du film, les personnages n'existent qu'en surface, ils n'ont pas de véritables personnalités qui permettraient qu'on s'attache réellement à eux. D'un autre côté, c'est aussi la volonté du réalisateur de ne pas nous montrer la vie intime de ces personnages, simplement parce que ce n'est pas le propos, parce que pour l'histoire qui nous intéresse, pour cette enquête sur les prêtres pédophiles, ça n'a aucune espèce d'importance. Alors, j'ai décidé de me contenter de ce qui nous est donné : une formidable prestation de Mark Ruffalo qui porte véritablement l'équipe entière. 

Je dirais donc que Spotlight est un très bon film, que son sujet (plus que sensible) est intéressant et qu'il nous emmène parfaitement dans le quotidien de ces personnes qui ont tout fait pour faire éclater une vérité extrêmement dérangeante. Il est un film qui mérite amplement d'avoir remporté l'Oscar du meilleur scénario, mais qui malgré tout reste discutable pour l'Oscar du meilleur film. 


  • Le Boston Globe a mis en ligne l'enquête complète rédigée par Michael Rezendes qui n'est autre que le personnage incarné par Mark Buffalo dans le film : 

Le ciel en sa fureur d'Adeline Fleury

Quand le varou m'emportera je m'endormirai dans le ciel de tes yeux. Sous les auspices de Jean de La Fontaine, Adeline Fleury nous ...